Le Kosovo : les élections au milieu des divergences

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Les élections locales qui ont eu lieu le 15 novembre au Kosovo constituent un tournant dans l'histoire de cette province. Pas seulement parce que c'étaient les premières élections organisées par l'Etat kosovar depuis la proclamation unilatérale de son indépendance en février 2008.

Les élections locales qui ont eu lieu le 15 novembre au Kosovo constituent un tournant dans l'histoire de cette province. Pas seulement parce que c'étaient les premières élections organisées par l'Etat kosovar depuis la proclamation unilatérale de son indépendance en février 2008. C'étaient aussi les premières élections tenues par le gouvernement du Kosovo sans la participation de la Mission de l'ONU au Kosovo (MINUK) ou d'une mission de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui ont régné longtemps en maîtres dans la province.

Les élections ont eu lieu et une bonne partie de la population Serbes locale y a participé. Bien entendu, tout cela n'élimine pas les injustices liées à la situation actuelle au Kosovo qui a été évoquée par le président russe Dmitri Medvedev lors de sa récente visite à Belgrade. Lorsqu'une entité séparatiste reçoit le feu vert de la reconnaissance internationale,  et de personne d’autre que des Etats-Unis et de l'UE, cela provoque une situation qui crée un précédent dangereux. Mais il n'a pas été question de l'indépendance du Kosovo lors de ces élections. La question qui se posait était la suivante: cet Etat serait-il gouverné uniquement par les Albanais du Kosovo, ou bien les populations serbes locales pourraient-elles conserver leur influence politique ne serait-ce qu'au niveau local, en assurant leur présence aux municipalités. 

Quant au niveau étatique, les chances des Serbes sont depuis déjà longtemps pratiquement nulles. Compte tenu de la supériorité démographique de plus de dix fois des Albanais locaux sur les Serbes (le Kosovo compte 120000 Serbes sur près de deux millions d'habitants), la possibilité de créer un parti serbe un tant soit peu influent au parlement du Kosovo n'existe pratiquement pas. Aux élections du 17 novembre 2007, les partis albanais s'étaient partagés les sièges du parlement kosovar. Mais la situation est différente au niveau local. Sur les 38 municipalités du Kosovo, les Serbes sont majoritaires dans cinq.

Deux d'entre elles se trouvent dans le Nord de la province, elles confinent à la frontière serbe et jouissent d'une autonomie par rapport au Kosovo albanais. Les élections n'y ont pas eu lieu. Quant à trois autres municipalités "serbes" (Gracanica, Klokot et Ranilug), elles se trouvent à l'intérieur du Kosovo, dans ses régions centrales et méridionales. Leur population devait faire le choix suivant : ne pas voter et recevoir un maire et les membres du conseil municipal albanais hostiles, ou bien participer aux élections non légitimes. Selon les informations des agences d'information, un grand nombre de Serbes de ces enclaves se sont rendus aux urnes.

Il est à remarquer que le principal mentor de la Serbie qui la pousse à choisir entre deux maux est l'Union européenne à laquelle Belgrade aspire tellement à adhérer. Ce sont les fonctionnaires de l'Union européenne qui, employant aussi bien le bâton réel (la politique dure d'octroi de visas) que la carotte chimérique (l'admission soi-disant proche de la Serbie à l'UE), essaient de contraindre les autorités serbes à accepter des choses très désagréables pour elles : reconnaître les élections locales au Kosovo, se distancer de la Russie et renoncer à participer aux projets énergétiques communs avec la Russie.

Même l'eurooptimiste serbe ou russe le plus ardent n'osera pas affirmer que l'UE poursuit ainsi des objectifs abstraits, humanistes ou démocratiques. A la suite de la politique dure concernant les visas, 70% des jeunes Serbes (qui, en raison de leur âge, n'ont pas participé aux guerres ethniques pendant le démembrement de la Yougoslavie) ne se sont jamais rendus dans les pays de l'UE. Les données d'un sondage réalisé par le centre HCPM de Belgrade sont la conséquence des atermoiements incessants de l'admission longtemps attendue à l'Europe (parmi les membres de l'UE) : le nombre d'"euroenthousiastes" parmi les Serbes s'est réduit de 72% en 2007 à 63% à la fin de 2008. Ces données sont citées par le chercheur de l'Institut de l'Europe de l'Académie des sciences Pavel Kandel dans son article publié dans le recueil Conflit au Kosovo et sécurité internationale, dans lequel il souligne que ces données témoignent du "dernier espoir fondé sur Moscou et de l'indignation suscitée par la politique antiserbe de Bruxelles".

En ce qui concerne les valeurs démocratiques dans la politique serbe de l'UE, les sympathies évidentes des fonctionnaires européens pour les combattants de l'Armée de libération du Kosovo ne contribuent pas à la foi dans ces valeurs. A propos, les partisans de deux d'entre eux - Hashim Thaci et Ramush Haradinai, l'ancien et l'actuel premiers ministres du Kosovo - ont été lapidés dans l'une des enclaves albanaises. Rappelons que les juges du Tribunal de La Haye ont autorisé l'ancien premier ministre Haradinai, au cours de son procès, à quitter La Haye pour "diriger" le Kosovo et que ces mêmes juges ont lavé Thaci des accusations d'avoir tué des Serbes.

Dans ces conditions, la Russie a de nouvelles possibilités d'exercer une influence sur Belgrade. Certes, les Serbes sont déçus par la Russie d'Eltsine qui avait d'abord promis en 1999 d'apporter son soutien à Belgrade et qui lui avait proposé ensuite de capituler. Mais, à présent, les fonctionnaires de l'UE et de l'OTAN font par leur politique ce que n'auraient pu faire les missiles S-300 promis par Moscou en 1999, mais qu'il n'avait pas livrés à la Serbie. Nous pouvons revenir dans les Balkans non pas parce que nous sommes si bons, mais parce que les "eurocrates" se sont avérés horribles.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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