«Emmanuel Macron a réussi son « grand oral » africain», annonçaient le 29 novembre nos confrères du Monde, traduisant le sentiment général dans la presse et la classe politique après la prestation du Président à Ouagadougou. Il y a dix ans, Libération titrait «Le jour où Sarkozy stupéfia l'Afrique», synthétisant le rejet qu'avait suscité le discours de Dakar du Président d'alors.
Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy «ont eu le mérite de parler de façon courageuse», avance le maire de Béziers et ils «ont dit et de ce qu'aucun parti n'a jamais osé dire [aux Africains].»
Tout au plus déplore-t-il qu'ils «auraient pu dire la même chose sans contentement de soi» et regrette-t-il leurs «positions paternalistes». Après un discours policé, c'est pendant le jeu de questions-réponses avec les étudiants de l'université de Ouagadougou que certains ont décelé une certaine condescendance de la part d'Emmanuel Macron. Sa boutade à propos du président burkinabé, parti «réparer la clim'», a notamment frappé les commentateurs.
Il y a dix ans, Nicolas Sarkozy s'était de son côté tristement illustré à Dakar en déclarant que «l'âge d'or de l'Afrique […] n'a jamais existé». Ambitionnant de redéfinir les relations entre Paris et le continent africain, il s'était attiré les foudres de l'opposition et des associations de lutte contre le racisme à cause de sa célèbre phrase «l'Homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire».
Rama Yade avait pour à part lancé un lapidaire «l'Homme africain est le premier à être entré dans l'Histoire» à son Président. Ségolène Royal, candidate malheureuse de la présidentielle de 2007 face à Nicolas Sarkozy avait quant à elle déclaré que ses propos «n'engageaient ni la France, ni les Français».
Au regard de la levée de boucliers qu'avait suscité Sarkozy, Macron peut que se féliciter de l'accueil réservé à ses propos. Ainsi, M. de Villepin, qui se montrait «critique vis-à-vis de la politique menée en Afrique» et n'avait pas hésité à faire part de son «désaccord» avec Nicolas Sarkozy, est bien plus positif vis-à-vis d'Emmanuel Macron. S'il admet volontiers que certaines formules ont pu être mal interprétées, il estime qu'il s'agissait d'expressions «informelles» et que «l'atmosphère chaleureuse ainsi que l'exercice l'exigeaient».
Mais pour Robert Ménard, la différence de perception de ces deux discours serait plus due au changement de mentalités dans la société française.
«Les idées font leur chemin. Il y a dix ans, il y avait une chape de plomb dans les médias à propos de l'islamisation, de l'immigration, de la décolonisation. Les intérêts économiques en Afrique, ainsi que la mauvaise conscience [de certains] empêchaient d'avoir un discours de vérité».