CAN 2022 au Cameroun: quel impact sur l'économie?

CC BY-SA 4.0 / Bdx / Centre-ville de YaoundéCentre-ville de Yaoundé
Centre-ville de Yaoundé - Sputnik Afrique, 1920, 27.08.2021
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Après des reports et des ratages, le Cameroun accueillera du 9 janvier au 6 février 2022 la Coupe d’Afrique des nations de football. Au-delà des enjeux sportifs, les opérateurs économiques locaux espèrent profiter de l’événement pour faire de bonnes affaires dans un contexte marqué par un ralentissement de l’économie.
Sur l’un des axes principaux qui traversent le quartier Bonamoussadi à Douala, la capitale économique du Cameroun, une pléthore de supermarchés et autres commerces meublent le décor. Dans ce lieu, présenté comme le «nouveau Douala» pour son développement fulgurant, se sont installées les plus grandes enseignes commerciales. Sur la façade de l’une des principales rues, Éric Tonlio vient de monter une affaire de ventes d’appareils électroniques qui peine à décoller à cause de la crise sanitaire, pense-t-il. Le jeune patron compte désormais sur la Coupe d’Afrique des nations 2022 (CAN), qui se jouera au Cameroun du 9 janvier au 6 février 2022, pour faire avancer ses activités commerciales.
«On a passé près de deux années très difficiles avec les ravages du coronavirus. J’ai investi énormément dans cette affaire et depuis tout tourne au ralenti. J’espère qu’avec la compétition annoncée et l’amour des Camerounais pour le football, je pourrais écouler mes stocks notamment les écrans de télévision», dit-il au micro de Sputnik.

La longue attente

Le stade omnisports Ahmadou Ahidjo à Yaoundé - Sputnik Afrique, 1920, 12.01.2021
CHAN 2020 au Cameroun, un événement historique malgré le spectre de l’insécurité
Pour de nombreux opérateurs économiques comme Éric, la compétition représente une véritable opportunité dans une période marquée par un fort ralentissement économique. Depuis le déclenchement de la crise sanitaire au Cameroun début 2020, les restrictions imposées, notamment la fermeture des frontières, ont eu des conséquences fâcheuses sur l’économie nationale. Depuis lors, des entrepreneurs comme Aristide Bounah, patron de plusieurs entreprises à Douala, dont une régie publicitaire, ont vu leur chiffre d’affaires chuter. Avec l'arrivée de la CAN au Cameroun, il peaufine déjà ses stratégies pour capitaliser sur l’événement: «on est en train de voir avec différentes entreprises, les opportunités d'achat, des innovations liées à la compétition sportive qu'on peut apporter pour davantage accrocher les marques. Car notre travail, c'est acheter des espaces publicitaires et les revendre aux grandes marques».
«Nous sommes déjà en discussion avec certaines marques pour leur faire voir les opportunités d'affaires qu'elles auront pendant ce grand événement sportif», se réjouit l’homme d’affaires au micro de Sputnik.
Le milieu de terrain camerounais Kpene Ganago. - Sputnik Afrique, 1920, 23.01.2020
CAN 2021: Le Cameroun face au spectre de la récidive
Après plusieurs décennies d’attente et l’échec de l’organisation de la CAN en 2019, le tirage au sort de la CAN 2022 tenu le 17 août à Yaoundé, a eu raison du scepticisme des uns et des autres.
En 2018, la Confédération africaine de football (CAF) avait pris la décision de retirer la gestion de l’édition 2019 au Cameroun, pénalisé pour des retards dans l’avancement des travaux. Un retrait et des polémiques multiples qui avaient fini par faire perdre espoir aux nombreux fans de football et opérateurs économiques. Le pays s’était enfin vu confier l’édition de 2021, décalée en 2022 à cause du coronavirus qui a chamboulé le calendrier de la confédération.
Pour les Camerounais, tout cela appartient au passé. Leur pays va bien accueillir le plus grand événement sportif du continent. À plus de quatre mois du coup de sifflet du premier match, la compétition africaine est dans toutes les têtes au Cameroun.

«Un impact marginal»

Du fait de l’épidémie, le taux de croissance du Cameroun a chuté à 0,7% en 2020 contre 3,7% en 2019 et devrait connaître une légère remontée à 2,1% en 2021. L'épidémie de Covid-19 qui a impacté les investissements publics comme privés, dans le pays, est venue s’ajouter à un contexte déjà tendu à cause des conflits en cours dans plusieurs régions du Cameroun. La CAN constitue donc «naturellement», souligne l'économiste Dalvarice Ngoudjou à Sputnik, une lueur d'espoir pour certains opérateurs économiques: «Je pense aux secteurs hôtelier, de la restauration, de l'artisanat par exemple. L'autre fait positif est que, en dehors du tourisme externe, la CAN va pousser les Camerounais à développer le tourisme interne. Les gens iront d'une ville à l'autre pour suivre les matchs, ce qui permettra de faire tourner l’économie».
Cependant, tempère-t-il, sur le long terme, «le pays sera rattrapé par les effets de l’endettement effectué pour investir dans les infrastructures».
«Selon nos propres sources, près de 3.000 milliards FCFA (4,5 milliards d'euros) ont été dépensés dans la construction des infrastructures [des chiffres que l'État n'a pas encore confirmés, ndlr]. Notre taux d'endettement frôle déjà les 50% du PIB, comment va-t-on faire pour rembourser cet argent qui a été emprunté? Ça aura un impact désastreux sur l'économie à long terme, particulièrement au niveau du service de la dette. En plus, il faudra encore entretenir ces stades et les rentabiliser après la compétition, chose pas évidente dans notre contexte où l’industrie sportive ne tourne pas à plein régime», prévient l’économiste au micro de Sputnik.
Afrique - Sputnik Afrique, 1920, 19.08.2021
Le Covid-19, une «tragédie» économique pour l'Afrique centrale
L’économiste Dieudonné Essomba, auteur en 2010 de «Une voie de développement pour l'Afrique: la monnaie binaire», abonde dans le même sens. Pour lui, si les opérateurs économiques peuvent espérer une activité densifiée pendant quelques semaines, la compétition aura «un impact marginal sur le plan macroéconomique».
«On ne compte pas sur les compétitions sportives pour doper l’économie. Elle permet juste de construire les infrastructures qui en temps ordinaire n'auraient pas été construites. Donc il ne faut pas compter sur la CAN pour sortir de la crise. En plus lorsqu’on voit les investissements colossaux qui ont été faits, ce n’est pas en quelques semaines qu’on va rentabiliser», soutient-il au micro de Sputnik.
Au-delà des calculs macroéconomiques, dans les cinq villes du pays qui vont abriter la compétition - Yaoundé, Douala, Limbé, Bafoussam, Garoua - les attentes des populations sont grandes autour de cet événement historique. Le pays n’avait plus hébergé cette compétition depuis 1972. Pour cette deuxième édition à 24 nations, les équipes sont distribuées en six poules de quatre équipes chacune.
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