Remaniement ministériel: la logique l'emportera-t-elle?

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Par Elena Zagorodniaïa, RIA Novosti
Par Elena Zagorodniaïa, RIA Novosti

La structure et la composition du nouveau cabinet des ministres sont plus ou moins claires. L'une comme l'autre se sont avérées autant imprévues qu'attendues.

Il est étonnant que certains ministères (à savoir le ministère de la Santé publique et du Développement social et le ministère du Développement régional) aient été conservés tels quels, mais on s'attendait effectivement à ce que d'autres soient divisés (le ministère du Développement économique et du Commerce a cédé sa partie "commerce" à l'ancien ministère de l'Industrie et de l'Energie, lequel, en revanche, a perdu sa composante "énergie").

L'apparition de l'ancien chef du service protocolaire présidentiel Igor Chtchegolev en tant que numéro un du ministère de l'Information, lequel est désormais également celui des Télécommunications, était inattendue. D'autre part, le remplacement de Nikolaï Patrouchev au poste de directeur du Service fédéral de sécurité (FSB) était prévisible. A la fois attendus et imprévus, tels ont été les autres changements (peu radicaux en fait) qui sont intervenus dans la structure et la composition du gouvernement.

Il est d'ailleurs à noter que ces changements sont on ne peut plus logiques et correspondent relativement bien aux objectifs assignés le 8 mai par Vladimir Poutine en tant que tâches clefs du nouveau gouvernement.

L'industrie a été réunie avec le commerce sous la direction d'un fonctionnaire expérimenté, Viktor Khristenko. Comment pouvait-on faire autrement? Séparés, l'industrie et le commerce peuvent se développer dans n'importe quelle direction hormis dans celle qui mène à la mise en oeuvre de l'idée de création d'un pays "où l'on peut vivre confortablement".

L'énergie sera désormais contrôlée par un nouveau ministère, et de surcroît, celui-ci sera dirigé par un spécialiste du nucléaire. Ici, tout semble logique également: les produits énergétiques sont le principal trésor du pays, tout le monde le sait, et l'énergie nucléaire est évidemment un secteur dans lequel la Russie pourrait faire une percée sur le marché mondial, en augmentant ainsi considérablement la compétitivité du pays en général.

Les sports seront confiés à un ministère à part. Cela est tout à fait naturel, car "Sotchi-2014" est un projet national plus important que les autres projets nationaux prioritaires déjà réalisés ou qui doivent encore l'être.

Les communications de masse ont donc été retirées de leur tandem avec la culture [suppression du ministère de la Culture et des Communications de masse, ndlr.] pour être rattachées aux télécommunications. Ceci est tout à fait logique, car les communications de masse sous leur forme actuelle, étant donné le niveau de développement des technologies de l'information et le rôle croissant de la téléphonie mobile en tant que moyen de diffusion de contenus, représentent un phénomène plutôt technologique que culturel.

Le maintien de la catégorie des agences fédérales, dont la liste n'a essuyé que des pertes insignifiantes, s'inscrit dans la même logique. Le pays n'a pas besoin de révolutions. Mais si l'actuel chef du gouvernement renonçait aujourd'hui à la structure à trois niveaux (vice-premiers ministres en tant que responsables, ministères en tant que doctrinaires et agences pour mettre en oeuvre ces idées), le pouvoir exécutif connaîtrait un désordre encore pire que celui que la Russie a vécu au début des années 1990.

On pourrait continuer d'analyser les détails de ces nominations concrètes. On pourrait même prévoir dans quel sens seront effectués les ajustements ultérieurs du cabinet. Mais ce ne sont pas ces détails qui préoccuperont les esprits des meilleurs analystes politiques aujourd'hui et - j'ose le supposer - dans les mois à venir, en Russie comme à l'étranger. A l'heure actuelle, la question fondamentale est la suivante: l'emménagement d'une partie des fonctionnaires du Kremlin à la Maison blanche signifie-t-il que la "verticale du pouvoir" créée au cours des huit ans de présidence poutinienne a commencé à déménager progressivement, en suivant les pas de Vladimir Poutine? On se demande bien qui est aux ordres de qui parmi les nouveaux venus au gouvernement et dans l'administration présidentielle.

Les partisans des deux versions (celle d'un "président fort" et celle d'un "premier ministre fort") trouveront sans aucun doute, dans les événements actuels, des indices témoignant en faveur de leur point de vue. Or, on entend rarement - dans les discussions que l'on a l'habitude de qualifier "de couloir" - la version suivante: deux centres parallèles de prise de décisions, d'un niveau d'influence comparable, s'ils ne sont pas égaux l'un à l'autre, se forment dans le pays. Deux centres qui ne se font pas concurrence mais qui se complètent l'un l'autre. Or, c'est la variante la plus logique (pour l'application des tâches actuelles).

Il ne s'agit pas seulement ici des tâches ouvertement formulées au cours de ces derniers mois par le nouveau président et le nouveau premier ministre. Envisagés en dehors des émotions des spectateurs, tous les propos et toutes les actions des deux dirigeants du pays ne sont, au fond, que le témoignage de leur volonté de faire bouger les fonctionnaires. Les faire bouger à tel point qu'ils oublient, ne serait-ce que provisoirement, leurs intérêts sordides pour se souvenir de ce dont ils sont directement chargés, à savoir de l'organisation d'un enseignement et d'une santé publique qui soient convenables pour les gens, ainsi que du système des retraites. Mais aussi pour songer à établir une politique industrielle efficace, à parer le manque de main-d'oeuvre à l'échelle nationale, à augmenter la productivité du travail et à réduire le fardeau fiscal pour les entrepreneurs.

Ceci n'est pas aussi incroyable qu'il n'y paraît au premier abord. Mais les discussions autour de la question de savoir qui sera le vainqueur [d'un duel présumé] ne sont que du "vent". Il ne reste qu'à espérer que l'intention de faire bouger l'immense armée des fonctionnaires russes, ce qui est perceptible tant chez Vladimir Poutine que chez Dmitri Medvedev, ne sera pas anéantie par la résistance sourde et silencieuse de cette même armée.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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