La francophonie perd son dernier fondateur

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Norodom Sihanouk, nous a quitté il y a quelques jours et nous ne pouvions pas à La Voix de la Russie, ne pas lui rendre un hommage. Il fut une des personnalités emblématiques de la francophonie, un des pères fondateurs, avec Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, et Hamani Diori. Il fut également un personnage historique étonnant : caméléon pour certains, louvoyant pour d’autres, il ne peut laisser indifférent, l’histoire s’attachait à chacun de ses pas.

Né à Phnom Penh en 1922, Norodom Sihanouk est décédé à Pékin le 14 octobre dernier. Lorsqu’il vînt au monde au Cambodge, ce petit royaume de l’Asie du Sud-Est était alors partie intégrante de l’Indochine française. Il recevra d’ailleurs une éducation soignée au lycée Chasseloup-Laubat à Saigon, en Cochinchine. La France défaite en 1940, lui offrait dès 1941, la couronne d’Angkor, espérant trouver en lui un homme de paille docile, et ils ne furent pas les derniers ! Mais très vite, l’invasion japonaise change subitement sa situation, et le jeune roi, sous pression, accepte de proclamer en 1945 l’indépendance du Cambodge, refusant toutefois une collaboration ouverte.

Bien lui en pris, puisque le Japon ayant capitulé, le retour en force des Français intègre à nouveau le Cambodge dans l’Indochine. Mais il ne cesse pas à partir de 1950 de mener un combat pacifique, et malgré sa francophilie, pour l’indépendance de son pays. En 1953, il fait une tournée en France, au Canada et aux USA pour faire « campagne » en faveur de l’émancipation. Il s’exile également en Thaïlande, manière de protester contre Paris. Les Français ne peuvent arrêter un torrent avec leurs mains, et le 17 octobre 1953, le Cambodge accède à l’indépendance. L’Indochine française cessera bientôt d’exister en 1954. Les Français vainqueurs dans le Sud du Vietnam, sont vaincus au Tonkin, c’est la fin d’une époque, la fin d’un monde.

Personnage atypique, il cède la couronne à son père en 1956, « pour se consacrer à la politique », notamment internationale. La même année avec d’autres dirigeants du monde, il est l’un des fondateurs du Mouvement des pays non-alignés, au même titre que Josip Broz Tito, Gamel Abdel Nasser, Koesno Soekarno, Jawaharlal Nehru… Il s’agit d’une organisation visant à se démarquer de la scission du monde en deux camps : L’OTAN contre le Pacte de Varsovie. Ayant devancé l’histoire, c’est elle qui le rattrape au début des années 1960. Une seconde guerre du Vietnam se profile, et Sihanouk choisira une politique de balancier, tantôt favorable au bloc de l’Est, tantôt répressive contre les communistes cambodgiens, les fameux Khmers rouges. A partir de 1966, et la venue du Général de Gaulle qui fait une déclaration hostile à l’intervention américaine au Vietnam, il est en perte de vitesse.

Les frasques de la famille royale, la guerre toute proche au Vietnam du Sud, influent l’opinion publique, en janvier 1970, il se rend en France, puis alors qu’il se trouvait en voyage en URSS en mars, il est renversé par une coalition militaire soutenue par les Américains. N’ayant pas perdu ses appuis dans les pays socialistes, il se rend à Pékin où il forme un gouvernement en exil, dont il devient le président, le Kampuchéa. Faisant alliance avec les Khmers rouges, ses partisans sont vainqueurs en 1975. Les Américains quittent la région, vaincus. Cette alliance, ne durera pas, il doit démissionner et il est placé en résidence surveillée jusqu’en 1979. Cette entente contre nature sera sa plus grande erreur politique. Le pays est mis à feu et à sang, plus de 2 millions de cambodgiens y laisseront leur vie. Lui-même est condamné à mort par les Khmers rouges, mais l’intervention du président chinois lui sauve la vie.

L’invasion vietnamienne le voit fuir le pays, il se réfugie en Corée du Nord. Il fonde un nouveau gouvernement en exil, le FUNCINPEC, en 1981, et occupe une position honorifique, sorte d’icône politique du Cambodge libre. Il réside par la suite à Pékin. L’effondrement du régime meurtrier des Khmers rouges permet son retour au pays. Il revient en héros en 1991, le royaume du Cambodge est refondé sous une forme constitutionnelle. Il retrouve sa couronne en 1993, mais préfère abdiquer en octobre 2004, effectuant par la suite de longs séjours pour se soigner, en Chine ou en Corée du Nord.

Au-delà du personnage politique au destin sinueux, il resta un combattant attaché à ne pas se laisser influencer, tenace à défendre l’indépendance du Cambodge en essayant tant bien que mal de louvoyer entre les événements tragiques qui frappèrent son pays. Il ne fut pas seulement l’homme politique, le souverain ou l’intellectuel excentrique, il était aussi un grand homme de culture, poète, cinéaste, amoureux de la France et de la francophonie, qui se trouvait même être le correspondant du journal satirique français Le Canard Enchaîné dans son propre pays…

Le roi Sihanouk n’en n’était pas à un paradoxe loufoque de plus ou de moins ! Avec lui disparaît l’un des derniers témoins majeurs de l’histoire du XXème siècle dans cette région du monde qui fut si malmenée, et blessée dans sa chair. Charismatique, charmeur, implacable à d’autres moments, il y eut peu d’hommes de sa trempe, fantastique acrobate politique, roi par deux fois, Premier ministre à maintes reprises, figure de proue de la Révolution communiste, dirigeant en exil également à plusieurs reprises, il est resté vénéré et respecté dans son pays, comme étant « le roi-père ».

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