Carte blanche pour Chavez

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Hugo Chavez l'a promis, et il le fera. Le leader a demandé du temps pour "mener à bien la révolution bolivarienne", et les Vénézuéliens ont accepté de le lui accorder. Lors d'un référendum national organisé dans le pays des plus belles femmes du monde (les Vénézuéliennes remportent régulièrement le concours de beauté Miss Monde) et du pétrole, dirigé de surcroît par le président le plus extravagant du continent latino-américain, 54% de la population a approuvé les amendements à la Constitution proposés par le chef de l'Etat. Ceux-ci annulent toutes les restrictions concernant le nombre de réélections possibles du président.

Le mandat présidentiel d'Hugo Chavez, qui dirige la république depuis dix ans déjà, expirera en 2013. A condition d'être soutenu par la population, il pourrait rester au pouvoir jusqu'à la fin de sa vie. Pour l'instant, il est manifestement aimé de ses concitoyens.

L'Occident, Etats-Unis notamment, accusent Hugo de chercher à usurper le pouvoir et saper la démocratie. D'ailleurs, ces accusations sont mal vues en Amérique latine, où nombreux sont ceux qui ne se rappellent que trop bien les atroces dictatures instaurés dans cette région par Washington.

A y regarder de plus près, on verra que c'est la crise financière mondiale qui a poussé la population vénézuélienne, laquelle a massivement participé au référendum, à approuver la proposition présidentielle. N'oublions pas qu'une initiative identique présentée par l'inlassable Chavez lors d'un référendum en 2007 avait été rejetée par 50,7% des électeurs et donc soutenue par un peu plus de 49% d'entre eux. Désormais, le président a reçu un soutien beaucoup plus important. On ne saurait reprocher à Chavez que d'avoir émis la même question pour la deuxième fois. Cette fois-ci, les circonstances l'ont aidé. En outre, tout homme politique ne laissera jamais échapper l'occasion de se maintenir au pouvoir. Il ne s'agit d'ailleurs pas que du président lui-même: les maires, députés et gouverneurs peuvent désormais également se représenter autant de fois qu'ils le souhaitent.

A la veille du plébiscite, Chavez, qui anime une émission dominicale à la télévision et écrit dans des journaux, a fait preuve, une nouvelle fois, de son éloquence en invoquant Shakespeare et le dilemme de Hamlet "Etre ou ne pas être". Après le vote, il a déclaré que le Venezuela avait ouvert la porte à l'avenir pour ne jamais retourner aux déshonneurs du passé, à savoir la botte de l'impérialisme américain. Les Chavistas, c'est-à-dire, les sympathisants de Chavez, lui ont répondu en défilant, à l'issue du scrutin, dans les rues de Caracas et en brandissant des pancartes sur lesquelles ont lisait, entre autres: "Chavez nous aime, et l'amour se rend avec de l'amour".

Les critiques de Chavez redoutent surtout qu'il ne quitte jamais son poste. L'intéressé le confirme d'ailleurs en toute franchise, déclarant avoir besoin d'au moins dix ans pour parachever la révolution. Ce n'est pas, selon lui, un délai important, une position qui exaspère l'opposition. Dans certaines de ses déclarations, il assurait qu'il pourrait partir en 2030, mais ces propos sont difficiles à croire. Personne ne suppose que Chavez puisse rester au pouvoir aussi longtemps. Car même en Amérique latine, l'époque des dictateurs quasi-éternels est révolue.

Toute révolution est créée entre autres par les régimes qui l'ont précédée et qu'elle a renversés. En Amérique latine, qui a très longtemps vécu sous l'ombre pesante des Etats-Unis, le virage à gauche était en gestation depuis de longues années. L'arrivée au pouvoir de Chavez a tout simplement déclenché le mécanisme de virage à gauche, déjà en place, qui a même reçu le nom d'"effet Chavez". Il est facile de comprendre qui, sur le continent, partage les idées de gauche ou de centre-gauche en énumérant les alliés d'Hugo Chavez. Ce sont la Bolivie, l'Equateur, Cuba, le Brésil, l'Argentine, le Nicaragua et le Chili, c'est-à-dire, tous les principaux Etats latino-américains.

L'Europe et surtout Washington voient d'un mauvais oeil le fait qu'Hugo se rapproche activement de la Russie, de la Chine et de l'Iran. En effet, Chavez a consolidé ses relations avec Moscou et Pékin par des accords politiques et économiques pour des milliards de dollars, allant de la construction de raffineries de pétrole et de tankers aux projets de centrales nucléaires. Il fricote avec Téhéran également. Dans ce contexte, Hugo est accusé de changer de fond en comble l'orientation de la politique latino-américaine, de faire preuve d'extrémisme et de n'avoir aucun scrupule politique.

Or, il n'a jamais fait mystère de son intention de changer de cap. Ce virage était particulièrement manifeste à l'époque de l'administration Bush quand Chavez se permettait l'inadmissible, en traitant par exemple George W. Bush "d'alcoolique" et "d'imbécile". D'ailleurs, à l'époque, l'Amérique avait presque oublié sa "basse-cour". En ce qui concerne l'absence de scrupules politiques et l'extrémisme, cet homme de 54 ans fait plutôt preuve d'une attitude contraire. Le renforcement des liens avec la Russie et la Chine, des pays très différents, témoignent du fait que l'ancien parachutiste et tankiste n'est pas aussi simple et bouffon qu'on a l'habitude de le présenter. L'amitié avec Moscou, Pékin et Téhéran démontre justement son intention de diversifier au maximum ses intérêts économiques et politiques.

La question principale est aujourd'hui, comme lors de n'importe quelle révolution, est toute simple: Chavez saura-t-il résister à l'épreuve du pouvoir? Car très souvent, les Robins des bois et révolutionnaires, une fois arrivés aux commandes, oublient rapidement d'être des défenseurs des pauvres et des démunis.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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