Criminalisation des actes sexuels sur les mineurs: la loi choque «de nombreux avocats et défenseurs de l’enfant»

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Le Sénat a adopté la proposition de loi visant à mieux protéger les jeunes mineurs contre les crimes sexuels. Pour les moins de 13 ans, ce texte supprime toute notion de consentement. Nous avons rencontré deux avocats critiques, pour des raisons différentes, envers le nouveau dispositif légal. Ils partagent leurs arguments avec Sputnik.

C’est peut-être la fin d’une longue polémique sur l’âge limite en dessous duquel un enfant n'est jamais consentant. Après une adoption du texte à l’unanimité en commission des lois, le Sénat vient de voter par 343 voix sur 345 la loi visant à protéger les mineurs des crimes sexuels.

Contre l’âge de consentement à 13 ans

Pourtant, au micro de Sputnik, maître Arash Derambarsh, avocat au barreau de Paris et élu municipal (Divers droite) à Courbevoie (Hauts-de-Seine), s’oppose au projet de la loi.

«Pourquoi ce texte crée polémique? Parce que de nombreux avocats et défenseurs de l’enfant, comme moi, le trouvent choquant. La majorité sexuelle en France est 15 ans et au lieu de mettre l’âge de consentement à 15 ans, on le rabaisse à 13 ans», détaille maître Derambarsh.

On considère désormais comme un viol un «acte de pénétration quelconque –vaginale, anale, buccale ou digitale– sur un enfant» de moins de 13 ans. Et la peine va jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle, avec un délai de prescription de trente ans qui court à partir de la majorité de l’agresseur.

Maître Derambarsh maintient que «la société doit rester très ferme» sur «l’âge légal pertinent» pour qu’un enfant soit considéré comme sexuellement responsable.

«Au-dessous de 15 ans, on considère qu’un être humain n’est pas constitué psychologiquement, psychiatriquement, socialement, philosophiquement, sexuellement pour pouvoir donner son corps en tout consentement à quelqu’un. Ce n’est pas un homme ou une femme encore constitué sur tous les plans», estime-t-il.

L’avocat considère comme «très important que la loi puisse protéger tout le monde». Il souligne également l’insuffisance du délai de prescription de trente ans, en citant le cas d’Olivier Duhamel, accusé d’abus sexuels sur mineur, qui fait actuellement la une de la presse.

«Pour moi, il faut passer de trente à quarante ans de prescription, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 58 ans [pour le présumé auteur du viol, ndlr]», assure l’avocat.

Un autre «point très important» pour maître Derambarsh concerne la définition de l’inceste. «Il faut arrêter avec le mot “inceste”! Il s’agit d’un viol aggravé, provenant d’une personne qui a une autorité ou un ascendant sur la victime, un parent, fulmine l’avocat. Le mot “inceste” enlève la réalité des faits: un mineur se fait violer par un membre de la famille.»

Éviter «l’automaticité»

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De son côté, maître Cécile Naze-Teulié, inscrite au barreau de Versailles, critique également le projet de loi, mais pour d’autres raisons. Spécialisée en droit de la famille, l’avocate rappelle au micro de Sputnik les termes de la loi en vigueur, où on qualifie comme «délit d’atteinte sexuelle» une relation entre un majeur de plus de 18 ans avec un mineur de moins de 15 ans, «que cette relation soit consentie ou pas». En revanche, dans le nouveau projet de loi, toute relation sexuelle avec un enfant de moins de 13 ans «est d’office un viol». L’avocate dénonce le côté «automatique» d’application «d’absence de consentement» qui dispenserait les juges de leur rôle d’arbitre dans la question.

«Je ne suis pas favorable à l’automaticité. Je pense qu’il faut faire confiance à nos magistrats. Ils sont là pour évaluer la situation», souligne maître Naze-Teulié.

Pour l’avocate, «dans la notion de consentement, il y a un aspect pédagogique, y compris à l’égard des auteurs, qui devront savoir pourquoi ils seront sanctionnés» et «en quoi ils n’ont pas respecté l’absence de consentement de la victime». Cette «explication» semble importante pour l’avocate, qui mentionne également «un accès des jeunes à la sexualité de plus en plus tôt».

«Le consentement ne s’analyse pas dans la tête de la victime, mais dans la tête de l’auteur. Qu’est-ce que l’auteur de bonne foi a perçu du consentement de la victime?» interroge l’avocate.

«Avec l’arrivée de la puberté de plus en plus tôt» la question sociétale se pose également: pourquoi la société, «au-delà ne nous proposer un accès de plus en plus facile à la pornographie et à la culture de la sexualité physiologique, ne nous donne pas d’accès à la culture de la sexualité intellectualisée, verbalisée et comprise»? demande maître Cécile Naze-Teulié pour conclure.

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