Au Cameroun, la présidentielle américaine rappelle curieusement les élections africaines

© REUTERS / Carlos BarriaDonald Trump, presidente de EEUU
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L’élection aux États-Unis et son lot de rebondissements alimentent la polémique au sein de l'opinion camerounaise. Interpellés par la rhétorique contestataire de Donald Trump après les résultats, beaucoup ont fait le rapprochement avec les habitudes électorales du Cameroun, voire de l’Afrique où élection rime souvent avec crise.

Si le duel au sommet entre le Président sortant américain Donald Trump et Joe Biden, déclaré vainqueur de cette élection, cristallise l’attention de la planète entière, il n’a pas non plus laissé indifférents de nombreux Camerounais. Dans la rue ou sur les réseaux sociaux, le sujet alimente les conversations et suscite analyses et débats.

Au-delà des joutes verbales entre pro-Démocrates et pro-Républicains, relayées par la télévision américaine, c’est surtout l’attitude de Donald Trump contestant la victoire de son challenger qui suscite curiosité et hilarité dans le pays.

Dans une démocratie aussi historiquement enracinée que celle des États-Unis, cette attitude est amplement tournée en dérision sur la Toile.

Comme en Afrique?

L’autoproclamation de la victoire de Donald Trump en a supris plus d’un au Cameroun. En effet, une telle déclaration avant même la fin du dépouillement –dénonçant au passage des tentatives de fraudes et menaçant de saisir la Cour suprême pour arrêter le décompte des résultats– est plutôt l’apanage de l’Afrique, où la contestation systématique et les accusations de triche sont le refrain habituel qui clôture chaque élection. À la seule différence que dans ce cas précis, la controverse ne vient pas d’un opposant, comme cela arrive souvent sur le continent noir, mais du Président sortant.

Depuis que Donald Trump revendique sa victoire et promet une bataille juridique sans merci, de nombreux internautes se sont amusés à faire circuler des messages parodiés. Calqués sur les communiqués généralement adressés aux pays africains par la communauté internationale à l’occasion des crises postélectorales, ces derniers témoignent de l’«inquiétude» et appellent à «la retenue», ou à «une médiation entre les deux protagonistes» et suscitent l’hilarité de l’opinion publique.

La dernière fois qu’une élection a été contestée au Cameroun, c’est à l’occasion de la présidentielle du 7 octobre 2018, quand Maurice Kamto, le challenger de Paul Biya, s’était précipité pour s’autoproclamer vainqueur sur la base, précisait-il alors, des données en sa possession.

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La situation avait créé de vives tensions dans le pays avant de déboucher sur une interminable crise postélectorale. Pierre Henri Sosso, étudiant à l’université de Douala, est d’ailleurs surpris d’entendre ce refrain dans une grande démocratie comme celle des États-Unis.

«La réaction de Donald Trump m’a laissé sans voix. Il a réagi textuellement comme un homme politique africain. C’est un peu honteux pour une grande démocratie comme les États-Unis, je croyais que les affaires de hold-up électoral ne concernaient que nous autres, là, je suis très surpris», commente-t-il au micro de Sputnik.

Si généralement, en Afrique subsaharienne, élection rime avec contestation des résultats, violences, vainqueur autoproclamé et longues crises postélectorales, la situation aux États-Unis a de quoi surprendre.

Quelles leçons à tirer?

La vieille démocratie américaine est encore source de toutes les attentions et nourrit les fantasmes de nombreux Camerounais qui, depuis des décennies, rêvent d’alternance à la tête de leur pays.

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Les derniers rebondissements enregistrés lors de cette présidentielle et la tension postélectorale en cours peuvent-ils modifier la perception de cette démocratie? Oui, selon Dalvarice Ngoudjou, consultant permanent sur des questions internationales dans une télévision privée camerounaise, pour qui la patrie de l’oncle Sam n’est pas sortie de cette expérience la tête haute.

«La démocratie américaine n’en sort pas grandie. La première leçon que les Africains doivent en tirer, c’est qu’ils ne doivent pas toujours prendre exemple ailleurs. Les autres ne sont pas aussi sains que l’on peut croire. L’Africain doit développer une démocratie à l’africaine dans le respect des réalités africaines. Ceux qui nous enseignent leur démocratie sont les premiers à la violer», conclut-il.

Alors que Donald Trump semble décidé à se battre jusqu’au bout, cette élection présidentielle américaine laisse un sentiment particulier au Cameroun et sur le continent, celui que même la plus grande puissance au monde peut voir sa démocratie se fragiliser. Le tout quand de nombreuses interrogations et analyses se portent déjà sur ce que pourrait être la politique africaine de Joe Biden.

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