De Palmyre à Al-Tanf: Damas a repris le contrôle du désert syrien

© Sputnik . Mikhail Voskresensky / Accéder à la base multimédiaСитуация в Сирии
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En mai dernier, les groupes mobiles de combattants de Daech* créaient sans cesse des tensions pour l’armée syrienne et ses alliés dans la zone désertique de la province de Homs, de Palmyre à la frontière irakienne.

La lutte pour cette parcelle importante de territoire, visiblement vide, a impliqué non seulement les forces du gouvernement syrien et leurs alliés, mais aussi les États-Unis et les bandes qu'ils contrôlaient.

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Aujourd'hui, les autorités syriennes ont repris le contrôle du désert de la province de Homs. Nous avons fait le trajet de Palmyre à la frontière irakienne, jusqu'à la «zone de sécurité» de 55 km autour de la base américaine d'Al-Tanf, afin de comprendre l'importance de la Badia Souria (désert syrien) et d'établir si elle avait en effet été nettoyée des drapeaux noirs des terroristes.

Palmyre en paix

En route de Homs à Palmyre, on se plonge dans les souvenirs des événements de l'année dernière. Aujourd'hui la route est recouverte de bitume, sans trous ni voitures brûlées au bord du chemin. Au printemps dernier, le jour-anniversaire de la libération de Palmyre des terroristes, j'y avais perdu une roue et une jante à cause d'un cratère laissé par un obus de mortier.

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A première vue, Palmyre n'a guère changé. Toutefois, en passant par son centre historique vers la ville-même, on s'aperçoit aujourd'hui des petits détails de la vie pacifique qui suggèrent une renaissance, comme les bourgeons des arbres au printemps.

La première surprise agréable est le rétablissement de la téléphonie et de l'internet mobile. On voit dans certaines rues s'ouvrir de petits magasins et restaurants, où les habitants fument calmement la chicha et prennent un café.

«Oui, la vie paisible reprend son cours dans la ville, et nous y sommes revenus. C'est notre maison, et nous la reconstruirons petit à petit. A Homs, où nous avions fui les terroristes, nous étions un fardeau pour nos proches. Ici, tout est à nous», estime Abou-Hamze, dont la maison se trouve à proximité du musée de la ville.

Selon lui, il est encore trop tôt pour parler du rétablissement d'une vie normale. Beaucoup de bâtiments ont été pillés et restent en ruines. «Il est pourtant déjà possible d'y vivre», fait-il remarquer. Les autorités se sont chargées de la reconstruction de l'infrastructure: on a rétabli l'approvisionnement en électricité et en eau, réparé les égouts. Personne ne parle plus d'une nouvelle attaque des terroristes, car les combattants de Daech* ont été expulsés loin vers le nord, au-delà de Deir-ez-Zor.

La cause des chiites

Dans la soirée, je rencontre un combattant du mouvement chiite Hezbollah. Ces miliciens du Liban voisin participent au conflit depuis 2012 du côté des autorités légitimes du pays. Leur motivation est très simple: «Si l'on ne combattait le terrorisme ici, en Syrie, il se propagerait au Liban».

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Le combattant, qui s'appelle Ali, me propose de manger un kebab et se dit prêt à répondre à quelques questions. Que fait-il avec ses camarades dans le désert, à plus de 200 kilomètres de la frontière libanaise?

«Tu es drôle. Est-ce que l'armée soviétique s'est arrêtée aux frontières de l'Union quand elle combattait les fascistes? Non, l'Armée rouge ne s'est arrêtée qu'après avoir atteint Berlin et écrasé complètement l'ennemi. Nous luttons contre Daech*. Cela n'est évidemment pas comparable avec l'exploit de l'Union soviétique, mais nous avons commencé, avec l'armée syrienne, à vaincre les terroristes près de Damas et avons atteint aujourd'hui la frontière irakienne. Il faut nettoyer toute la Syrie sans aucune exception, et nous, le Hezbollah, ne faisons qu'aider l'armée syrienne dans ce travail», explique Ali, caressant sans cesse avec son doigt le chiffre 313 tatoué sur son bras.

Ce tatouage indique immédiatement qu'il s'agit d'un chiite. Selon une légende chiite, l'armée de l'imam Mahdi devra combattre les forces de l'ennemi avant la fin du monde, et le nombre de ses guerriers se chiffrera à 313, pas plus, pas moins.

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Le Jour du jugement n'est visiblement pas pour demain. Les terroristes font face à plusieurs milliers de combattants chiites, sans parler de l'armée syrienne. Compte tenu des derniers succès dans la province de Homs, l'avenir semble plus prometteur.

Beaucoup d'experts estiment que les forces pro-iraniennes ont un grand intérêt pour le désert syrien. Pourquoi? Car l'Iran est préoccupé par la sécurité de l'«axe de résistance» comprenant l'Iran, l'Irak, la Syrie et le Liban. La présence des combattants de Daech** dans le désert et à la base d'Al-Tanf remettent en cause l'approvisionnement terrestre des forces chiites.

Les richesses du désert

L'armée syrienne a récemment annoncé qu'elle avait nettoyé tout le désert des terroristes, d'Al-Tanf à Al-Boukemal. Il s'agit d'un territoire de plusieurs milliers de kilomètres carrés.

Ali promet d'obtenir auprès des officiers syriens l'autorisation nécessaire pour nous rendre dans le désert au matin. Nous nous quittons sur cette perspective prometteuse.

Je me lève à six heures du matin. On aperçoit dans la rue un petit convoi de pick-ups chargés de combattants armés dans les coffres ouverts.

«Tu as de la chance. Ils vont relever un groupe à la frontière. Nous irons avec eux. On m'a laissé partir, tout va bien. C'est un bon accompagnement, les gars sont expérimentés. Bien que le désert ait été nettoyé, on y constate de temps en temps des «nomades» avides de sang», me dit bravement Ali après sa prière du matin, en m'invitant par un geste à prendre place dans une voiture.

A l'intérieur: un colonel bienveillant au volant. Il me demande si j'ai de la musique russe à écouter en chemin, et branche avec joie ma clé USB dans son système audio. Nous écoutons une chanson du groupe Laskovyi Mai.

La route de Palmyre est très monotone: un désert parsemé d'oasis rares, occupées par les forces armées. On produit beaucoup de pétrole et de gaz dans cette mer de sable, et des pipe-lines partent du nord de Deir-ez-Zor vers de grandes raffineries situées au centre du pays.

Au nord de la province de Deir-ez-Zor, au-delà de l'Euphrate, l'un des plus grands champs gaziers Koniko, ainsi que le gisement pétrolier Omar, restent sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes — mouvement proaméricain. Tous les sites qui se trouvent plus vers le sud — dans la province de Homs — ont été repris par Damas.

Ou sont les terroristes?

Pendant 30 minutes, en chemin, nous avons parlé de l'avenir pacifique de la Syrie et du rôle de la Russie dans la victoire sur le terrorisme. Enfin, notre convoi atteint le premier poste renforcé. La ligne de la frontière n'est pas visible. L'officier qui nous a accueillis — le commandant local — ne fait que montrer du doigt des directions: «6 kilomètres jusqu'au territoire irakien et 55 kilomètres jusqu'à la base américaine d'Al-Tanf».
Les extrémistes se sentent à l'aise près de la base américaine, grâce à la protection accordée par leurs tuteurs. L'officier syrien évoque des convois conjoints de combattants et de militaires américains qui patrouillent dans cette zone de 55 km, avec des violations épisodiques.

«Les combattants ont tenté d'attaquer ce point d'appui il y a quelques semaines. Ils se sont pourtant déjà dispersés! Nous avons poursuivi les auteurs de la dernière attaque aussi loin qu'il était possible, mais ils se sont cachés dans la zone d'Al-Tanf. Ils y jouissent d'une véritable immunité. Par le passé, des groupes mobiles de terroristes arrivaient en 4x4 depuis l'Irak, mais les Hachd al-Chaabi (une milice chiite irakienne) ont renforcé la sécurité de l'autre côté de la frontière, et l'ennemi ne pointe plus le bout de son nez», explique l'officier en invitant les hôtes dans sa tente faite de fil et de feuilles de palmier, avec des tapis en plastique sur le sol, comme chez les Bédouins.

Selon le commandant, les combats dans le désert ont été compliqués par les dimensions du territoire. Après avoir perdu le contrôle des grandes villes frontalières telles qu'Al-Boukamal, les terroristes de Daech* ont repris la tactique du banditisme et tentent de lancer des attaques nocturnes menées par des petites unités contre les positions de l'armée.

Selon le propriétaire de la tente bédouine, la dernière attaque importante des combattants de Daech* a eu lieu fin mai près de la localité de Khmeima (à 160 kilomètres de Palmyre). «Notre armée et nos alliés ont pourtant résisté à l'attaque des terroristes et éliminé pratiquement tous les combattants qui y avaient pris part», raconte-il.

L'isolement d'Al-Tanf

Nous consultons une carte militaire. Le commandant syrien présente les dernières informations. Après le nettoyage du désert et les succès de l'armée au nord-est de la province de Damas et dans la province de Soueïda, la zone de 55 km autour de la base américaine d'Al-Tanf a été isolée du reste du pays et n'est désormais ouverte que du côté de la frontière jordanienne.

Dans cette réserve artificielle d'Al-Tanf, on poursuit l'entraînement des combattants des groupes faisant partie de l'Armée syrienne libre, créée sous le prétexte de combattre Daech*. Aujourd'hui, il y a de sérieux doutes concernant leur avenir après la défaite des terroristes.

Qui plus est, il existe près d'Al-Tanf un camp important de réfugiés sur la frontière jordanienne, dont les habitants ont été, de fait, transformés en otages: ils ne peuvent pas partir vers les territoires contrôlés par Damas et sont obligés de faire face au manque de biens de première nécessité, d'eau potable et de nourriture.

On a l'impression que la guerre en Syrie prendra bientôt fin. Il est pourtant difficile de prédire clairement quand.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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