La Commission électorale centrale russe deviendra une structure de force

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Par Dmitri Choucharine, RIA Novosti
Par Dmitri Choucharine, RIA Novosti

Le remplacement du président de la Commission électorale centrale (CEC) témoigne parfaitement de la nature des processus politiques qui se déroulent dans le pays.

Le nouveau président de la commission Vladimir Tchourov a travaillé à la mairie de Saint-Pétersbourg avec Vladimir Poutine, le premier vice-premier ministre Dmitri Medvedev et le représentant plénipotentiaire du président dans la Région fédérale du Sud Dmitri Kozak. Selon certains experts, c'est pour lui que le parlement a récemment adopté une loi aux termes de laquelle la formation juridique n'est plus obligatoire pour être membre de la CEC.

D'autres commentateurs indiquent que le nouveau président de la CEC est un représentant de la réserve de cadres sur laquelle mise Vladimir Poutine ces derniers temps. On cite également, dans ce groupe, Alexandre Bastrykine, procureur général adjoint, Oleg Safonov, vice-ministre de l'Intérieur, et Alexandre Anitchine, chef du Comité d'enquêtes du ministère de l'Intérieur. Connaissant Vladimir Poutine depuis longtemps, ils n'ont jamais profité de leurs contacts avec le président à des fins lucratives.

Bref, tout est clair: on est en train d'appliquer le principe de la direction de l'Etat par un clan. Un système de pouvoir informel continue à s'organiser. Selon l'avis unanime des commentateurs, l'ancien président de la CEC Alexandre Vechniakov était certainement loyal, mais sa loyauté était celle d'un membre à part entière de l'équipe qui estimait que son avis pouvait réellement intéresser quelqu'un. C'est pourquoi il s'est permis de faire des observations critiques au sujet d'odieux amendements à la législation électorale.

Entrant en fonction, Vladimir Tchourov a déclaré qu'au lieu de commenter la législation en vigueur, il veillerait à son application. Cette phrase est tout à fait banale en dehors du contexte, mais elle fait allusion à une polémique dissimulée avec l'ancien président de la Commission électorale centrale. Vladimir Tchourov s'est présenté comme un exécutant au plus large sens du mot. D'ailleurs, ceux qui font carrière dans un Etat dirigé par un clan ne peuvent assumer d'autres fonctions que celles d'exécutants.

Tout cela permet de tirer la conclusion suivante: la nouvelle composition de la CEC transformera la Commission d'organe politique en organe technique. Les experts et hommes politiques de tous horizons partagent cet avis. Mais cette évaluation est un peu détachée du contexte.

La situation dans laquelle se sont tenues les récentes élections dans quatorze régions de la Russie, les événements qui les ont précédées et qui les ont suivies fournissent des raisons sinon pour des conclusions, au moins pour les hypothèses sur la façon dont le pouvoir évalue la situation présente.

Si le succès du deuxième parti au pouvoir - Russie Juste - était prévu (peut-être, à une moindre envergure) les résultats relativement bons enregistrés par les communistes n'entraient probablement pas dans les plans du pouvoir. Qui plus est, la détermination de certains partis à contester les résultats des élections, falsifiés, selon eux, dans diverses régions a certainement alarmé le pouvoir. A Moscou, en vue d'empêcher la tenue même pas d'une manifestation, mais d'un petit rassemblement de protestation de l'Union des forces de droite, qui a déclaré que des falsifications avaient été révélées dans la région de Moscou, environ deux mille policiers protégeaient l'ordre public dans les rues. Au Daghestan, il a fallu revoir les résultats des élections. Enfin, le plus loyal des députés, Vladimir Jirinovski, a entrepris une démarche à la Douma (chambre basse du parlement russe): en signe de protestation contre les commissions électorales régionales, la fraction du LDPR (Parti libéral-démocrate de Russie) a quitté l'hémicycle en pleine séance.

La tentative d'organiser une "Marche du désaccord" de l'opposition à Nijni-Novgorod (après celle de Saint-Pétersbourg) a été réprimée d'une façon qui permet de tirer la conclusion que le droit des citoyens à se rassembler en réunions, meetings et manifestations (article 31 de la Constitution russe) n'a, en fait, plus cours dans le pays. En témoigne également la réaction à la protestation de l'Union des forces de droite mentionnée ci-dessus. Il est évident que le pouvoir ne mènera aucun dialogue avec l'opposition et qu'il préfère de plus en plus les méthodes violentes.

En principe, l'objectif est clair. Le système informel de direction du pays par un clan suppose un élément de démocratie de façade, tel qu'un parlement docile avec deux partis représentés. Et le système bipartite sera introduit sans ménagement. La police peut être considérée comme une partie du système électoral en Russie: elle est appelée à empêcher les actions publiques des forces auxquelles le pouvoir n'a pas délivré une licence pour l'activité politique, et avant tout les protestations contre les résultats des élections, même si les falsifications sont évidentes.

Quant à la Commission électorale centrale, elle doit devenir un département non seulement technique, mais aussi "de force". De toute évidence, ses tâches principales consisteront à empêcher la participation des partis indésirables aux élections et à limiter le contrôle public sur le processus des élections, y compris le contrôle des observateurs étrangers.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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