Motocross et mortiers d’artifice: les «jouets» irresponsables des émeutes urbaines

© AP Photo / Francois MoriPolice à Argenteuil, 24 mars 2016.
Police à Argenteuil, 24 mars 2016. - Sputnik Afrique
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Cela devait arriver: un jeune motard de 18 ans est mort d’un accident de motocross à Argenteuil. Dans la foulée, le 17 mai, des échauffourées avec la police ont à nouveau éclaté. Parmi les armes favorites des émeutiers, les feux d’artifice, utilisés contre les forces de l’ordre et les secours. Peut-on les interdire?

Le correspondant de Sputnik est arrivé vers 22h30, alors que les premières rixes venaient d'éclater. Argenteuil (95) est la quatrième ville la plus peuplée d’Île-de-France et son quartier du Val d’Argent Nord est un labyrinthe de béton. Un groupe d’une cinquantaine d’émeutiers, armé de bâtons, y attendait déjà la police. Casqués, derrière leurs boucliers, les forces de l’ordre n’ont pas tardé à réagir, elles aussi en nombre: «beaucoup plus qu’à Villeneuve-la-Garenne», selon le reporter de Sputnik. Nombreux donc, de part et d’autre.

​Guerre de positions dans les rues d’Argenteuil

La première confrontation a duré dix minutes, autour de La Dalle d’Argenteuil. Il était «étonnant» que la bataille n’ait pas été plus violente. Selon notre correspondant, il s’agissait davantage d’une confrontation que d’une émeute. La Brigade Anti-Criminalité (BAC) est intervenue, mais la police, selon notre journaliste sur place, ne semble pas avoir cherché le contact. Ripostant aux tirs de mortiers d’artifice, elle a opté pour des tirs de grenades de désencerclement et de LBD (lanceurs de balles de défense). Le reporter de Sputnik n’a d’ailleurs pas constaté d’interpellation, un point qui reste toutefois à confirmer. Les affrontements s’éteindront après minuit.

On ne sait rien, ou presque de l’accident à l’origine de ce nouvel épisode de guérilla urbaine. Un nouveau drame a eu lieu dimanche 17 mai, moins de 24h après un rodéo sauvage sur le périphérique entre Paris et Saint-Denis qui a gravement blessé un policier. Cette fois, c’est un jeune de 18 ans, Sabri, qui est décédé vers 2h du matin après avoir heurté un poteau, alors qu’il roulait sans casque sur une motocross.

La famille accuse une voiture de la BAC, qui aurait «croisé» le chemin de Sabri, mais les précisions manquent. Selon une source policière citée par l’AFP, le véhicule de police ne présenterait «aucun impact» et devrait être expertisé à la demande du parquet de Pontoise. Dans la journée du 18 mai, ce dernier a écarté une course poursuite entre les fonctionnaires de police et la moto.

Motocross: un engin capricieux

Les rodéos sauvages sont devenus une habitude: chaque été, leur bruit strident trouble les quartiers. Évidemment, le drame d’Argenteuil rappelle furieusement celui de Villeneuve-la-Garenne, qui a mis le feu aux poudres le 18 avril dernier. Le délinquant multirécidiviste qui roulait lui aussi sans casque avait percuté une voiture de police banalisée. Accident irresponsable ou ouverture délibérée de la portière? Les quartiers sensibles n’ont voulu croire qu’à la deuxième hypothèse. Depuis, une nouvelle vidéo a accrédité la défense des policiers: «elle montre clairement que leur véhicule était bien à l’arrêt et que le motard est arrivé très vite en changeant de trajectoire», a affirmé Catherine Denis, procureur de Nanterre.

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Souvent non homologuées, quelquefois volées, ces motocross de 85 ou 150 cm3 pour la plupart sont des engins capricieux, destinés à l’origine à un sport extrême, conduites par des pilotes protégés et expérimentés. Clairement et malgré des intentions louables, la Loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, promulguée le 3 août 2018, n’a pas enrayé le phénomène. En 2017, plus de 15.000 rodéos avaient été officiellement recensés par les forces de l’ordre. Le texte prévoyait un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende, deux ans et 30.000 euros d’amende si les faits étaient commis en réunion. La confiscation du véhicule et la suspension du permis pour trois ans figurent aussi à l’arsenal répressif du texte. Encore faut-il que les juges se révèlent aussi fermes que le législateur.

​Après l’interdiction des rodéos, celle des feux d’artifice?

L’irresponsabilité des motards se double de celle des émeutiers, armés de mortiers d’artifice. Un «jouet» à la dangerosité pourtant indéniable. On les dit «plus dangereux qu’un lanceur de balle de défense», selon Philippe Poupeau, directeur de la police municipale d’Evry-Courcouronnes, cité par Le Parisien. Malgré les effets pyrotechniques qui peuvent amuser, ces tubes ont pour les flics une autre réalité:

«J’ai vu des impacts de tir de mortier sur des gilets pare-balles, c’est impressionnant», avait confié à Sputnik Laurent-Franck Liénard, avocat pénaliste, qui défend régulièrement des agents de police.

Au point d’impact, un trou de 2 à 3 cm de diamètre, «comme à l’emporte-pièce.» Le policier n’aurait sans doute pas survécu si le projectile l’avait atteint au visage: «on peut considérer que tirer des feux d’artifice c’est festif, mais c’est extrêmement dangereux.» Et l’avocat de prévenir: «on va finir par tuer des gens qui n’ont pas mérité ça…»

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Le préfet de l’Essonne (91) en a interdit la vente par un arrêté le 22 avril dernier. Être en possession de l’un d’eux est désormais passible d’une amende de 4e classe, de 135 euros. Une efficacité pour l’instant encore relative, puisque ces armes par destination circulent encore dans le département. Il faut dire qu’on en trouve sans peine sur Internet pour une vingtaine d’euros. Hier soir, alors que les forces de l’ordre tâchaient de contenir les émeutiers à Argenteuil, le commissariat des Ulis (91) était attaqué au mortier d’artifice.

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