Abbas entre Moscou et Washington

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Maria Appakova, RIA Novosti
Maria Appakova, RIA Novosti

Quelques jours après ses entretiens à Moscou, le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s'envolera cette semaine pour Washington, où une rencontre avec le président américain George W. Bush est prévue pour le 24 avril. Qu'espère le leader palestinien en passant ainsi d'une capitale d'envergure internationale à une autre?

Abbas a souligné à plusieurs reprises que le but principal de sa visite en Russie était la préparation de la conférence sur le Proche-Orient à Moscou, qu'il espère voir se dérouler en juin. Il n'a cependant pas réussi à trouver un accord sur ce point.

"Nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur une date, mais il reste un large champ pour la discussion et les consultations entre les parties intéressées par son [la conférence] déroulement", a déclaré M. Abbas en conférence de presse à l'issue de ses négociations à Moscou.

Apparemment, c'est moins du choix d'une date que de l'intérêt réel d'organiser une telle conférence en ce moment dont il est question. Et ce ne sont pas les Palestiniens, mais bien la Russie qui semble prise d'un doute, même si elle ne renonce pas officiellement à son intention d'organiser une telle manifestation.

Rappelons que l'idée d'une conférence moscovite sur le Proche-Orient a commencé à s'imposer à l'issue du sommet d'Annapolis (Etats-Unis) en novembre 2007. C'est dans cette ville du Maryland que le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens a repris après une pause de sept ans. La rencontre de Moscou devait être le prolongement d'Annapolis, et mettre l'accent sur le règlement du conflit israélo-arabe en général, en examinant, outre le problème palestinien, les questions libanaise et syrienne. Cependant, le dialogue entre Israéliens et Palestiniens s'est à nouveau retrouvé dans une impasse. Pendant deux mois (février-avril), tous les contacts ont été coupés, tant au sommet qu'au niveau des groupes de travail. Ces dernières semaines, les choses se sont, formellement, améliorées, Mahmoud Abbas ayant rencontré à deux reprises Ehud Olmert, mais dans les faits, en marge de ces entretiens, l'opération militaire israélienne continue contre la bande de Gaza, d'où les tirs sur le territoire d'Israël se poursuivent. La situation s'aggrave de jour en jour.

Le processus de paix au Proche-Orient rappelle de plus en plus le théâtre de l'absurde. Israël mène des pourparlers avec l'administration de Mahmoud Abbas tout en poursuivant sa guerre contre le Hamas. Une partie des médiateurs internationaux tentent d'empêcher le processus engagé à Annapolis de s'essouffler, alors que l'autre s'efforce de réconcilier Abbas avec le Hamas afin de réunir les forces palestiniennes, tout en cherchant les conditions d'une trêve entre Israël et le Hamas. Force est de constater que les médiateurs, en poursuivant ces objectifs, se contredisent les uns les autres. Ainsi, par exemple, la rencontre à Damas entre l'ex-président américain Jimmy Carter et les leaders du Hamas a été accueillie de manières différentes tant en Occident que dans le monde arabe. Même si le bilan de cette rencontre est plutôt optimiste: selon M. Carter lui-même, le Hamas serait prêt à reconnaître d'éventuels accords de paix entre Abbas et Israël, si ceux-ci sont approuvés par un référendum palestinien. Dans le même temps, le leader de l'opposition israélienne Benyamin Netanyahu déclare ouvertement que, s'il arrive au pouvoir, il ne reconnaîtra pas les accords signés par Olmert et Abbas.

Il est bien difficile de voir clair dans ce chaos. Une conférence sous l'oeil de centaines de caméras serait donc quelque peu déplacée à l'heure actuelle et, qui plus est, vouée à l'échec. Du moins tant que les médiateurs ne seront pas tombés d'accord pour coordonner leurs actions et se réunir autour d'une position commune. En outre, une des parties, et non des moindres, n'a pas encore confirmé sa participation à la rencontre de Moscou: "Ce n'est pas le moment", déclarent les politiques israéliens, et cela n'aurait aucun sens de les contraindre à être présents à cette conférence.

Les Palestiniens le comprennent très bien eux aussi. Même s'il compte bien sur la tenue de la rencontre de Moscou, Abbas s'est déclaré opposé à ce que les Etats-Unis, qui ont de nombreux leviers d'influence sur Israël, fassent pression sur lui pour qu'il y participe.

"Nous ne souhaitons pas que les Etats-Unis fassent pression sur Israël. Nous souhaitons que la position des Etats-Unis soit déterminée en accord avec les organisations internationales, et non qu'elle s'y substitue", a indiqué le leader palestinien devant les journalistes à Moscou.

Cependant, ces paroles de Mahmoud Abbas posent une question: pourquoi se rend-il alors à Washington? Cela n'a aucun sens de faire pression sur les Israéliens, et cela vaut tant pour leur participation à la conférence de Moscou que sur le plan général en ce qui concerne le processus de paix. Ainsi, par exemple, les Etats-Unis se sont prononcés à plusieurs reprises contre la poursuite par Israël des opérations de construction dans les territoires occupés, cependant l'édification de nouvelles maisons s'y poursuit. Les Israéliens justifient ce processus par la croissance naturelle de la population, les Palestiniens s'indignent, et le processus de paix reste au point mort. La situation est telle que les médiateurs, fussent-ils aussi influents que les Etats-Unis, restent impuissants devant la conjoncture politique intérieure au sein des sociétés israélienne et palestinienne.

En bref, George W. Bush ne renonce toujours pas à l'espoir de réconcilier Palestiniens et Israéliens avant la fin de son mandat présidentiel. Tout comme les autorités russes ne renoncent pas à l'idée d'organiser une conférence sur le Proche-Orient à Moscou, parce que les uns comme les autres ne veulent pas reconnaître leur impuissance et enterrer définitivement tout espoir de paix au Proche-Orient.

Avant la visite d'Abbas à Moscou, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait déclaré, dans une interview à la radio Echo de Moscou, que la conférence était prévue avant la fin du premier semestre de cette année. Mais d'abord, avait-il souligné, un certain nombre de manifestations sectorielles doivent se tenir: une réunion sur l'aide aux Palestiniens début mai à Londres, et probablement une autre en Allemagne consacrée aux problèmes de sécurité dans les territoires palestiniens. Ces événements, a précisé M. Lavrov, peuvent s'avérer importants dans l'optique d'une nouvelle rencontre sur la situation au Proche-Orient.

Si les réunions en question sont fructueuses, si Abbas et le Hamas parviennent à s'entendre, si la tension autour de la bande de Gaza retombe, tout cela détendra, même provisoirement, la situation dans la région, en donnant une chance aux médiateurs d'aller de l'avant, et notamment d'essayer d'organiser une nouvelle conférence de paix. Cependant, il y a ici bien trop de "si"...

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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