Génocide au Rwanda, quand la présidence française rechigne à ouvrir ses archives

© AP Photo / Sayyid Azimcharnier à Nyamata, Rwanda
charnier à Nyamata, Rwanda - Sputnik Afrique
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L’avocat Patrice Spinosi va déposer ce jeudi un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour s’opposer au refus de déverrouiller une partie des archives présidentielles françaises concernant la période du génocide des Tutsis au Rwanda... un pas vers plus de transparence?

«Si l'on n'ouvre pas les archives, ça entretien les soupçons», soupire François Graner, directeur de recherche au CNRS, après s'être vu refuser l'accès à des documents déclassifiés sur le génocide rwandais.

«Je vais à la Cour européenne des droits de l'homme, car j'ai épuisé tous les recours en France […] Je vais rencontrer des magistrats européens et pas des politiciens français. Donc, il y a beaucoup de chances qu'ils prennent en compte le droit lui-même», explique le chercheur.

Dans la ligne de mire du chercheur, Dominique Bertinotti et Hubert Védrine, gardiens de «l'orthodoxie mitterrandienne» qui, à ses yeux, tentent de «préserver leurs thèses sur le rôle de la France au moment du génocide des Tutsis au Rwanda».

«Nous contestons le système des archives présidentielles telles qu'il est organisé par le droit français. Ces archives sont publiques, car elles concernent l'activité d'une personne publique», explique Maître Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

«Il existe un droit d'accès à l'information à l'archive publique, fondamental en démocratie. Le système français est contraire à ce droit, garanti par la Cour européenne des droits de l'homme».

Un débat «d'intérêt national» selon le chercheur, et qui avait pourtant fait l'objet d'une promesse de François Hollande. En avril 2015, la présidence française avait annoncé la déclassification de ses archives sur le Rwanda pour la période 1990 à 1995, lorsque M. Mitterrand était à l'Élysée, un geste fort à l'occasion du 21e anniversaire du déclenchement du génocide rwandais, le 7 avril 1994.

François Graner ne tarde pas à demander à consulter ces archives, censées être entièrement consultables pour les chercheurs. Mais le déverrouillage se heurte au refus de Mme Bertinotti, sans recours possible et sans motivation. C'est «extrêmement rare, car dans 99% des cas elle suit l'avis des Archives [Nationales]» qui, elles, avaient soutenu la demande du chercheur.

«Juridiquement, la Constitution était dans mon sens, mais ils ont préféré motiver un refus, prétextant qui fallait protéger le secret des gouvernants », tranche finalement le Conseil constitutionnel, saisi par François Graner, explique ce dernier.

Si la CEDH donne raison au plaignant, il faudrait revoir l'accès à « l'archive de la présidence de la République ou des Premiers ministres ». D'autant plus que « les documents sollicités ne sont en aucun cas couverts par un quelconque secret. Ils ne sont pas classés secret-défense, il n'y pas d'opposition à leur communication de la part du gouvernement ». Si la CEDH accepte le recours, le verdict sera rendu d'ici trois ans.

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