Le Seigneur décidera seul

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Au lieu de conjuguer leurs efforts, le christianisme ressemble de plus en plus à ce célèbre trio qui joue à bord du "Titanic" au moment où le navire est en train de sombrer.
Par Piotr Romanov, RIA Novosti

Le Vatican a de nouveau déclaré que seule l'Eglise catholique était la véritable Eglise de Jésus-Christ. Pour ce qui est des autres confessions chrétiennes, le Saint-Siège n'a pas tardé à les consoler en affirmant qu'elles détenaient, elles aussi, une parcelle de vérité. Mais rien de plus.

D'une part, cette déclaration est un peu inattendue vu les multiples prises de positions et démarches (d'ailleurs parfaitement concrètes) faites sous le nouveau Souverain pontife vers le rapprochement avec l'Eglise orthodoxe russe.

Certains optimistes ont même émis l'hypothèse d'une prochaine rencontre personnelle entre le Pape Benoît XVI et le Patriarche russe Alexis II. Cet optimisme reposait sur une thèse très répandue selon laquelle le Souverain pontife actuel était plus attaché aux idées conservatrices que son prédécesseur. Donc, ses opinions seraient plus faciles à agréer par l'Eglise orthodoxe russe que celles de Jean-Paul II. Mieux, tout le monde a supposé que pendant la visite qu'il envisageait d'effectuer à Moscou à la mi-juillet, le primat de l'Eglise orthodoxe de Chypre, l'archevêque Chrysostome II, devait mener des négociations sur la possible rencontre personnelle entre le Patriarche et le Pape.

On voit mal de quoi monseigneur Chrysostome II parlera maintenant à ses confrères russes. Certes, la rencontre serait utile dans tous les cas: pour discuter, par exemple, des multiples problèmes qui ne cessent d'aggraver les relations entre le Vatican et le Patriarcat de Moscou. Mais une chose est certaine: après la déclaration du Saint-Siège, les discussions théologiques entre les deux Eglises sont devenues absolument impossibles et leur rapprochement réel n'aura pas lieu.

D'autre part, la prétention de l'Eglise catholique à l'exclusivité n'a rien d'extraordinaire. Vielle comme le monde, cette position est bien connue de l'Eglise orthodoxe russe. Aussi, le Patriarcat de Moscou a-t-il réagi avec calme à la déclaration du Vatican, faisant remarquer toutefois qu'elle était au moins honnête. En d'autres termes, à la veille des négociations sur la possible rencontre entre le Souverain pontife et le Patriarche de Moscou, l'Eglise catholique romaine a encore une fois annoncé la couleur.

Il n'est pas exclu qu'après cette déclaration, Moscou et le Vatican aient poussé un soupir de soulagement. Evoquer les problèmes qui se sont accumulés dans leurs relations bilatérales, c'est tout à fait possible, voire utile, mais engager une discussion théologique, c'est subir un échec cuisant. Les parties n'ont pas la moindre chance de s'entendre sur ce thème. Par contre, elles peuvent facilement gâter leurs contacts à peine renoués et l'atmosphère - très fragile - de tolérance réciproque. Donc, il vaut mieux ne pas évoquer l'essentiel. C'est sans doute le Patriarcat de Moscou qui a éprouvé le plus grand soulagement, car ce n'est pas l'Eglise orthodoxe russe, mais le Vatican qui s'est, en fait, refusé à discuter sur le fond.

Les fidèles - tant catholiques qu'orthodoxes - ont, je présume, poussé un soupir de soulagement, eux aussi. Et c'est logique d'ailleurs car les fidèles sont moins disposés au compromis que les hiérarques catholiques et orthodoxes. Contactant les dignitaires des deux Eglises, j'ai maintes fois remarqué que plus le poste occupé par un ecclésiastique est élevé, moins il est attaché aux idées doctrinaires et plus il est enclin à écouter et à comprendre son interlocuteur. A la base de la pyramide, c'est la forme qui domine trop souvent sur l'âme; au sommet, c'est l'âme qui l'emporte plus souvent sur la forme.

Mais la situation la moins enviable est celle des chrétiens pour lesquels la foi est plus importante que n'importe quelle Eglise, de ceux qui ont érigé un sanctuaire dans leur âme et leur coeur. Force est de constater que leur situation n'a rien de nouveau.

Je tiens à rappeler qu'en 1937, toutes les confessions chrétiennes (sauf le Catholicisme) ont essayé - pour la première fois depuis le schisme du Moyen Age - de s'entendre pour reconstituer l'Eglise oecuménique unie. Dès le début, cette tentative était vouée à l'échec, car le Vatican a refusé d'y prendre part. La conclusion tirée par les participants à cette initiative était fâcheuse pour le Christianisme: l'Eglise oecuménique existe pour de bon, mais elle est composée de laïcs dispersés à travers le monde. L'archevêque de York a alors formulée cette idée dans les termes suivants: "L'Eglise est partout où le Christ est présent dans les c�urs humains". Les choses en sont restées là.

Etant donné que le Christianisme traverse actuellement une période difficile de son histoire, la position du Vatican ne nous semble pas convaincante, car elle s'appuie sur de vieux préceptes dont l'infaillibilité suscite des doutes et qui furent énoncés par des personnes mues non seulement par des convictions religieuses, mais aussi par des intérêts politiques et économiques concrets.

Au lieu de conjuguer leurs efforts, le christianisme ressemble de plus en plus à ce célèbre trio qui joue à bord du "Titanic" au moment où le navire est en train de sombrer.

Assez de discussions! Les chrétiens actuels, comme ceux qui les ont précédés, ne sauront jamais établir qui d'entre eux sont plus saints et plus désirés par Dieu.

Le Seigneur le décidera sans eux.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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