Haïti : une chance pour les Etats-Unis et pour le monde entier

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Les trois minutes de tremblement de terre en Haïti auront suffi pour créer une nouvelle situation internationale pour les Etats-Unis et, d'ailleurs, pour le monde entier.

Les trois minutes de tremblement de terre en Haïti auront suffi pour créer une nouvelle situation internationale pour les Etats-Unis et, d'ailleurs, pour le monde entier.

Voilà une chance donnée aux Etats-Unis, à condition d'agir en Haïti de façon judicieuse, de prendre leur revanche sur tous les échecs et les revers subis (Irak, Afghanistan), sur les humeurs anti-américaines dans le monde entier, la perte de leur statut de l'unique superpuissance, etc.

Est-ce que Washington en est bien conscient ? Bien évidemment. On a pu le deviner lorsque, la semaine dernière, la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton a interrompu son voyage dans le Pacifique et a regagné son pays. Quel rôle pourrait jouer, semble-t-il, le chef de la diplomatie américaine ? De leur côté, le Secrétaire à la Défense Robert Gates et deux anciens présidents appartenant à des partis différents, Bill Clinton et George W. Bush, se sont également rendus en Haïti pour sauver ce pays. Le travail des deux derniers ne se réduirait probablement pas à la logistique des vols aériens de sauvetage dans la zone sinistrée. Bref, le président Barack Obama l’a parfaitement compris, et sans perdre de temps. Si même il réussissait à sauver non seulement des milliers de vies, mais, en fait, un Etat ravagé, cela rétablirait la réputation internationale des Etats-Unis.

C’est là une tâche très difficile. Haïti rappelle l'Afghanistan ou la Somalie. En fait, ce n'est plus un pays, car l'Etat n'y a une existence que formelle et couvre un territoire très restreint. A vrai dire, personne ne sait aujourd'hui dans le monde que faire de telles nations malchanceuses. Les Européens, par exemple, s'opposent par tous les moyens à une participation armée aux affaires de l'Afghanistan. En ce qui concerne la Somalie, le monde extérieur y a imposé un blocus naval - d'ailleurs, pas très réussi - et refuse d'agir plus loin que sur la côte.

Mais il faut se représenter, en plus de tous les malheurs en Afghanistan ou en Somalie, le cataclysme qui a tué d'emblée quelque 100 000 personnes, chiffre qui pourrait certainement quintupler en une semaine. Il est impossible de ne rien faire. C'est bien ce qui est observé en Haïti. Le pouvoir est totalement absent (le gouvernement s'est installé dans un commissariat de police à demi-démoli situé dans une arrière-cour de l'aéroport), il n'y pas de télécommunications, de carburant, etc. Autrement dit, le pays en tant que tel n'existe plus et, d'ailleurs, c’est à peine s’il existait jusque-là.

Il n'y a pas eu de précédents, bien qu'on puisse se souvenir du tsunami de décembre 2004 qui avait emporté 160 000 vies dans la province indonésienne d'Aceh. L'Indonésie et ses autorités ne sont pas le meilleur exemple de richesse ou d’efficacité. Mais le bilan de l'opération multinationale de sauvetage est connu : elle a été si fructueuse que le mouvement séparatiste n'existe plus à Aceh.

C'est ce qui serait nécessaire aujourd'hui en Haïti : non seulement sauver ceux qui pourraient encore être sauvés, mais aussi remodeler entièrement l'Etat et la société qui se trouvent tous deux dans une impasse. Cet exemple serait bon pour la Somalie, l'Afghanistan, et pas seulement.

Comme y parvenir dans un pays qui est loin d'être minuscule (7,8 millions d'habitants) ? Certes, pas par le moyen d’élections démocratiques. Rappelons-nous le Conseil de tutelle de l'ONU resté presque somnolent ces dernières années, qui pourrait suspendre la souveraineté d'Haïti pour deux à trois ans. En fait, on peut inventer aujourd'hui n'importe quoi.

Que se produit-il réellement ? Hélas, à en juger par les premiers signes, les Etats-Unis sont en train de rater la chance qui leur est offerte. Tout avait pourtant bien commencé : de même qu'en 2004 en Indonésie, les navires de l'US Navy ont été les premiers à se mettre à l'œuvre. En Russie, tout le monde a déjà cité, semble-t-il, l'animateur de la chaîne Fox News chantant la gloire de l'Amérique qui a reproché à Moscou et à Pékin leur aide insuffisante, en laissant entendre ainsi que l'aide américaine était plus importante. Le bon ton n'a jamais été de mise dans le Nouveau Monde. Mais le fait est qu'Haïti se trouve à 700 milles du littoral américain. Cette catastrophe concerne avant tout les Etats-Unis. C'est comme si on assistait à une répétition d’un cataclysme comme celui qui est survenu à Spitak (Arménie) en 1988,  avec les Américains venus en aide, mais où ce seraient les Russes qui tiendraient le premier violon.

Le premier des problèmes posés est de ne pas laisser de nouveaux Haïtiens entrer aux Etats-Unis. Il est vrai que les autorités américaines ont tout de même renoncé à déporter 100 à 200 000 clandestins haïtiens qui s'y trouvent depuis longtemps et qui étaient en attente d’expulsion … Situation peu enviable.

Et que dire du conflit qui a éclaté avec la France et  la France, car les militaires américains ont pris le contrôle de l'aéroport à Port-au Prince et empêchent les avions non américains de s'y poser ? Bref, cette méthode chère aux commandos américains, si opportune dans la situation présente, crée des problèmes pour les Etats-Unis. Surtout sachant que depuis longtemps les Américains ne sont pas aimés en Haïti. En viendrait-on jusqu’à tirer sur les maraudeurs dans les rues ? Ne serait-il pas plus raisonnable pour les Etats-Unis de céder le premier violon, en Haïti, aux Français compte tenu que c’est leur langue qui est parlée dans ce pays en leur apportant un soutien ? Nombreux sont les problèmes, dont la résolution pourrait constituer un précédent décisif pour l'avenir.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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