Les troubles en Ouzbékistan peuvent-ils déstabiliser toute l'Asie centrale?

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MOSCOU, 13 mai ( RIA Novosti). Les troubles à Andijan (Ouzbékistan) peuvent déstabiliser la situation dans toute la région centrasiatique, a déclaré dans une interview à RIA Novosti Dina Malycheva, maître de recherche à l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales.

Selon Dina Malycheva, la situation socio-économique et politique en Ouzbékistan et en Asie centrale dans son ensemble est restée tendue durant toutes les années 1990 et au début des années 2000. La situation en Ouzbékistan est aggravée par la présence, dans la vallée de Ferghana, d'islamistes que les autorités qualifient d'extrémistes. Mais attribuer les événements d'Andijan à l'intensification de l'activité des islamistes signifierait simplifier la situation, bien que, depuis le début des années 1990, Andijan soit l'un des centres du mouvement islamiste informel d'opposition en Ouzbékistan.

"Il est plus facile d'accuser ceux qui ont participé aux troubles d'appartenir à telles ou telles organisations islamistes. Ces derniers temps, l'étiquette d'extrémiste islamique et de terroriste est collée, à tors et à travers, à tous ceux qui s'opposent aux autorités officielles", estime l'expert.

Dina Malycheva a cité quelques facteurs qui ont pu provoquer les troubles.

Premièrement, le problème des rapports entre la population et les organes judiciaires est assez grave en Ouzbékistan. La dureté avec laquelle ont agi les autorités à l'égard de ceux qu'elles qualifient d'extrémistes islamiques a certainement suscité le mécontentement de la population. C'est pourquoi les troubles peuvent être une réaction aux abus et à la sévérité des autorités. Le fait qu'une prison de haute sécurité ait été l'une des premières cibles de l'attaque lancée confirme cette version. Une partie des détenus a été libérée. D'autre part, ces événements peuvent faire partie de règlements de comptes entre éléments criminels. Le rôle des structures criminelles qui agissent parfois sous le drapeau de l'islam s'est accru ces derniers temps dans le pays.

Deuxièmement, les événements d'Andijan ont pu être provoqués par la situation socio-économique dans la république. Les problèmes que le gouvernement a tenté de régler sont restés en suspens: le chômage massif, l'inégalité sociale, la situation précaire de la jeunesse, la montée du trafic de drogue. Tout cela est probablement à la base de la déstabilisation et les événements d'Andijan en sont la conséquence. Il va sans dire que même si les autorités arrivent à étouffer l'insurrection dans la ville, le problème demeurera. L'explosion de mécontentement à Andijan et dans d'autres régions peut se répéter. C'est pourquoi le pouvoir doit concentrer son attention sur le règlement des problèmes sociaux et sur les réformes économiques.

Troisièmement, les événements d'Andijan ne doivent pas être détachés de la vague de révolutions de velours qui a commencé d'abord en Kirghizie. La menace de révolutions oblige les autorités de cette région à adopter une attitude particulièrement vigilante et cruelle envers les moindres manifestations de mécontentement, même s'il ne s'agit ni de révolutionnaires, ni d'islamistes.

"La révolution en Kirghizie a créé un précédent en montrant avec quelle facilité il était possible de régler les problèmes en recourant à la force", a dit Dina Malycheva. Les autorités de l'Ouzbékistan n'ont d'autre choix que de faire preuve de fermeté et d'étouffer l'insurrection dans l'œuf. Mais ce n'est pas une panacée.

"Au pire, les flammes des événements peuvent embraser d'autres Etats de la région et nous assisterons à une deuxième guerre civile au Tadjikistan", a fait remarquer Dina Malycheva.

L'expert a mis l'accent sur un autre point crucial. "A en croire les informations qui parviennent d'Ouzbékistan, les insurgés demandent au président russe d'intervenir et de jouer le rôle de médiateur. On ne sait pas qui sont ces gens et quels sont leurs objectifs. Quoi qu'il en soit, les événements en Ouzbékistan offrent une chance aux structures régionales comme l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) de faire leurs preuves non pas en paroles, mais dans les actes", a souligné l'expert.

Ces organisations ont été fondées, entre autres, en vue d'assurer la sécurité en Asie centrale, a-t-elle rappelé. L'Ouzbékistan est membre de l'OCS. En ce qui concerne l'OTSC, il s'est retiré de cette organisation en 1999. Pour plusieurs raisons, selon Dina Malycheva, l'Ouzbékistan a refusé de participer à l'OTSC, car personne ne lui a apporté d'aide substantielle dans sa lutte contre la menace islamique à laquelle il s'est heurté plus tôt que les autres Etats.

Le Traité de sécurité collective (TSC) a été signé le 15 mai 1992. Ses signataires sont l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, la Kirghizie, la Russie et le Tadjikistan.

L'OSC est une organisation internationale qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, la Kirghizie, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. La Déclaration sur la fondation de l'OCS a été signée le 15 juin 2001 à Shanghai.

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