L’axe Le Caire – Munich: la sécurité revêt un accent proche-oriental

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A quoi ressemblent les résultats d’une grande conférence internationale, à l’image de celle qui s’est terminée dimanche à Munich?

A quoi ressemblent les résultats d’une grande conférence internationale, à l’image de celle qui s’est terminée dimanche à Munich? Comment formuler une évaluation commune d’une série d’interventions, quand bien même celles-ci auraient un thème commun, à savoir la sécurité euro-atlantique? Faute de mieux, la méthode suivante paraît appropriée: l’événement clé de la conférence est celui qui suscite les réactions les plus vives de la part des médias sérieux, autrement dit ceux qui visent le public éclairé, dans les pays les plus divers.

Toutefois, il existe des réactions immédiates, d’une part, et celles qui ne se manifestent que plus tard, dans le contexte d'une nouvelle situation internationale, de l’autre. Enfin, une conférence qui réunit des chefs d’Etat et de gouvernements ainsi que des ministres de plusieurs dizaines de pays, s’accompagne inévitablement d’échanges dans les couloirs dont le résultat ne sera visible que plus tard encore.

Les Britanniques deviennent intolérants

Aussi étrange que cela puisse paraître, une intervention a attiré l’attention non seulement des médias britanniques (ce qui est bien compréhensible, étant donné qu’il s’agit du discours du premier ministre anglais David Cameron), mais aussi celle des médias américains et européens. Or, le premier ministre britannique n’a pas évoqué les armes nucléaires, la confiance entre la Russie et l’OTAN ou, du moins directement, les événements en Egypte, en Irak, en Afghanistan et ailleurs. David Cameron, pour qui Munich constituait son initiation à la grande politique, a évoqué les musulmans d'Europe. Manifestement, pour les participants à la conférence, l’Egypte n'est qu’un problème externe, alors que les communautés musulmanes font déjà partie du paysage local.

David Cameron a globalement dit ceci: l’Europe (toute entière et pas seulement la Grande-Bretagne) doit "balayer" l’intolérance envers les valeurs occidentales aussi bien parmi les communautés musulmanes qu’au sein de la droite européenne. Il est impossible de vaincre le terrorisme en se limitant aux opérations militaires en dehors des frontières nationales. Les Britanniques ont permis jusque-là à divers groupes de la société d’exprimer des "idées abjectes" en partant du principe que les différentes cultures devaient chacune vivre sa vie. Les Britanniques étaient trop tolérants, ou plutôt intimidés.

Certes, ce discours fait partie de la politique intérieure, et il constitue une attaque dirigée contre les anciens premiers ministres britanniques Tony Blair et Gordon Brown. Il appartient donc aux Britanniques de tirer des conclusions. Ce qui nous intéresse nous, c’est que trois Etats européens (l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne) ont déjà changé leur point de vue concernant un sujet qui est de plus en plus débattu en Russie depuis les nombreux attentats perpétrés dans le pays et après la manifestation des nationalistes le 11 décembre sur la place du Manège à Moscou. Quant aux Etats-Unis, la situation des "communautés" y est foncièrement différente, le processus qui se déroule intéresse néanmoins les Américains.

En ce qui concerne les Russes, il semblerait que le déclic provoqué chez les Britanniques par le débat sur la tolérance et l’intolérance est un meilleur terrain d’entente pour le rétablissement des relations entre la Grande-Bretagne et la Russie que la sécurité ou la défense anti-missile (ABM), thèmes importants entre tous.

Moubarak n'a pas dit son dernier mot

Certes, David Cameron n’aurait pas prononcé son discours et les participants à la conférence de Munich ne l’aurait pas écouté avec tant d’attention si les "musulmans européens" n’avaient pas eu de rapport avec les "musulmans extérieurs", c’est-à-dire avec les événements en Egypte et ailleurs. On peut supposer que la civilisation euro-atlantique se prépare à avoir de grands ennuis dans ses relations avec le Proche-Orient et elle cherche donc à remettre de l’ordre dans son propre hinterland: dans les rues de ses capitales. De ce fait, un axe invisible Le Caire – Munich s’est formé dans les esprits des participants à la conférence actuelle sur la sécurité et chez d’autres personnes également. Tous les événements se déroulant dans le cadre de la conférence dans la capitale bavaroise étaient liés, d’une façon ou d’une autre, au Proche-Orient.

Quant au problème de l’Egypte, la conférence de Munich a été particulièrement marquée par l’inclusion dans le discours de la Secrétaire d’Etat américaine de la voix et du visage de Frank Wisner qui venait de rentrer du Caire où il s’était rendu en qualité de représentant spécial de l’administration américaine chargé du règlement de la crise égyptienne. "Le président Moubarak continuera à jouer un rôle absolument crucial dans les jours qui viennent", a-t-il martelé.

Il est donc clair qu’aucun représentant de l’OTAN ne songe à proférer des "va-t-en tout de suite" à l’attention de Moubarak. La mission du leader égyptien consistera à assurer la passation du pouvoir à des politiciens adéquats et raisonnables, ce n’est que plus tard qu’il pourra probablement partir. C’est ce que nous observons, en fait, au Caire.

Tel est le "consensus de Munich". Quant à la démagogie concernant les dictateurs corrompus et les peuples qui luttent pour leur liberté, elle a beaucoup de chance de se retrouver là où végètent les illusions sur le "développement indépendant" des diverses communautés au sein de la société européenne.

 

Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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