« Les pilotes de l'OTAN voulaient nous massacrer » (jeune femme serbe)

« Les pilotes de l'OTAN voulaient nous massacrer » (jeune femme serbe)
« Les pilotes de l'OTAN voulaient nous massacrer » (jeune femme serbe) - Sputnik Afrique
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14 ans se sont écoulés depuis la fin des bombardements de la Serbie par l'OTAN. L'intervention de l'OTAN a-t-elle donné les résultats escomptés ?

« Lorsque les bombardements ont commencé on avait du mal à croire que cela se passait à la fin du XXe siècle. Il y a eu plusieurs guerres dans les Balkans dans les années 1990 : en Croatie, en Bosnie-Herzégovine. Mais ici, en Serbie, tout avait toujours été calme. J'ai passé deux mois à Belgrade : du 24 mars au 23 mai. Pendant les bombardements et les tirs de missiles sur Belgrade tous se réfugiaient dans des abris anti-aériens. Il y avait beaucoup de problèmes : coupures d'électricité fréquentes, à-coups dans le fonctionnement des transports en commun, files d'attente immenses à la pompe à essence. Mais notre famille a tout traversé sans pertes. Mes parents sont nés dans la petite ville de Varvarin où ils avaient une petite maison. Mes grands-parents y habitaient. J'ai décidé d'aller chez eux, dans cette province paisible. Les avions de l'OTAN survolaient la région, mais ils ne la bombardaient pas. C'est pourquoi j'ai décidé d'aller à Varvarin pour oublier les cauchemars otanais.

En plus, à Varvarin vivait ma meilleure amie, Sanja Milenkovic, la meilleure mathématicienne de Yougoslavie. Elle a remporté plusieurs Olympiades internationales de mathématiques. Sanja me téléphonait presque chaque jour pour m'inviter à Varvarin où tout était calme et paisible. Le 23 mai, je suis partie pour Varvarin. La première semaine s’est passée dans la gaieté. J'avais l'impression de me retrouver dans un pays différent sans les avions de l’enfer et sans le hurlement de l'alarme sonore, sans les Tomahawk et sans les bombes.

Le 30 mai, c'était un dimanche et une grande fête orthodoxe, la Pentecôte. A Varvarin c'était la fête principale : les gens descendaient dans la rue, se promenaient, allaient à l'église. A 10 heures du matin, Sanja, moi et une autre fille, nous sommes allées à l'église située sur l'autre rive de la rivière Velika Morava. Nous sommes revenues à 13 heures environ. Nous avions franchi la moitié du pont et à ce moment, un avion nous a survolées et nous nous sommes mises à courir. Les pilotes ont tiré un missile. Ils voyaient les enfants sur le pont, mais ils ont appuyé sur le bouton. La détonation m'a projetée en l'air, j'avais l'impression que tout était en feu autour de moi, c'était un enfer. Je criais de douleur : ma jambe était pratiquement arrachée et seuls des lambeaux de peau la retenaient. Ensuite je suis retombée et je me suis évanouie. Lorsque j'ai repris connaissance j'ai eu l'impression que mes amies étaient vivantes. J'étais ensanglantée, mais j'ai vu que Sanja avait perdu connaissance. A ce moment l'avion a tiré deux autres missiles. Le pont a été détruit et les pilotes ont décidé de nous massacrer : pas de témoins, pas d'accusations. Les pilotes ont tué mon amie, Sanja Milenkovic, mais aussi 17 autres personnes qui s’étaient précipitées à notre secours.

Si les pilotes n'étaient pas revenus tous seraient restés vivants. Je ne parviens toujours pas à comprendre pourquoi ils ont tiré sur ce petit pont de village sans aucune importance stratégique. Qui plus est un plus dimanche, un jour de fête, alors qu'il y avait plein de monde. Si c'était si important, pourquoi ne l'ont-ils pas détruit dans la nuit ?

J'ai été rapidement transportée dans l'hôpital de la ville de Krusevac, la plus proche de Varvarin. J'y ai passé 20 jours, puis la guerre a cessé. On m'a transférée à Belgrade où j'ai été soignée pendant un an. J'ai subi plusieurs opérations, pendant longtemps je n’ai pu marcher sans béquilles.

Même maintenant je ne suis pas rétablie, j'ai plusieurs fragments de missile dans l'estomac. Une intervention est impossible : ma vie serait en danger. Chaque matin j'éprouve des douleurs horribles que seuls les médicaments peuvent apaiser. 14 ans se sont écoulés, mais je ressens des souffrances chaque jour. » T

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