Vaccination obligatoire, «une atteinte au droit à la vie»? Déboutées, trois soignantes font appel

© SputnikManifestation des soignants à Paris à côté du ministère de la Santé, le 21 janvier 2021
Manifestation des soignants à Paris à côté du ministère de la Santé, le 21 janvier 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 18.09.2021
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Trois soignantes libérales ont attaqué l’État sur la vaccination obligatoire et ses conséquences, une «voie de fait» à leur encontre, selon elles. Maître Protat explique à Sputnik le détail de l’affaire.
L’obligation vaccinale pour le personnel médical, une atteinte aux droits fondamentaux? C’est en tout cas ce qu’ont plaidé trois femmes : un médecin, une infirmière et une sage-femme. Exerçant en libéral, leur refus du sérum contre le Covid-19 les empêchait de continuer à exercer.
Une procédure en référé contre l’État s’est tenue le 13 septembre dernier devant le tribunal judiciaire de Paris. Me Diane Protat, l’avocate des soignants, a notamment mis en avant la «voie de fait» de l’État à l’encontre de ses clientes, c’est-à-dire un «comportement portant ouvertement atteinte à des droits personnels». Peine perdue à ce stade, puisque la Cour a débouté les trois soignantes. Une défaite en demi-teinte, pour Me Protat:
«Nous avons décidé de faire appel. Contrairement à ce qui est écrit dans ce jugement, je considère que la voie de fait est constituée. C’est une atteinte illégale et très grave de l’État aux libertés individuelles et de propriété qui aboutissent à leur extinction», détaille l’avocate.
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Du fait de leur refus de se faire vacciner, les plaignantes considèrent qu’elles perdent leur liberté d’exercer et donc de faire vivre leur cabinet. Aussi, ont-elles été particulièrement choquées d’entendre le défenseur de l’État estimer que «de toute façon, il y a toujours la possibilité de vendre le cabinet», ce qui signifiait à ses yeux qu’elles n’avaient «pas perdu tout droit de propriété».
Mais les soignants et leur avocat n’en démordent pas. Pour elles, la vaccination obligatoire constitue une voie de fait puisqu’elle «viole le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et morale, le droit au consentement éclairé et le droit à la propriété». Une accusation grave qui justifie le «recours à la procédure de référé en vue de faire cesser ce trouble manifestement illicite».
«Nous maintenons qu’il y a une atteinte au droit à la vie, qui est une voie de fait qui a été reconnue dans l’affaire de Vincent Lambert. Il y a des circonstances exceptionnelles qui demandent de faire preuve d’originalité», assure maître Protat.
Là non plus, malgré ce précédent célèbre, le tribunal n’a pas donné raison aux plaignantes, indiquant que la vie «ne serait pas une liberté individuelle susceptible d’être protégée au titre de la voie de fait».
Ce n’est pourtant pas le seul argument développé par les trois soignantes et leur avocate.

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Elles ont aussi remis en cause le principe même de la vaccination avec des produits dont on ne sait pas si leur emploi est bien permis en Europe. En effet, les autorisations de mise sur le marché (AMM) conditionnelles des vaccins devaient être renouvelées au bout de six mois. Cette procédure a-t-elle été respectée? La Cour n’a pas fait la lumière sur ce point, estime l’avocate:

«Alors que le tribunal avait fait acter publiquement la réponse de l’avocat de l’État, à savoir “qu’il n’avait pas mandat de répondre à cette question”, ce point n’apparaît pas dans le jugement», déplore Diane Protat.
Le jour même du jugement, les soignantes ont donc réclamé au tribunal copie des notes d’audience mentionnant ce point. S’agit-il d’un simple oubli? Me Jean-Charles Teissedre, qui a exigé ces AMM de son côté, parle d’un système d’«obscure transparence» de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
En tout état de cause, le tribunal a considéré que l’action des soignantes avait été introduite «trop tôt», puisqu’à ce jour, «aucun acte administratif, réglementaire ou individuel, ni aucune action administrative n’est déféré au contrôle de la présente juridiction».
«Les pouvoirs du juge en référé, c’est de prévenir un dommage imminent ou de le faire cesser. On n’est pas du tout arrivés trop tôt. Il aurait pu prévenir cette atteinte manifestement illégale», signale l’avocate.
Pour l’instant, la situation semble sans issue, car, selon le tribunal, pour que la voie de fait soit établie, il faudra attendre une décision juridique de suspension des soignants. Une réponse de Normand en quelque sorte: la loi n’en prévoit pas, puisqu’elle se borne à les réputer interdits d’exercice.

Contre-indications, à l’État de décider?

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Un entre-deux qui laisserait les soignants dans un grand désarroi et parfois dans une situation économique dramatique. Il en faudrait pourtant plus pour décourager l’avocate, qui estime que d’autres juridictions pourraient avoir une appréciation différente et se prépare déjà à de nouvelles attaques contre l’obligation vaccinale.

Dans son collimateur, la liste très réduite de contre-indications à la vaccination. Effectivement, pour l’instant, la seule possibilité d’être dispensé de la deuxième injection est de «développer une maladie grave suite à la première injection, telle que la myocardite par exemple». Impossible donc de faire valoir d’autres motifs médicaux sérieux, avec le risque que cela pourrait faire peser sur la santé des intéressés. Selon l’avocate, après l’audience du 13 septembre, des centaines d’appels ont afflué à son bureau.
«Nous avons choisi deux autres soignantes et un assistant d’éducation spécialisée dans les services sociaux et avons saisi le Conseil d’État […] d’une demande de référé-libertés. Nous demandons l’annulation pour tout le monde du décret du 7 août qui limite des contre-indications à la vaccination», annonce Diane Protat.
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