Chine: le dernier membre du "club nucléaire" fête l'anniversaire de sa première bombe

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Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

Le 16 octobre 1964, la Chine a effectué le premier "test 596", nom de code de l'essai de la première munition nucléaire chinoise. Depuis ce moment-là et jusqu'à 1996, la Chine a effectué 47 essais d'armes nucléaires, dont 23 dans l'atmosphère (jusqu'en 1980) et 24 souterrains (1976-1996).

Par conséquent, la Chine est devenue le dernier membre du "grand club nucléaire" constitué de cinq grandes puissances qui ont vaincu de la Seconde Guerre mondiale et qui sont devenus, en même temps, membres du Conseil de sécurité de l'ONU.

Cette coïncidence n'était pas fortuite. Un projet nucléaire est très onéreux que seuls les leaders mondiaux pouvaient se permettre. Ce n'est pas par hasard que les Etats-Unis ont été les premiers à tester la "munition spéciale": c'était, à cette époque-là, le pays le plus riche et le plus prospère. Ensuite, la bombe a été créée en URSS (1949), en Grande-Bretagne (1952), en France (1960). La Chine a fermé cette liste.

Il convient de noter que nombreux étaient ceux qui ont mis en doute, après la Seconde Guerre mondiale, le statut de grande puissance de la Chine. Le gouvernement légitime chinois, allié officiel de l'URSS, des Etats-Unis et des autres pays qui faisaient partie de la coalition des Nations Unies était le régime du Koumintang qui a perdu le pouvoir dans l'empire Céleste au cours de la guerre civile éclatée après la Seconde Guerre mondiale. La légitimité de la République Populaire de Chine n'a pas été longtemps reconnue en Occident, la place de la Chine au Conseil de sécurité de l'ONU a été occupée, jusqu'en 1971, par la République de Chine, c'est-à-dire le régime du Kuomintang, qui ne contrôlait alors que Taïwan et de petites îles voisines.

Après la guerre qui a duré sur le territoire chinois plus longtemps que dans n'importe quel autre pays participant à la Seconde Guerre mondiale, la situation économique de la Chine était désastreuse, et cela en fait, depuis le début des années 30. Cette situation jointe à l'absence d'industrie et de science ne laissait aucun espoir d'une prompte réalisation d'un projet analogue.

Un rôle important dans le développement de la Chine en tant que puissance nucléaire a été joué par l'Union Soviétique qui a apporté une aide immense à la RPC dans la mise sur place d'une école scientifique, y compris physique, et dans la création de l'industrie capable d'atteindre un objectif aussi complexe que la création d'une munition nucléaire.

 En ce qui concerne le rôle de l'URSS dans la conception de l'arme nucléaire chinoise, il y a des versions diamétralement opposées , selon lesquelles elle "n'y a nullement participé" ou "elle lui a transmis toute l'information et les composants". Comme cela arrive souvent, la vérité se trouve quelque part au milieu.

La Chine a commencé à créer sa propre munition nucléaire bien avant la proclamation officielle de la RPC: le 1er octobre 1949. Au printemps 1949, le physicien chinois Qian Xianqiang s'est rendu en France en vue d'obtenir des matériaux et des équipements pour créer un Institut de physique et un laboratoire nucléaire, ce qui a été fait avec le soutien de Frédéric Joliot-Curie. Le physicien français estimait que la Chine devait se doter de l'arme nucléaire, il soutenait les plans de Mao Zedong qui, tout en qualifiant l'arme nucléaire de "tigre de papier", n'avait tout de même pas l'intention d'y renoncer. Au printemps 1953, la Chine a demandé à l'Union Soviétique de l'aider à créer l'arme nucléaire, cependant, sur recommandation de la direction de l'Académie des sciences de l'URSS, seuls certains ouvrages scientifiques d'ordre général, sans détails précis, ont été transmis à la Chine. Bien plus, Nikita Khrouchtchev a recommandé à la Chine de renoncer à la création de l'arme nucléaire en raison de la faiblesse de son potentiel industriel et scientifique, mais il lui a promis une aide à la création du nucléaire civil.

Mais la situation allait bientôt changer en 1957. Ayant besoin d'un soutien politique dans les conditions de  lutte contre un "groupe antiparti", ainsi qu'après les événements en Pologne et en Hongrie, Nikita Khrouchtchev a été contraint d'étendre la coopération avec la Chine. Pékin a obtenu l'accès aux technologies soviétiques nécessaires à la création de l'arme nucléaire.  

En 1958, le premier réacteur nucléaire et un cyclotron ont été mis en service en Chine. Il semblait que la création d'une bombe atomique chinoise pourrait être créée dans les mois à venir, cependant, la politique s'est mêlée dans les événements : les premières divergences entre l'URSS et la Chine sont apparues sur plusieurs problèmes politiques de principe. En 1959, le transfert de matériaux s'est réduit fortement, en 1960, les atomistes soviétiques ont été rappelés de Chine.

Ensuite, la RPC devait poursuivre seule sa voie. A ce moment-là, Pékin disposait déjà de certains renseignements théoriques provenant d'URSS et, grâce aux contacts établis en Europe où il y avait beaucoup de savants et d'ingénieurs à l'instar de Frédéric Joliot-Curie sympathisant avec la Chine, la Chine a reçu l'information assez détaillée, entre autres, de la France.

Il est difficile de dire quelle information a joué un rôle plus grand, mais la première munition spéciale chinoise a explosé le 15 octobre 1964 dans le polygone de Lob Nor (province de Qinghai). De même que la première charge soviétique en 1949, elle a été installée sur une tour d'essai. Le deuxième test a été effectué en 1965, la bombe a été larguée d'un avion Tu-4. De ce fait, la Chine devenait une des puissances nucléaires.

Cependant, une charge était insuffisante pour un véritable statut nucléaire. Les moyens de la véhiculer posaient un problème non moins important: avant tout, les missiles et les bombardiers. La Chine disposait déjà de technologies soviétiques de création de missiles de courte portée, ainsi que de bombardiers Tu-4 dotés d'un moteur à piston et de bombardiers à réaction Il-28 et Tu-16, mais c'était insuffisant.

Durant les trente années qui ont suivi, la Chine a franchi la voie parcourue avant lui par l'URSS et les Etats-Unis, en créant sa propre triade nucléaire comportant les missiles de stationnement terrestre et maritime et les bombardiers à grand rayon d'action. A ce jour, la Chine possède le troisième arsenal nucléaire du monde, en détenant, selon différentes estimations, environ 150 munitions nucléaires dotant les vecteurs stratégiques et 600 à 700 munitions tactiques. La Russie dispose actuellement d'environ 3000 munitions dotant les vecteurs stratégiques, les Etats-Unis, de 4500 charges dans leurs forces nucléaires stratégiques. En outre, les deux pays disposent d'un arsenal impressionnant d'armes nucléaires tactiques.

La Chine est devenue le dernier membre du "grand club nucléaire" qui regroupe les pays qui se sont dotés des armes nucléaires avant le 12 juillet 1968, année où le Traité de non-prolifération des armes nucléaires a été proposé à la signature. L'Inde, le Pakistan, Israël (qui ne le confirme pas officiellement, mais qui ne dément pas son statut nucléaire) et la Corée du Nord détiennent actuellement des armes nucléaires. En outre, l'Afrique du Sud détenait dans le passé des armes nucléaires (on estime que ce pays a créé une charge nucléaire ensemble avec Israël). Cependant, à la charnière des années 80 et 90 du siècle dernier, le programme sud-africain a été annulé et ses réserves d'armes ont été liquidées. Certains pays ne disposent pas actuellement de ces armes, mais ils effectuent ou ont effectué des travaux en vue de leur création (par exemple, l'Iran, le Brésil, l'Argentine), ou bien tout simplement ils ont des possibilités de les créer rapidement à condition d'avoir la volonté politique, comme c'est le cas pour  le Japon, l'Allemagne et plusieurs autres puissances industrielles développées.

Pour l'instant, l'arme nucléaire n'a été employée que deux fois : à la veille de la fin de la plus terrible des guerres dans l'histoire de l'humanité. On ne peut que conjecturer où et quand elle sera employée pour la troisième et d'autres fois.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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