OTAN: le sommet de Bucarest s'annonce difficile

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Au cours d'une rencontre de travail à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l'OTAN ont jugé utile de reporter la participation de la Géorgie et de l'Ukraine au Plan d'action pour l'adhésion à l'Alliance (MAP). Ce plan est une sorte de "feuille de route" officielle de l'OTAN. En suivant tous ses repères et toutes ses orientations, les candidats potentiels peuvent finalement, en théorie, entrer au QG de l'Alliance à Bruxelles. Mais, pour l'instant, cela ne concernera pas Kiev, ni Tbilissi. Cette décision a été prise lors de la rencontre du 6 mars qui avait pour objectif de préparer le prochain sommet de l'organisation, qui se tiendra du 2 au 4 avril à Bucarest.

Disons-le tout de suite, par cette décision, l'Alliance n'a en aucun cas renoncé à admettre dans ses rangs l'Ukraine de Viktor Iouchtchenko et la Géorgie de Mikhaïl Saakachivili. Il s'agit plus d'un report. En d'autres termes, leur rapprochement avec l'OTAN restera au point mort pendant au moins un an, et ils devront en attendre au moins quatre avant d'y être admis: l'exécution des exigences du plan prend, en règle générale, un an ou deux, ensuite deux années passent avant que l'Alliance n'invite officiellement les pays candidats à adhérer à l'OTAN, ce qu'elle fait ordinairement au cours de ses sommets annuels.

On cite plusieurs raisons pour expliquer la décision prise à Bruxelles. Bien que les Etats-Unis insistent sur l'adhésion de ces pays, la France et l'Allemagne, vétérans de l'OTAN, recommandent instamment de patienter afin, comme l'a exprimé un diplomate allemand, de "ne pas aggraver l'antagonisme avec Moscou, étant donné la détérioration extrême des rapports due au précédent du Kosovo, aux querelles autour des nouveaux systèmes de défense antimissile en Pologne et en République tchèque, ainsi qu'aux divergences sur le contrôle des armes conventionnelles en Europe". Les diplomates européens de la "vieille OTAN" ne cachent pas qu'il serait erroné de continuer à isoler la Russie dans le seul but de satisfaire Tbilissi et Kiev. D'autant plus au moment où le nouveau président Dmitri Medvedev arrive au pouvoir à Moscou. A la différence de Vladimir Poutine, il est considéré en Europe, pour différentes raisons, comme pro-occidental, c'est pourquoi il serait impensable de manquer une aussi bonne occasion de ranimer les relations avec Moscou, qui se sont considérablement détériorées ces quatre dernières années.

Certes, tous ces raisonnements sont justes. Cependant, une raison efface, semble-t-il, toutes les autres: le sommet de l'OTAN lui-même qui se tiendra en avril prochain à Bucarest. Les alliés ont tant de divergences que personne ne veut y ajouter de bagatelles telles que la Géorgie et l'Ukraine.

Le fait est que le sommet doit être fructueux, car il est appelé à être le plus grand sommet dans l'histoire du bloc. En plus de l'ensemble des 26 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Alliance, tous les pays hors OTAN qui font partie de la coalition antiterroriste en Afghanistan, les donateurs financiers internationaux comme Tokyo, ainsi que les dirigeants de l'ONU et de l'UE y ont été invités. Le président russe sortant Vladimir Poutine est également attendu à Bucarest. On souligne qu'il s'agira de la première participation concrète de la Russie à un sommet officiel de l'OTAN.

L'ordre du jour du sommet comporte deux points principaux: la situation en Afghanistan, avec le renforcement du contingent otanien, et l'élargissement de l'OTAN avec l'adhésion au bloc de nouveaux membres balkaniques: la Macédoine, l'Albanie et la Croatie, ce qui pose problème.

L'Allemagne pourrait "casser beaucoup de vaisselle" lors des solennités de Bucarest. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne peinent à persuader Berlin de transférer les troupes de la Bundeswehr du Nord de l'Afghanistan, zone calme, au Sud où une véritable guerre fait rage. Pour l'instant, la chancelière Angela Merkel prétexte que la Bundeswehr ne peut pas se précipiter d'une région de l'Afghanistan à une autre. Mais elle ruse, car l'OTAN (Washington) exige simplement qu'elle envoie des bataillons en renfort dans le Sud. Mais comment le faire quand, selon les sondages, 86% des Allemands se prononcent contre toute participation de leurs soldats à des hostilités? L'idée qu'une concession puisse être faite aux Etats-Unis sur ce point donne des frissons à la Grande coalition d'Angela Merkel, qui se heurte déjà à des difficultés sur le front économique.

Washington exerce une pression particulière sur les Allemands. Auparavant, les Etats-Unis commençaient ordinairement à faire pression sur leurs alliés hésitants deux à trois mois avant les grandes rencontres de l'OTAN. Dans le cas présent, ils ont commencé à préparer le terrain neuf mois avant le sommet de Bucarest, quand le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a envoyé une lettre ouverte à Berlin. Cette lettre reproche directement aux Allemands de rester bien au chaud dans leurs casernes pendant qu'Américains et Britanniques meurent dans le Sud de l'Afghanistan.

En ce qui concerne l'élargissement balkanique de l'OTAN, les choses se présentent mal, on peut même affirmer que les Grecs en sont partiellement responsables, ayant soulevé un problème qui semble risible pour tout le monde, hormis pour les véritables patriotes de l'Hellade. Les Grecs refusent catégoriquement d'approuver l'adhésion de la République de Macédoine à l'OTAN, tant que cette république ne changera pas de nom. La Macédoine, affirment-ils, est une partie de la Grèce du Nord, patrie d'Alexandre le Grand. Personne n'a le droit d'enlever ce nom glorieux à Athènes! Au cours de la récente rencontre de mars à Bruxelles, il a été impossible d'arriver à convaincre les Grecs, enflammés, bien qu'on leur ait rappelé qu'après l'indépendance du Kosovo, l'adhésion de Skopje aiderait le bloc à renforcer sa présence dans les Balkans, assurant ainsi, entre autres, leur stabilité. Bref, le sommet de Bucarest pourra bien être le plus grand de l'histoire, il sera aussi, probablement, le plus difficile.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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