"Ni spéculations ni jeux avec des livres sacrés, tels que le Coran, la Thora et la Bible, sont parfaitement inadmissibles", a déclaré à RIA-Novosti le président du Conseil des muftis de la Russie - le cheikh Ravil Gaïnoutdine.
Evoquant le scandale provoqué récemment par la publication dans l'hebdomadaire US "Newsweek", le mufti a fait remarquer que, dans cette situation concrète, peu importait en fait si l'article en question correspondait ou pas à la réalité, car le fait même de cette publication a eu pour effet de nombreuses victimes humaines. Rappelons que, quelques jours après ladite publication, l'hebdomadaire américain a révoqué son article, en prétendant notamment que la publication en question s'était inspirée d'une information non vérifiée.
Ce scandale a suscité une très vive discussion dans les milieux musulmans de la Russie. Certaines organisations musulmanes du pays ont décidé d'exprimer leur solidarité avec leurs coreligionnaires dans d'autres Etats et de rejoindre l'action de protestations prévue pour le 27 mai prochain à travers le monde. Néanmoins, on ignore pour le moment comment la protestation des musulmans de Russie va s'exprimer au juste.
Selon Chamil Beno, l'un des leaders de la nouvelle organisation non gouvernementale "Patrimoine islamique de Russie" (RIN), "les musulmans de Russie ne doivent pas céder à des émotions du moment, mais agir d'une manière réfléchie". A présent, la RIN procède à l'analyse de la politique pratiquée par les Etats-Unis à l'égard de l'islam et du monde islamique en général. "Nous ne doutons pas un seul instant que, sur le plan protocolaire, la classe politique américaine respecte l'islam. Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas des paroles ni des actions retentissantes qui comptent, mais la pratique quotidienne de tous les jours", estime Chamil Beno. Et d'ajouter: "La seule preuve authentique de l'attitude normale des Américains envers l'islam doit être l'inadmissibilité à l'avenir des faits, tels que la fameuse publication dans le "Newsweek", et de tout ce qui a servi de base à cet article".
"Somme toute, le scandale de la profanation du Coran figure parmi d'autres informations relatant les humiliations des musulmans détenus sur la base de Guantanamo et dans la prison irakienne d'Abou Ghraïb, tout en témoignant de la politique américaine à l'égard du monde islamique et arabe", est l'avis de Chamil Beno. "Le problème majeur consiste sans doute dans le fait que bien que les leaders des Etats-Unis déclarent leur volonté d'affirmer les valeurs démocratiques dans le monde arabo-musulman, la mise en oeuvre de ces objectifs dégénère souvent, au niveau des exécutants, en lutte contre l'islam, ce qui ne permet d'éprouver aucun optimisme au sujet de l'avenir entre l'islam et l'Occident", indique l'expert.
Pour sa part, le leader d'une autre organisation islamique de Russie, et plus précisément de "Al-Khak" ("Justice"), Kamiljan Kalandarov, a noté que jamais auparavant la umma (communauté musulmane) mondiale n'a été aussi unanime. "Quel que soit le pays où le Coran est profané, cela ne peut évidemment pas ne pas affecter les sentiments de chaque musulman qui ne peut pas l'interpréter autrement comme une menace directe", a souligné Kamiljan Kalandarov.
Or, ce dernier n'a pas exclu, non plus, que la publication dans le "Newsweek" ait pu être une provocation pure et simple. "Depuis ces derniers temps, on constate dans bien des pays des cas de plus en plus fréquents quand les musulmans sont tout bonnement provoqués à un conflit, et si auparavant nous avons estimé que les propos "sur la confrontation des civilisations", apparus pour la première fois en Occident, n'étaient que de simples paroles, aujourd'hui on dirait que ces paroles sont en train de devenir une réalité". De l'avis de Kamiljan Kalandarov, la publication dans le "Newsweek" peut bien être un élément d'une authentique guerre d'information.
Selon le leader de "Al-Khak", l'une des tâches majeures de ce mouvement consiste justement à mener parmi les musulmans de Russie un travail d'explication afin qu'ils gardent le calme et ne cèdent pas aux provocations d'où elles puissent émaner. Aussi, le 27 mai, les musulmans de Russie ne vont pas organiser des rassemblements monstres, comme cela est prévu dans plusieurs autres pays du monde. Quoi qu'il en soit, cela ne signifie pas du tout qu'ils sont indifférents à tout ce qui se passe ailleurs.
