Alors que le Mali fait face à une urgence absolue dans tous les domaines, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) s’est perdu dans des calculs politiciens et des atermoiements.
Il a fallu attendre plus d’un mois et demi pour qu’il forme un gouvernement, certes resserré –vingt-cinq ministres–, mais cette nouvelle équipe risque de poser plus de problèmes qu’elle n’en résoudra.Un gouvernement de combat?
Premier constat: le CNSP s’est octroyé des postes de choix avec quatre portefeuilles, dont trois éminemment stratégiques –Défense, Sécurité et Administration territoriale. Ce dernier ministère étant celui qui sera en charge d’organiser les futures élections, les militaires démontrent ainsi qu’ils gardent la main sur l’avenir. Les ministres de la Défense et de la Sécurité sont tous deux issus de la Garde nationale, un corps qui n’a pas très bonne presse auprès de la troupe, ce qui pourrait augurer certaines tensions au sein de l’armée. Le ministère de la Réconciliation, lui, a été donné au colonel Ismaël Wagué, qui s’est fait connaître comme porte-parole du CNSP. Cependant, si ce poste est important et prestigieux sur le papier, dans les faits, il n’est pas vraiment capital.
Deuxième constat: les groupes armés du Nord signataires de l’Accord d’Alger obtiennent quatre ministères, deux pour la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et deux pour la Plateforme (groupes pro-Bamako).
Enfin, dernier élément notable, le peu de place laissée au M5, ce mouvement de contestation qui depuis le mois de juin 2020 avait appelé à la démission du Président Ibrahim Boubacar Keïta et sur lequel le CNSP s’était appuyé pour justifier son coup d’État du 18 août dernier. Ce mouvement n’obtient que quatre ministères, dont trois attribués aux proches de l’imam Dicko, ce qui semble acter la rupture entre le religieux, meneur de la contestation populaire de l’été dernier, et cette coalition de partis politiques et d’associations de la société civile.
Un pays à terre
Pour autant, ceux qui parieraient sur l’affaiblissement ou la mort du M5 auraient tort car c’est la colère populaire qui a porté ce mouvement et non l’inverse. Si ce nouveau gouvernement ne répondait pas aux attentes des Maliens, la contestation pourrait renaître à tout moment sous une forme ou sous une autre.
Côté infrastructures, ce n’est guère mieux. Nombre de routes sont devenues impraticables, celle reliant Gao à Sévaré ne l’est d’ailleurs plus depuis quatre ans. Les fortes précipitations ont également endommagé les pistes. Même dans la capitale, en dehors des grands axes, dans les ruelles des quartiers, voitures et scooters doivent slalomer entre les trous béants. Les deux grands hôpitaux de Bamako sont devenus des mouroirs, il y a eu une épidémie de paludisme dans le nord du pays et les dispensaires sont restés sans médicaments pendant plus d’une dizaine de jours, l’éducation nationale est à terre…
Gagner la guerre?
Pour parfaire ce funeste tableau, l’insécurité a gagné l’ensemble du pays et sur ce terrain-là aussi les attentes des Maliens sont nombreuses.
Les soldats continuent de mourir en opération, aux moins dix ont péri le 4 septembre près de la frontière mauritanienne, quatre sont décédés le 9 près de Niono, au moins trois autres le 23 à Boulkessi. Le 29 septembre à Boni, dans le cercle de Douentza, plus d’une dizaine de militaires sont morts lors d’affrontements terribles avec des terroristes, la vidéo circulant sur les messageries privées montre des djihadistes en sandales en train d’anéantir des hommes pourtant bien équipés. Lors de son premier discours à la nation, le 22 septembre, le colonel Assimi Goïta, aujourd’hui vice-président du Mali, a promis de gagner la guerre contre les groupes terroristes et de reconstruire le pays. Le plus dur reste à faire…*Iveris: Institut de veille et d’étude des relations internationales et stratégiques.
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