Après Gênes, constat alarmant en France: «14.000 ponts dangereux»!

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Après la catastrophe du viaduc de Gênes, la France s’interroge sur l’état de ses propres infrastructures. 840 ponts présentent un «risque d’effondrement», selon un rapport! Mais celui-ci ne comprend que les ouvrages d’art directement gérés par l’État. La réalité serait bien plus grave, selon un professionnel du Génie civil interrogé par Sputnik.

«Ce n'est pas certain que tous les ponts s'effondreront demain, mais si l'on ne fait rien, on va à la catastrophe évidente»,

déclare à Sputnik France Christian Tridon, président depuis 2002 du Syndicat national des entrepreneurs spéciaux pour la réparation et le renforcement des structures d'ingénierie (STRRES). Un peu plus d'un mois auparavant, le ministère des Transports présentait un rapport d'audit externe du réseau routier national. Selon ce document, 30% des 12.000 ponts que compte le réseau routier non concédé à des sociétés privées sont à réparer, et 7% d'entre eux présentent même un «risque d'effondrement» à terme, soit environ 840 ouvrages.

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Pour Christian Tridon, les chiffres annoncés sont loin de rendre compte de l'ampleur du problème à l'échelle nationale: «La France dispose de 200.000 ponts routiers pour un million de kilomètres de routes. Seuls 12.000 ponts à la charge de l'Etat figurent dans le rapport. Les autres sont à la charge des collectivités locales, les maires et les départements».

«Je suis d'accord avec l'estimation de 7%, mais elle doit être extrapolée au nombre total, soit 7% des 200.000 ponts routiers de France. Ainsi, nous n'obtenons non 840, mais 14.000 ponts dangereux. Si nous ne faisons rien, la situation va devenir encore plus grave.»

Dominique Bussereau, ancienne secrétaire d'État chargée des Transports, également présidente de l'Assemblée des départements de France, évoque le manque de moyens pour assurer la maintenance des ouvrages d'art:

«Ces dernières années, on a dépensé 700 millions d'euros par an pour l'entretien des infrastructures, alors qu'il en faudrait 1,3 milliard.»

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Une solution pour Dominique Bussereau réside dans la restauration de l'écotaxe, supprimée à l'époque par Ségolène Royal, qui permettait de faire payer les usagers de la route pour son entretien.
Christian Tridon se rallie à cette opinion: il considère que la taxe aiderait financer la réparation des installations. Dans le cadre de la Fédération nationale des travaux publics de construction, le STRRES attendait 800 millions d'euros par an de cette écotaxe. Pour le Président du Syndicat, l'annulation de la taxe fait surtout souffrir l'Alsace, qui est étouffée par le transit de camions étrangers — conséquence directe de l'introduction de l'écotaxe par l'Allemagne, contrairement à la France.

«Je crois qu'une taxe environnementale devrait être introduite et utilisée pour réparer les ponts», soutient le représentant des professionnels du génie civil.

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Après la tragédie du viaduc de Gênes, Élisabeth Borne, ministre des Transports, a souligné «l'importance» d'un entretien régulier des routes, ponts et tunnels français. Son engagement est de présenter à la rentrée un projet de loi de programmation des infrastructures. Pourtant, l'audit ministériel précise qu'un pont «n'est réparé que 22 ans après l'apparition des premières dégradations».

Pour Christian Tridon, le maintien de l'état des ponts n'est pas simplement un problème de financement. Il croit nécessaire de sensibiliser les collectivités locales et d'impliquer l'opinion publique, ce à quoi travaille son organisation. «Il y a vingt ans, existaient en France des agents spéciaux de la direction départementale de l'équipement (DDE). Aujourd'hui, le maire est le seul qui est responsable de l'état des ouvrages de génie civil», se désole le président du Syndicat:

«Le maire est laissé seul avec ses problèmes, l'État ne l'aide pas. Tous les maires ne comprennent pas suffisamment l'importance de la question pour allouer des fonds à une vérification de "son" pont par un spécialiste.»

D'après Christian Tridon, une solution existe pour pallier la nécessité de surveiller étroitement des structures de haute technologie: créer en France un «Carnet de maintenance du pont», un document qui n'existe pas aujourd'hui. Dans ce «carnet de santé» de l'ouvrage d'art, on trouverait une fiche technique et l'identité du pont, un carnet d'entretien et les dates d'inspection.

«Le maire doit avoir des informations précises sur "son" pont. S'il ne dispose pas de fonds suffisants pour une enquête professionnelle de son état, il doit s'adresser au département ou à l'État. Si le maire a de gros doutes sur l'état du pont, il doit savoir mobiliser la volonté politique et décider de le fermer à la circulation.»

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