Algérie: des «sub-fatwas» fustigent grèves et immigration clandestine

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De récentes qualifications d’«illicéité» de l’immigration clandestine comme de différentes grèves ont provoqué une polémique en Algérie. Le Haut Conseil islamique a dû revoir sa copie en précisant que la portée «juridique» des déclarations ne constituait pas une fatwa.

Fatwa? Pas fatwa? La nuance passe mal chez beaucoup d'Algériens. Ceux-ci ont bien retenu, en tout cas, l'hostilité de la première institution religieuse du pays, le Haut Conseil islamique (HCI), à l'immigration clandestine et aux grèves qui secouent les secteurs de l'Enseignement et de la Santé depuis plusieurs semaines.

​«On a dit qu'on va faire la grève juste pour deux jours, après quoi, on revient au travail. Est-ce que le salaire qu'ils (les grévistes, ndlr) ont reçu et qui correspond à ces deux jours sans travail est licite ou pas?», s'est récemment interrogé Bouabdallah Ghoulamallah, président du HCI algérien, dans une conférence de presse.

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L'instance religieuse a également considéré, par ailleurs, au cours de la même conférence de presse, que l'immigration clandestine n'était «pas licite» en ce qu'elle contrevenait avec une disposition coranique interdisant «de se mettre, par ses propres mains, en danger de mort». Un verset sur lequel se basaient, fréquemment, des théologiens musulmans pour décréter l'interdiction les opérations kamikazes.

«Les jurisconsultes se sont mis d'accord sur le fait que si la mer pouvait présenter un danger de mort, il n'est pas licite d'embarquer », a déclaré Kamel Bouzidi, le président de la commission des fatwa, au sein du HCI.

Seulement, il ne s'agit nullement d'une «fatwa», s'est plus récemment rattrapé Ghoulamallah, devant l'ampleur de la polémique déclenchée.

«On n'a jamais dit que c'était péché (qualification «juridique» avec valeur d'interdiction universelle, ndlr) que ce soit à propos de l'immigration clandestine ou des grèves!», se défend Ghoulamallah, en expliquant que les déclarations controversées n'avaient pas la même portée juridique que celle des fatwas.

Jusqu'à cette «marche arrière», les médias et réseaux sociaux ont fusé de critiques à l'endroit du HCI.

«Ghoulamallah: L'immigration (clandestine, ndlr) est péché.
Politiser l'islam, et islamiser la politique?!!»

«Ghoulamallah décrète péché les protestations et les grèves. Une nouvelle fatwa qui s'ajoute à la liste […] alors que le pillage du pays et des gens est licite…même qu'on l'approuve»

Revenant sur l'avis défavorable émis par le HCI au sujet de la «Harga» (le fait de brûler ses papiers, terme utilisé au Maghreb pour l'immigration clandestine), un caricaturiste algérien se fend même d'un jeu de mot d'enfer…

​En Algérie, comme en Tunisie où une «fatwa» en bonne et due forme avait été émise vers la même période, les autorités font feu de tout bois pour lutter contre l'immigration clandestine. Y compris en «appelant à la rescousse la religion», note le magazine Maghreb Emergent.

https://twitter.com/maghrebemergent/status/958040232888360960

Sur ce dossier, d'ailleurs, ils subissent des pressions de la part de leurs partenaires européens pour arrêter ces flux, d'après des déclarations diplomatiques concordantes.

«Le Mufti de la République (tunisienne, ndlr) déclare illicite l'immigration clandestine»

Même si la portée de l'édiction de cette norme juridique est nettement moins prégnante dans les pays du Maghreb que dans d'autres pays musulmans,

«La fatwa demeure un exercice absurde dans la mesure où le texte coranique la régit de la façon la plus limpide puisqu'il dit au Prophète: «On te demande d'éditer une fatwa, dis, que c'est à Dieu que cela revient», a jugé de son côté Youssef Seddik, anthropologue tunisien approché par Sputnik.

Une institution «tardive», au demeurant, instituée par le Calife Abasside Al Mansour, au VIIIe siècle, «aux fins de légitimer son pouvoir terrestre», rajoute à propos de la fatwa l'auteur de «Nous n'avons jamais lu le Coran».

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Aujourd'hui, en Algérie comme en Tunisie, il s'agit moins d'une «légitimation du pouvoir terrestre», que d'un outil de la «communication institutionnelle», en sensibilisant un segment de la population sur les dangers de la «Harga». Une démarche stérile, juge une bonne partie de l'opinion publique, puisqu'elle occulte l'insuffisance des efforts déployés pour agir sur les ressorts profonds de l'immigration clandestine.

Sur les deux premières semaines de 2018, 2583 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la mer. Vers la même date de l'année 2017, ils étaient 3156 à aborder les côtes européennes, d'après l'organisme des Nations Unies chargés des migrations (OIM)

«199 décès dans la Méditerranée (ont été enregistrés jusqu'au 17 janvier de) cette année, faisant de 2018 la seconde année la plus meurtrière dans la région», précise l'OIM.

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