Arctique: la Russie se lance dans la course

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Par Ilia Kramnik, RIA Novosti
Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

La Russie a l'intention de renforcer ses positions dans l'Arctique, y compris au plan militaire. Ses intérêts stratégiques dans la région l'exigent. Tel est l'objectif visé par les mesures prévues dans les "Principes fondamentaux de la politique de la Fédération de Russie dans l'Arctique pour la période allant jusqu'en 2020 et au-delà". Ce texte a été examiné le 27 mars par le Conseil de sécurité de la Russie et approuvé par le président Dmitri Medvedev.

Ce sont en premier lieu les richesses naturelles de l'Arctique qui retiennent l'attention. Ce sont non seulement les gisements se trouvant sur des territoires formellement neutres qui peuvent devenir l'objet de contentieux entre les pays de la région, mais aussi, en cas de situation de crise, ceux de la zone économique exclusive. Surtout si l'on tient compte des divergences qui existent sur le partage du plateau continental arctique. Il ne fait pas de doute que des revendications concernant l'accès égal et libre aux ressources énergétiques de l'Arctique seront régulièrement avancées d'ici peu lors de toutes discussions entre les pays intéressés.

Le réchauffement, qui est désormais non plus seulement un phénomène scientifique, mais aussi un facteur économique et politique, offre des possibilités inédites d'exploration de l'Arctique. La fonte des glaces et le prolongement de la période de navigation permettent de parler de l'accès libre aux gisements de minéraux utiles et aux ressources biologiques de l'océan Glacial arctique. Cela explique l'activité déployée par les pays de la région, désireux de renforcer au maximum leurs positions en prévision des contentieux inévitables sur l'appartenance des eaux arctiques, du plateau continental et des richesses qu'ils recèlent.

Le réchauffement a une autre implication non négligeable. La fonte des glaces et l'ouverture éventuelle de la navigation durant toute l'année par la Voie maritime du Nord (en recourant aux brise-glaces en hiver) feront apparaître sur les cartes du monde un nouvel itinéraire d'importance stratégique reliant l'Europe et l'Asie. L'ouverture de cette voie constituera un événement encore plus important que celles du canal de Suez et du canal de Panama réunies. Quant au potentiel de transport via l'Arctique, il est vraiment immense.

Rappelons que la Voie maritime du Nord est l'itinéraire le plus court entre l'Europe occidentale et l'Asie de l'Est. Un navire qui emprunterait cet itinéraire pour rallier, par exemple, le Japon depuis les Pays-Bas, devrait parcourir environ 14.000 km, alors que cette distance serait de 20.000 km via le canal de Suez et l'océan Indien, et de 24.000 km via l'Atlantique, le canal de Panama et le Pacifique. Sans compter que les très gros navires, qui ne peuvent passer par le canal de Panama ou de Suez, sont contraints de contourner l'Afrique et de parcourir environ 27.000 km.

L'intensification de la navigation par la Voie maritime du Nord impliquera le développement d'une infrastructure côtière tout au long de l'itinéraire, et notamment dans sa partie centrale (de la mer de Kara au détroit de Béring), le long des zones les moins habitées. Cela nécessitera également le renforcement du contrôle militaire et frontalier dans la région, afin de prévenir toute tentative d'entrave à la liberté de navigation. La contrebande, le braconnage et la piraterie sont des phénomènes qui accompagnent toujours la navigation intense.

En outre, il faudra protéger les ports qui auront surgi, et qui seront des objectifs très attractifs du point de vue militaire. Les territoires arctiques profonds présenteront pour la première fois de l'intérêt dans l'optique d'une occupation éventuelle.

Cette protection doit être assurée grâce à la décision prise par le Conseil de sécurité russe d'avoir un groupement de forces et de troupes de garde-frontières russes dans l'Arctique. Le contrôle efficace des territoires se trouvant au-delà du cercle polaire nécessite le bon fonctionnement d'un système de protection côtière, le développement accéléré de l'infrastructure frontalière de la zone arctique russe, ainsi que le développement des forces et moyens des régions militaires attenant à l'Arctique. Et en premier lieu des Flottes du Nord et du Pacifique, qui ont pour mission principale de protéger les frontières des zones polaires et des zones contiguës.

En évaluant les chances de la Russie de protéger efficacement ses intérêts et d'étendre son influence dans l'Arctique, il convient de souligner que c'est elle qui occupe la meilleure position de départ dans cette course à l'Arctique. La Russie contrôle la Voie maritime du Nord et possède une infrastructure le long de cette voie, y compris des villes et des ports, cette infrastructure pouvant être à la base d'un développement ultérieur.

Enfin, c'est la Russie qui dispose aujourd'hui du potentiel militaire le plus important de l'Arctique, où sont stationnées sa Flotte du Nord et de nombreuses unités de ses forces aériennes, qui surpassent sans commune mesure les forces dont disposent en permanence les autres pays de la région au-delà du cercle polaire.

Toutes ces conditions font que la Russie doit être capable, si elle s'y prend correctement, de protéger ses intérêts dans la région du Pôle. Elles doivent constituer un argument de poids dans son aspiration à étendre ses territoires polaires.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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