La Russie vue par la presse francophone le 4 août

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Vladimir Poutine, pyromane et pompier/ La fumée âcre des feux de forêt envahit jusqu'à Moscou/ Le pouvoir russe divisé sur les problèmes environnementaux

Le Monde

Vladimir Poutine, pyromane et pompier

Des dizaines de morts, des centaines de villages détruits, des milliers de familles sans abri partagées entre désarroi et colère, déjà 200 000 hectares de forêt calcinées, des récoltes dévastées, jusqu'au métro de Moscou envahi depuis mercredi 4 août par une âcre fumée, une base de matériel aéronautique militaire sinistrée à 100 kilomètres de la capitale russe et jusqu'au centre nucléaire militaire de Sarov menacé : les gigantesques incendies qui ravagent la Russie prennent chaque jour davantage l'allure d'un désastre national.

La canicule exceptionnelle qui touche le pays depuis un mois - en particulier toutes les régions de l'Ouest, des frontières de l'Ukraine jusqu'aux portes de Moscou - est évidemment à l'origine de la catastrophe. Mais celle-ci témoigne cruellement de la désorganisation du pays. Il a fallu attendre lundi pour que le président Dmitri Medvedev décrète l'état d'urgence dans sept provinces et mardi pour que le ministre des situations d'urgence, Sergueï Choïgou, admette que "la situation échappe parfois à notre contrôle".

Doux euphémisme, tant il est évident que ni l'Etat ni les autorités locales n'ont su réagir à temps et avec l'énergie nécessaire. Mais en avaient-ils seulement les moyens ? En quelques années, la centralisation extrême du pouvoir, cette "verticale du pouvoir" chère au premier ministre et ex-président Vladimir Poutine, a totalement déresponsabilisé les gouverneurs, désormais nommés directement par Moscou, et autres administrations locales gangrenées par la corruption.

La conséquence n'a pas tardé : les services à la population, déjà bien minces, se sont un peu plus délités : dans bien des villages, les casernes de pompiers ne sont plus financées ou ont été fermées, et les étangs "anti-incendies" de l'époque soviétique ont été laissés à l'abandon. La Russie ne compte plus que 22 000 pompiers, dotés de matériel archaïque (contre, en France, 25 000 pompiers professionnels et 200 000 volontaires).
Les privatisations tous azimuts ont encore aggravé la situation. Le nouveau code de la forêt, imposé par Poutine, alors président, en 2006, a régionalisé la gestion des 800 millions d'hectares de forêts du pays, pour le plus grand bénéfice de quelques oligarques du bois et du papier. En abolissant les services fédéraux, ce nouveau code a entraîné la suppression de 70 000 gardes forestiers, qui jouaient un rôle important dans la prévention et la gestion de crise.

Ouvertement en campagne pour la prochaine élection présidentielle, Vladimir Poutine s'emploie à peaufiner son image d'"hyper-premier ministre", réconfortant des sinistrés, convoquant les gouverneurs, promettant des indemnisations rapides et des reconstructions avant l'hiver. Mieux, et bien dans sa manière, il a ordonné l'installation de caméras de surveillance, directement reliées à son bureau, pour surveiller tous les chantiers de reconstruction des villages ! Il est peu probable, cependant, que les Russes soient dupes, le moins du monde, de ces propositions de pompier pyromane.

Le Point

La fumée âcre des feux de forêt envahit jusqu'à Moscou

La capitale russe s'est réveillée, mercredi, dans une atmosphère irrespirable, un vent chaud répandant dans ses rues au petit matin, dans une lumière orange, la fumée âcre des feux de forêt et de tourbières de la région, qui s'est infiltrée jusque dans le métro.

A 06 h 30 du matin, la silhouette des gratte-ciel staliniens de la capitale était perdue dans cette atmosphère chargée de fumée, et beaucoup de voitures roulaient phares allumés dans la ville. Malgré une visibilité réduite à 300 mètres, les aéroports de la ville fonctionnaient normalement, a indiqué l'agence Interfax. Dans les rues, la fumée prenait à la gorge les passants, par une température déjà supérieure tôt le matin à 25 degrés Celsius, et qui devrait s'approcher dans la journée, jusqu'à la fin de la semaine, de la barre des 40 degrés, selon les services météorologiques. Cet air irrespirable s'est aussi répandu dans certains souterrains du métro de la capitale, où certains usagers s'appliquaient un chiffon humidifié sur la bouche et le nez. Quelques gouttes de pluie sont également tombées, mais sans exaucer les espoirs des Moscovites, harassés par la canicule sans précédent qui frappe la partie occidentale du pays depuis le début du mois de juillet.

Le Conseil de sécurité russe se réunit ce mercredi

l'été 2010 devrait battre tous les records de chaleur à Moscou depuis l'ouverture des registres de température il y a 130 ans, ont indiqué les services météorologiques. Un maximum historique a été atteint la semaine dernière avec 38,2 degrés dans la capitale, mais pourrait être battu dans les jours à venir, selon la même source. Des dizaines de milliers de pompiers, de militaires et de secouristes continuent de se battre contre les incendies de forêt qui font rage sur des milliers d'hectares dans la partie occidentale du pays, et ont fait à ce jour 48 morts, ravageant des villages entiers.

Le président Dmitri Medvedev, qui a décrété lundi l'état d'urgence dans les sept régions les plus touchées, réunit mercredi le Conseil de sécurité russe pour examiner notamment les mesures de protection des installations stratégiques du pays. Le centre nucléaire de Sarov, connu depuis la guerre froide sous le nom d'Arzamas-16, est menacé par des feux de forêt dans la région de Nijni Novgorod (Russie centrale).

La Tribune

Le pouvoir russe divisé sur les problèmes environnementaux

Dmitri Medvedev a ordonné une remise en question des orientations de son prédécesseur, Vladimir Poutine, et se veut plus sensible à l'écologie.

Début juin, le président russe a demandé au gouvernement de revoir fondamentalement la régulation des questions environnementales. Il a vivement critiqué le gouvernement dirigé par Vladimir Poutine pour avoir laissé la protection de l'environnement passer au dernier plan. Les observateurs en ont déduit que Dmitri Medvedev utilisait ce thème pour affirmer sa différence d'avec Vladimir Poutine, son mentor et rival dominant sur la scène politique russe. Ce dernier ne devrait pas en prendre ombrage outre mesure, car les questions environnementales sont loin de préoccuper autant les Russes que les problèmes sociaux et économiques.

Dmitri Medvedev réclame la création d'un programme de protection de l'environnement sur les 20 ans à venir et l'introduction de cours obligatoires sur l'écologie à l'école. Il a aussi exigé la réintroduction d'études d'impact environnementales obligatoires préliminaires à tout nouveau chantier de construction, une mesure qui avait été annulée en 2007 par Vladimir Poutine, au moment où le BTP connaissait un essor sans précédent. Parmi les demandes du président figure la mise en place d'une liste des dégâts environnementaux associés à des recommandations de remise en état.

La question des nombreux rejets polluants d'entreprises chinoises dans le fleuve Amour, qui marque la frontière entre les deux États dans l'Extrême-Orient, figure au premier plan.

Le bilan environnemental de l'État russe irrite plus que jamais les organisations de protection de la nature. Selon Greenpeace, les problèmes écologiques du pays se sont considérablement aggravés ces dernières années dans un contexte d'indifférence complète du pouvoir. La Russie est le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre et n'a guère fait preuve de volonté pour les réduire. L'utilisation d'énergies renouvelables suscite peu d'initiatives gouvernementales chez le premier producteur mondial d'hydrocarbures. Moscou croit beaucoup au nucléaire et l'accident grave survenu à son gigantesque barrage de Chouchenskaïa en août dernier ne l'encourage pas en faveur de l'hydroélectricité.

Initiatives citoyennes

Le cas du lac Baïkal (la plus grande réserve d'eau douce au monde) concentre aussi les critiques. Vladimir Poutine a ordonné en début d'année la réouverture d'une papeterie accusée d'empoisonner les eaux du lac et de mettre en danger la vie de 1.500 espèces végétales et animales uniques. Dmitri Medvedev a publiquement manifesté son désaccord et déclaré que la décision de réouverture n'était «pas définitive».

La prise de conscience politique sur ces questions s'accompagne d'un réveil du monde des affaires, en particulier du côté des oligarques, de plus en plus soucieux d'améliorer leur image à l'international. Dans l'ensemble, ils se contentent d'affirmer réduire l'impact sur l'environnement de leurs groupes pétroliers ou métallurgiques. Mais l'un d'entre eux se distingue en allant de l'avant. Le milliardaire Mikhaïl Prokhorov s'est lancé dans la production de lampes à diodes et dans un projet de voiture hybride. Coup de pub ou réel projet industriel ? Difficile de juger pour l'instant mais les investissements dans les deux projets semblent modestes au regard des ambitions affichées.

Mais l'indifférence des autorités russes pourrait être bousculée par de récentes initiatives citoyennes. En dépit de pressions énormes exercées sur les organisateurs, 2.000 personnes ont bruyamment manifesté le 18 juillet à Tuapse (sud de la Russie) pour empêcher la construction d'un terminal chimique dans le port de cette ville. Le français Vinci se trouve aussi au centre d'une polémique alors que le tronçon d'autoroute qu'il construit au nord de Moscou est vivement attaqué par des habitants locaux furieux qu'une forêt «protégée» soit rasée pour ce projet à 8 milliards de dollars. Mais on attend toujours de voir le gouvernement favoriser l'environnement aux dépens de gros investissements.

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