"Projet libéral" de Russie Unie : il n'y aura pas de scission

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MOSCOU, 20 avril /par Iouri Filippov, commentateur politique de RIA Novosti/. Les "nouveaux libéraux" de Russie Unie ont invité le reste de leur parti à ouvrir le débat. La déclaration faite mardi dernier par Vladimir Pliguine prétend au rôle de manifeste libéral et antibureaucratique des membres du parti au pouvoir qui se sentent plongés dans l'inconfort par les tendances "autoritaires" de l'appareil d'Etat. Ces derniers temps, ces tendances se traduisent par l'affaire Ioukos, les tentatives de faire pression sur les médias, le renforcement général des positions de la bureaucratie au détriment du jeu politique libre, la limitation des droits et des libertés à la faveur de la "lutte contre le terrorisme".

"Résistance à la bureaucratie réactionnaire", "valeurs démocratiques", "libertés civiles", "souveraineté nationale", cette panoplie de mots d'ordre énoncés par Pliguine, qui s'acharne contre son parti en l'accusant d'absence d'"idéologie compréhensible", semble parfaite. Les détracteurs tant soit peu importants de Russie Unie, depuis les libéraux de l'Union des forces de droite et de Iabloko de Iavlinski jusqu'aux communistes et aux nationalistes de Rodina, ont mis des années à la peaufiner. Cherchant à faire face à la poussée de Russie Unie qui a évincé ses adversaires de la quasi-totalité des niches importantes, les communistes ont même proclamé une version rénovée de la théorie de la lutte des classes : au nom de la victoire de la démocratie sur l'hégémonie de la bureaucratie, ils ont proposé aux oligarques et aux prolétaires de s'unir au sein d'une union populaire patriotique.

Pliguine et compagnie proposent pratiquement la même chose, à cette différence, substantielle, que leur union sera libérale et non pas populaire et patriotique. A noter que le succès de la nouvelle idéologie antibureaucratique peut être assuré justement par une circonstance qui constituait jusqu'à présent le plus grand obstacle pour les détracteurs de Russie Unie. Le parti du pouvoir usait d'un procédé bien simple pour écarter les critiques, aussi étoffées qu'elles soient : il leur tournait tout simplement le dos. Mais si la critique venait des collègues et si elle était autorisée au niveau de la discussion interne, celle-ci pourrait aboutir rapidement à un résultat idéologique : il est douteux que les leaders de Russie Unie acceptent d'assumer la réputation de défenseurs de la bureaucratie et de l'autoritarisme; aussi, la "rénovation" pourrait-elle se propager rapidement au sein du parti.

D'où les prévisions selon lesquelles la démarche des "nouveaux libéraux" n'aboutira pas dans l'immédiat à une scission de Russie Unie. Les "nouveaux libéraux" déclarent clairement qu'ils ne cherchent pas à diviser le parti, ni son groupe à la Douma. On peut les croire sur parole. Car pour qu'un parti éclate, il faut nécessairement qu'il y ait en son sein des plates-formes politiques nettement formulées, or tel n'est pas le cas. La division proposée aujourd'hui selon le principe "contre la bureaucratie - pour la bureaucratie" est absurde et ne peut que discréditer Russie Unie.

Par contre, à l'horizon des élections législatives de 2007, la division du parti en centre gauche et centre droit (ou même en trois parties) apparaît plus probable. Si, d'ici là, le projet politique du "libéralisme rénové" est réalisé, si les valeurs libérales deviennent populaires dans le pays par les soins des nouveaux exégètes et propagateurs, Russie Unie sera tout simplement obligé à se diviser en différentes fractions pour recueillir davantage de suffrages aux élections et mieux contrôler l'espace politique.

Cependant, le projet strictement libéral aurait un avenir assez obscur. En effet, les idées libérales en Russie ont été compromises par la crise de 1998 et la chute du niveau de vie de la population au cours des réformes libérales. Qui plus est, de toute l'histoire du pays personne n'a pu formuler un projet libéral, particulièrement attrayant chezles classiques occidentaux du libéralisme, d'une façon simple et séduisante pour un nombre considérable de citoyens de Russie. Les "nouveaux libéraux" de Russie Unie y parviendront-ils? - rien n'est moins sûr. Ils seront, de surcroît, concurrencés par les "anciens libéraux russes". De toute façon, un travail de longue haleine les attend.

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