Un coup de pouce de 3,8 milliards d'euros sur la période 2015-2019, sur lequel a insisté Bernard Cazeneuve devant les militaires français de l'opération Barkhane, lors de sa visite mercredi 28 décembre dernier au Tchad. Des rallonges qui peuvent cependant apparaître bien maigres lorsqu'on observe les grands projets de rénovation nécessaires à la grande muette.
Une révision indispensable, qui immobilisera pour 18 mois le navire amiral de la flotte française actuellement en opération en Méditerranée orientale. Si les avions du bâtiment peuvent être redéployés depuis les bases au sol, plus proches encore des théâtres d'opérations irakiens et syriens, le retrait du navire du dispositif de la lutte contre « Daech » représente tout un symbole. Une révision qui coûtera également la bagatelle de 1,3 milliard d'euros soit 60 % du coût de construction du navire.
Est-ce que l'augmentation du budget de la défense à 2 % du PIB contre 1,77 % actuellement — soit 4,6 milliards d'euros supplémentaires — comme sollicité par le Général Pierre de Villiers, permettraient de faire face à ces dépenses supplémentaires, alors même que jamais le taux de disponibilité du matériel en OPEX n'aura été aussi bas ? Des programmes de rénovation, de remplacement de matériels surexploités, toujours repoussés, « une constante des gouvernements depuis quelques années » souligne le général (2 s) Dominique Trinquand:
« Il s'agit très rapidement de faire un effort dans ce domaine-là, puisque non seulement les matériels sont usagés, mais ils sont extrêmement utilisés : un Véhicule de l'Avant Blindée, qui est fait pour durer en kilométrage quasiment un mois en métropole, dure moins d'une semaine lorsqu'il est en opération, donc il y a une accélération considérable de l'usure du matériel. Il faut réagir rapidement. »
Une usure qui affecte l'ensemble des équipements :
« Je parle aussi des équipements conventionnels : les ravitailleurs, les hélicoptères, les véhicules blindés… Nos véhicules blindés ont 40 ans actuellement en opérations, donc c'est l'accélération des crédits budgétaires sur les forces conventionnelles qui doit être une priorité pour le prochain président. »
Mais pour autant, il n'est pas question pour lui de trancher dans le dispositif de dissuasion nucléaire du pays :
« Les retombées en recherche-développement de la dissuasion sont absolument colossales, donc il n'y a pas de discussion là-dessus ! […] On ne discute pas l'effort à faire sur la dissuasion, le problème est celui de l'échéancier pour privilégier d'abord l'équipement conventionnel ! »
Un outil militaire surexploité, avec un budget minimaliste. La France offrant un paradoxe : celui d'être un États dont le budget de la Défense n'est pas le premier poste de dépense — un fait rare dans le concert des nations — devancé en l'occurrence par celui de l'Éducation nationale… et depuis quelque temps par celui des intérêts de la dette, alors même que la France demeure après les États-Unis le pays le plus militairement actif en dehors de ses frontières et qui plus est membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU.« On agite souvent le volume de 2 % du PIB qui devrait être consacré à la Défense, c'est un chiffre qui est trompeur, la réalité c'est qu'aujourd'hui en France, 3 % de toute la dépense publique est consacrée à la Défense, c'est-à-dire trois fois rien ! »
s'insurge Jean Claude Alard.
Ne risque-t-on pas, à terme, de nous retrouver dans la situation rencontrée par le Royaume-Uni, qui pour reconstituer son outil militaire usé, avait dû tirer un trait sur ses OPEX pendant plusieurs années ? Une comparaison que juge « peu réaliste » le général Trinquand, qui souligne que l'armée britannique s'est épuisée en Afghanistan et en Irak, dans le cadre de « coalitions dirigées par d'autres », ce qui selon lui n'est pas le cadre des opérations menées par la France.
« Nous n'en sommes pas là aujourd'hui, il y a un problème qu'il faut revoir rapidement qui est celui de l'État d'urgence qui épuise les soldats. »
Au-delà de l'aspect purement matériel, Jean-Claude Allard semble en désaccord sur les recrutements annoncés. En matière de soutien aux forces armées, le bilan de François Hollande ne semble pour lui pas si différent de celui de Nicolas Sarkozy :« Sur le plan militaire, ce qu'on observe, c'est qu'après un quinquennat Sarkozy, qui avait assez sérieusement réduit les effectifs et les budgets des armées, le quinquennat de François Hollande a continué à réduire les effectifs. On a annoncé une petite stabilisation, mais on est en attente et en 2019 cela devrait reprendre. »
Pour autant, comme le soulignait Jacques Sapir dans une tribune récente, le problème est peut-être tout simplement mal posé : au lieu de penser en termes de budget, il faudrait d'abord redéfinir les objectifs de la Défense et ensuite seulement mettre les moyens correspondants. Une approche qui permet déjà de se demander si la politique budgétaire française actuelle est en adéquation avec ses ambitions.
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