MOSCOU, 26 août (par Evgueni Kojokine, directeur de l'Institut d'études stratégiques - RIA-Novosti). En examinant la toute dernière période des relations russo-chinoises, on constate bien qu'elle se caractérise par trois nouveaux points.
Tout d'abord, nous assistons à une étape inédite dans la coopération militaire entre nos deux pays. A signaler que cette étape est particulièrement nouvelle pour nos amis et partenaires chinois. C'est que la Russie participe traditionnellement à des exercices militaires conjoints avec d'autres pays. En effet, nous organisons des manœuvres dans le cadre de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) et participons à certains exercices avec les structures de l'Alliance de l'Atlantique Nord. Enfin, l'actuelle génération des chefs militaires russes a sans doute encore en mémoire les manœuvres organisées autrefois sous l'égide de l'Organisation du Traité de Varsovie. Somme toutes, les conséquences politiques de telles manœuvres sont plus ou moins évidentes pour nous. Quant aux Chinois, la conduite de manœuvres conjointes d'envergure avec l'armée d'un autre Etat, manœuvres semblables à celles qui se sont récemment déroulées dans la péninsule du Shandong avec la participation des troupes russes, a constitué pour Pékin une chose parfaitement nouvelle, que ce soit du point du vue militaire ou politique. Et ce, d'autant plus, que depuis de très longues années, la Chine avait pratiqué une politique d'absence d'alliés quels qu'ils soient. Cette fois, il s'est donc avéré que l'action a anticipé sur l'idéologie. Ces manœuvres russo-chinoises ont jeté, en fait, une base très sérieuse pour une future coopération dans les situations les plus différentes.
Un autre nouveau point dans les relations russo-chinoises de ces derniers temps, c'est le fait que le problème de la frontière entre nos deux pays est désormais complètement réglé. La ratification par la Fédération de Russie et la République populaire de Chine (RPC) d'un accord sur les tronçons Est de leur frontière commune a mis un point final pour de très longues années à la question sur la délimitation territoriale. A présent, si certains ressassent encore l'idée de futures revendications territoriales de la Chine face à la Russie, cela prouve qu'ils ne comprennent tout simplement pas que si Pékin avait envisagé de telles revendications, il n'aurait sans doute pas réglé définitivement la question de la frontière et aurait laissé la question ouverte au niveau juridique, permettant par là-même une marge de manœuvre diplomatique plus large. Quoi qu'il en soit, dorénavant, la question est close, et pour longtemps. A ce niveau-là, nous pouvons parler des relations exceptionnellement stables avec la Chine, ainsi que de leur grande solidité.
Et, enfin un troisième point nouveau est à noter. De nos jours, la Chine ne fait pas qu'attirer avec énormément de succès des investissements étrangers (Pékin le fait depuis déjà plus d'un quart de siècle), mais investit elle-même dans des pays étrangers, y compris en Russie. Qui plus est, les crédits chinois sont considérés comme les meilleurs marchés dans le monde des finances. Pour une raison ou une autre, les projets d'investissement de certaines compagnies d'investissement chinoises n'ont pas été réalisés dans notre pays, mais il est très important que la Chine puisse ressentir qu'elle dispose de possibilités financières et technologiques pour intervenir en tant qu'investisseur.
Par ailleurs, une infrastructure spéciale est mise en place à ces fins. Dans le cadre de la Commission russo-chinoise chargée de préparer des rencontres régulières des chefs de gouvernement, il y a déjà eu, par exemple, deux réunions du groupe de travail pour la coopération d'investissement et deux forums d'investissement. A signaler que lesdits forums sont importants non seulement pour une analyse d'expert. Ainsi, au cours du dernier forum d'investissement russo-chinois à Saint-Pétersbourg, de gros contrats ont été signés pour un montant de 1,5 milliard de dollars. Le chiffre d'affaires du commerce entre la Fédération de Russie et la République populaire de Chine ne cesse d'augmenter et a même dépassé, l'année dernière, 20 milliards de dollars.
Or, les relations russo-chinoises ont aussi des problèmes qui attendent leur solution. La coopération bilatérale en matière d'exploitation des forêts implique notamment un contrôle plus rigoureux car la contrebande du bois russe se poursuit toujours, ainsi que la coupe illicite d'espèces précieuses du bois en Russie. Qui plus, en Extrême-Orient russe, de petits entrepreneurs chinois récoltent des plantes exceptionnellement précieuses et rares et ce, en violation avec toutes les normes qui garantissent leur reproduction normale. Autrement dit, nous avons besoin d'une régulation juridique plus rigoureuse au niveau de l'exploitation de la nature, si nous envisageons, évidemment, de coopérer pendant de longues années.
La Chine est un partenaire stratégique très important pour la Russie que ce soit dans le domaine économique, dans la sphère de la sécurité ou en matière de coopération au sein des organisations internationales. Quoi qu'il en soit, le partenariat stratégique ne se trouve nullement en contradiction avec la nécessité de défendre nos propres intérêts nationaux. Pour ce qui est de Pékin, plusieurs de ces intérêts sont proches de ceux de Moscou, ils coïncident même.
