A Munich, Poutine sème le désarroi (Vedomosti)

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"Qu'est-ce que c'était que ça?" Telle était à peu près la réaction des responsables politiques occidentaux face à la diatribe munichoise de Vladimir Poutine.

"Qu'est-ce que c'était que ça?" Telle était à peu près la réaction des responsables politiques occidentaux face à la diatribe munichoise de Vladimir Poutine.

Certains tentent de tourner ses propos en plaisanterie (le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, évoquait "la droiture commune aux ex-espions"), d'autres s'empressent pour la énième fois d'annoncer le début d'une nouvelle guerre froide, d'autres encore se disent mécontents d'un discours non constructif, à leurs yeux, du président russe.

Le pressentiment d'une guerre froide est l'un des grands thèmes évoqués ces dernières semaines par les médias occidentaux: l'OTAN s'élargit vers l'est, les Etats-Unis envisagent de déployer leur bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque, la Russie augmente quant à elle son budget militaire et promet des réponses asymétriques. La semaine dernière, Robert Gates avait déclaré que les Etats-Unis devaient "résister aux menaces auxquelles ils sont confrontés en raison des ambitions nucléaires de l'Iran et de la Corée du Nord et en raison des positions floues de pays tels que la Russie ou la Chine qui ne cessent d'augmenter leurs arsenaux". Ce à quoi Vladimir Poutine a répondu en réaffirmant son hostilité à un monde unipolaire avant de proclamer le droit de la Russie à avoir une politique extérieure indépendante.

Une vision du monde en noir et blanc inhérente à la guerre froide semble fortement ancrée dans bien des esprits à l'Ouest comme à l'Est, en particulier dans les milieux militaires. Et toute aggravation des relations entre Russes et Occidentaux est interprétée, le plus simplement du monde, comme le début d'une nouvelle guerre froide. Toutefois, cette logique contredit même la doctrine militaire américaine, récemment renouvelée, stipulant que la principale menace n'émane pas d'un pays précis, mais réside dans le flou général (une thèse semblable est d'ailleurs à la base de la doctrine militaire russe).

La Russie n'a simplement pas les moyens de se permettre une nouvelle course aux armements, et le Kremlin le comprend parfaitement, malgré toute l'euphorie suscitée par les prix élevés des hydrocarbures. Mais il comprend tout aussi bien que la politique d'hégémonie mondiale appliquée par les Etats-Unis a objectivement échoué, que ni l'Amérique ni l'Europe, leaders mondiaux traditionnels, ne savent comment endiguer les conflits régionaux en cours, et que Moscou aurait tort de ne pas le mettre à profit. Le profit s'annonce avant tout économique: ces derniers temps, la Russie a conclu des marchés avantageux avec l'Algérie et l'Inde, elle tente de soutenir l'Iran en y défendant ses intérêts énergétiques, et elle livre des armes au Proche-Orient.

Cependant, la Russie n'arrive pas à insérer ses initiatives dans un cadre politique neutre, et elle ne peut qu'envier les pays tels que la Chine, l'Inde et même le Kazakhstan qui ont réalisé une gigantesque percée au cours des quinze dernières années, y compris grâce à leur politique étrangère non conflictuelle. La Russie se développe elle aussi, mais sa politique étrangère est en avance sur ses succès économiques. La conjoncture favorable sur le marché des matières premières est sans incidence sur les réformes structurelles. Notre complexe d'infériorité dû à l'éclatement de l'URSS nous pousse à proclamer la renaissance avant qu'elle ne vienne réellement. En effet, Vladimir Poutine semble vouloir entrer dans l'histoire pour avoir redonné à la Russie la place qui était celle de l'URSS dans le monde. Un objectif certes noble, mais qui ne saurait être qu'intermédiaire.

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