L'effet Leonid Razvozjaev, symbole de la mauvaise tactique de l'opposition

© RIA Novosti . Alexeï Kudenko / Accéder à la base multimédiaLeonid Razvozjaev
Leonid Razvozjaev - Sputnik Afrique
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Leonid Razvozjaev, jusqu'à présent connu seulement dans un cercle restreint de l'opposition, s'est transformé en symbole. Celui du chemin qui aurait dû être choisi par l'opposition, chose qu'elle n'a pas faite.

Leonid Razvozjaev, jusqu'à présent connu seulement dans un cercle restreint de l'opposition,  s'est transformé en symbole. Celui du chemin qui aurait dû être choisi par l'opposition, chose qu'elle n'a pas faite.

Tout le monde s'attendait à une puissante offensive de l'opposition contre le gouvernement cet automne. Au lieu de cela, on assiste à une puissante offensive du gouvernement contre l'opposition. Les succès des autorités en place pour discréditer les leaders du mouvement de protestation sont flagrants. Mais s'agit-il d'un renversement stratégique ou d'une victoire purement tactique ?

Le bonhomme de neige a fondu – voilà l'association qui me vient à l'esprit au regard du mouvement d'opposition en Russie. Souvenons-nous de décembre 2011. A l'époque, il semblait encore un peu qu'on assisterait à des changements radicaux sur la scène politique russe.

Nous voilà en octobre 2012. Certes, l'aspiration de la société aux changements politiques demeure. Mais l'espoir que les leaders actuels de l'opposition puissent être à l'origine de changements positifs dans la politique russe s'amenuisent.

On considère qu'ils sont toujours l'œuvre d'une faible minorité, prête à souffrir pour ses idéaux. C'est probablement vrai. Mais je voudrais ajouter quelque chose à cette loi politique.

Hormis une minorité active ayant une voix élevée dans le pays, il existe toujours une majorité silencieuse. Si cette majorité perçoit les slogans de la minorité sans crainte ni désapprobation, alors la minorité a une chance de réussir. Mais si cette peur et désapprobation sont présentes sous une forme quelconque, alors les représentants de la minorité peuvent déchirer autant qu'ils veulent leurs cordes vocales. Ils n'ont aucune chance.

Il me semble qu'au cours des derniers mois, le gouvernement russe a justement réussi à provoquer cette réaction à l'égard de l'opposition. Reprenez-moi si je vais trop vite en besogne. Mais ma perception de la situation est la suivante : la perspective de changements radicaux, auxquels appellent les leaders de l'opposition, a commencé à susciter plus d'émotions négatives que celle du prolongement mécanique des réalités politiques en vigueur ces 12 dernières années.

Appelons ce phénomène politique "l'effet Razvozjaev" car c'est cet opposant, Leonid Razvozjaev, jusqu'à présent connu dans un cercle restreint de l'opposition, qui s'est transformé en un symbole aux yeux de la population (dans le bon sens du terme). Le symbole du chemin qui aurait dû être emprunté par l'opposition, chose qu'elle n'a pas faite.

Évidemment, cette dernière voit la situation d'un autre œil. Elle met l'accent sur la façon dont le collaborateur en fuite de Sergueï Oudaltsov s'était retrouvé entre les mains de la justice russe.

Et, effectivement, plusieurs questions à ce sujet restent sans réponse convaincante.

Cependant, le public russe est intéressé par autre chose : est-ce qu'Oudaltsov, Razvozjaev et consorts planifiaient réellement des émeutes ? N'ont-ils toujours pas tiré les leçons du passé ? Est-ce qu'ils n'ont toujours pas compris que le meilleur moyen de développer le pays n'était pas révolutionnaire, mais évolutionnaire ? Le gouvernement russe actuel a toujours cherché à faire passer ses opposants pour une poignée d'extrémistes. Mais d'après moi, ces tentatives n'ont jamais connu autant de succès qu'aujourd'hui.

En fait, à un autre niveau cette fois, se reproduit l'histoire de la fameuse "pierre d'espionnage" britannique. En 2006, pratiquement aucun intellectuel moscovite n'avait cru à la nouvelle sur une pierre camouflant un dispositif d'espionnage dans la capitale russe. En 2012, les moqueurs les plus consciencieux de l'époque ont trouvé la force morale de présenter leurs excuses.

Je ne voudrais pas mettre la charrue avant les bœufs et porter des jugements trop catégoriques. En tant que journaliste politique ayant une certaine expérience, j'ai pour habitude de ne croire personne sans avoir de preuves en béton armé.

Mais aujourd'hui, la situation semble être la suivante : le gouvernement a réussi à trouver le vrai point faible du groupe d'Oudaltsov. Et avec lui – le point faible de toute l'opposition hors système.

Pourquoi j'ose faire une affirmation aussi audacieuse ? Avant tout, en raison d'une coïncidence temporelle - si c'en est une, bien sûr - de deux événements marquants : l'arrestation de Leonid Razvozjaev et son élection au conseil de coordination de l'opposition russe.

Je pense que l'idée des opposants de former un seul groupe est une énorme erreur politique.

Les événements de cette semaine – un nombre pas très convainquant de votants aux élections du conseil de coordination et l'affaire Razvozjaev – me réconfortent davantage dans mon point de vue.

Admettons – purement pour la discussion – que les chefs d'inculpation qui pèsent sur Leonid Razvozjaev et un autre membre élu au conseil de coordination Sergueï Oudaltsov sont parfaitement justifiés. Même dans ce cas, personne n'arrivera à me persuader que beaucoup d'autres membres du conseil de coordination ont également des opinions et des intentions extrémistes.

Cependant, la fameuse formule d'Euripide "dis-moi qui est ton ami, et je te dirai qui tu es" jouera forcément contre eux désormais.

Et c'est ainsi que je m'imagine le dialogue : "Vous dites qu'avec Razvozjaev et Oudaltsov vous êtes simplement collègues dans le même conseil ? Allons ! Vous êtes tous du même panier !".

De cette manière, la tentative de l'opposition de se cacher de la "pluie politique" sous le même parapluie a donné le résultat contraire à celui qui était escompté. Si un seul membre de l'aréopage d'opposition était éclaboussé, tout le monde devrait faire la lessive.

Je propose d'arrêter là avec la description des mésaventures de l'opposition. Mais il est encore trop tôt d'y mettre un point. Je m'étais demandé si les victoires politiques du gouvernement étaient stratégiques ou tactiques. D'après moi, elles sont tactiques à part entière.

Le gouvernement a réussi à discréditer considérablement les leaders actuels de l'opposition mais le pays a toujours besoin d'une opposition forte, responsable et efficace. On continue à ressentir un vide dans cette partie du spectre politique russe. Or le vide est une chose dangereuse. Ce n'est pas un hasard s'il existe la notion de bombe à vide.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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