Les autorités antitrust russes s'en prennent à Visa

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MOSCOU, 24 février - par Nina Koulikova, commentatrice économique de RIA Novosti.

Le 25 février, une commission du Service fédéral antitrust de Russie (FAS) se penchera sur les violations par le réseau monétique Visa de la Loi sur la protection de la concurrence sur le marché des services financiers. Le géant mondial est notamment accusé d'abus de position dominante sur le marché des cartes de crédit.

Visa est le leader incontesté des systèmes de paiement bancaire dans le monde entier, y compris en Russie. En 2003, il fournissait 36,89% des cartes émises et assurait 40,25% des opérations par carte de crédit. Chez MasterCard, ces indices s'élevaient à 22,8% et 6,9% respectivement.

Le réseau russe Union Card détient 15,8% du marché pour le nombre de cartes émises et 21,4% pour le volume des transactions. Il est suivi par l'AS Sberkart de la Sberbank dont les parts de marché s'élèvent respectivement à 10,8% et 20,5%. Enfin, Zolotaya Korona assure 5,95% des opérations et émet 6% des cartes de crédit.

On qualifie de monopole une compagnie dont la part du marché dans tel ou tel pays dépasse 35%. D'après ce critère, Visa est incontestablement un monopole. Mais le fait que la transnationale contrôle le plus gros morceau du marché russe n'est pas à l'origine des réclamations des autorités antitrust. Les réclamations ne surgissent que si le monopole commence à abuser de sa position dominante et à écraser les concurrents pour élargir davantage sa puissance.

Depuis trois ans, le marché russe des cartes de crédit affiche une croissance assez élevée. Mais la part des réseaux de paiement russes ne cesse de décroître, alors que Visa affiche une progression stable.

Le géant mondial n'y est pas pour rien, selon les autorités antitrust. Il a notamment l'habitude d'imposer aux banques des conditions draconiennes relatives au volume de l'émission de cartes. Selon Andreï Kachevarov, directeur adjoint du FAS, toute une série de banques russes, notammentUralvneshtorgbank, se plaignent que Visa leur impose des plans d'émission exagérés qui les obligent à réduire l'émission d'autres cartes.

À qui la faute? Visa a plus d'une fois fait l'objet d'enquêtes aux États-Unis et en Europe où elle interdit parfois l'émission parallèle des cartes de deux réseaux de paiement au sein d'une même banque. En ce qui concerne la Russie, la plupart des banques préfèrent éviter de se brouiller avec le réseau mondial. Car le consommateur russe a besoin de ses services: les systèmes monétiques nationaux ne peuvent égaler Visa ni par leur réputation, ni par leur zone de couverture.

Avant 1998, les systèmes de paiement russes ont connu un développement relativement prospère: les cartes STB Card, Union Card et Zolotaya Korona qui ont vu le jour à l'époque étaient utilisées par la plupart des banques nationales. En règle générale, une carte de fabrication russe est deux à trois fois moins chère qu'une carte étrangère. Toutefois, après la crise, la confiance envers les cartes russes a chuté au profit des cartes internationales, plus fiables et plus développées sur le plan des infrastructures. À l'heure actuelle, les cartes russes sont utilisées plutôt par les banques régionales pour verser les salaires et ne peuvent pas rivaliser sérieusement avec les cartes étrangères.

Les réseaux russes pourraient devenir compétitifs en s'unissant. Des initiatives de ce type surgissent en permanence. Cependant, toutes les tentatives de fonder un réseau de paiement national unique ont échoué, les banques ne pouvant pas parvenir à un consensus sur la question des tarifs, la répartition des compétences au sein du réseau, alors que le coût du projet s'avérait excessif.

Des problèmes surgissent également en raison des différences technologiques dans le traitement des opérations par les différents systèmes. Zolotaya Korona utilise, par exemple, des cartes à puce, STB Card et Union Card des cartes magnétiques. Il serait logique de promouvoir leprojet sur la base des technologies à puce qui sont plus avancées, mais cela rend le projet encore plus coûteux.

Quel est donc l'objectif du FAS: établir des règles de concurrence égales pour tous ou opter pour la faiblesse et le handicap? Si les banques russes sont protégées, elles ne seront pas tentées d'améliorer la qualité de leurs services et de rechercher des solutions ingénieuses dans la lutte pour attirer le client.

Visa est également fort parce qu'il ne cesse de mettre en œuvre de nouvelles technologies de virement, d'améliorer la structure des télécommunications et de multiplier les produits basés sur les technologies à puce. La conception d'un réseau de paiement analogue serait si onéreuse que nul ne pourrait offrir une gamme de services comparable. Des règles du jeu équitables ne profiteraient donc qu'à Visa.

Mais la position actuelle du géant de la monétique résulte des années de lutte contre les concurrents. La monopolisation est le mal absolu, et tout le monde le reconnaît. La Russie n'est donc pas l'unique pays qui cherche à résoudre ce problème auquel personne n'a encore trouvé la solution.

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