Vaccins anti-Covid: la monnaie d'échange diplomatique d'Israël

© Sputnik . Sergey Guneev / Accéder à la base multimédia7 juin 2016. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu participe à une conférence de presse conjointe avec le président russe Vladimir Poutine au Kremlin.
7 juin 2016. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu participe à une conférence de presse conjointe avec le président russe Vladimir Poutine au Kremlin. - Sputnik Afrique, 1920, 24.02.2021
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Bien qu’il n’ait pas produit le vaccin lui-même, Israël est le pays au monde ayant le plus vacciné sa population. Désormais, l’État hébreu détient un excédent de doses que le gouvernement de Benyamin Netanyahou compte mettre à profit diplomatiquement, quitte à faire l’objet de critiques, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Analyse.

Champion du monde toutes catégories de la piqûre avec près de 50% de sa population désormais vaccinée, Israël détient désormais plus de doses qu’il ne lui en faut. Si bien que l’État hébreu, qui ne produit pas ses propres vaccins, a trouvé un moyen de donner une seconde vie particulièrement astucieuse à cet excédent de sérum: l’utiliser comme un formidable outil diplomatique.

Ainsi, près de 100.000 doses au total seront-elles données à d’autres pays, dans un plan élaboré par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, a relaté le radiodiffuseur public Kan.

Vaccins, instrument de Soft Power

La liste des pays bénéficiaires doit encore être finalisée, mais le rapport indique qu’elle en comprendra quinze, dont l’Italie et le Tchad, ainsi que d’autres États africains –non spécifiés– qui ont renouvelé leurs liens diplomatiques avec Israël. La République tchèque, le Guatemala, le Honduras et la Hongrie –qui ont ouvert des missions diplomatiques à Jérusalem ou se sont engagés à le faire– devraient également recevoir des vaccins.

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L’État hébreu s’en est également servi pour négocier avec Damas, par l’intermédiaire de Moscou, la libération d’une Israélienne faite prisonnière alors qu’elle se promenait du côté syrien de la frontière. Pour ce faire, Tel-Aviv aurait financé la livraison de doses de vaccin russe Spoutnik V à Damas.

Une stratégie de diplomatie vaccinale qui ne surprend guère le géopolitologue Frédéric Encel:

«La diplomatie du Covid-19 –et du vaccin de surcroît–, à peu près tous les pays en jouent avec les instruments à leur disposition. Les Israéliens en jouent également, en attestent les négociations avec Moscou pour la libération par la Syrie d’une jeune Israélienne. Le vaccin est un objet politique et diplomatique comme il y en a beaucoup d’autres», explique le chercheur au micro de Sputnik.  

Comment Tel-Aviv choisit-il les bénéficiaires de ses libéralités? «Ce sont des pays qui ont déjà des relations plutôt favorables avec Israël. Ce que fait Israël en leur offrant son surplus de vaccin, c’est une manière de remercier ces États ou de les encourager à aller encore plus loin», répond l’auteur de l’Atlas géopolitique d’Israël (Éd. Autrement).

​Symbole de cet échange de bons procédés diplomatiques, la Guinée. Ce pays d’Afrique de l’Ouest, qui devrait figurer sur la liste des pays qui recevront une partie des 100.000 vaccins, a annoncé ce vendredi 19 février le déménagement de son ambassade israélienne à Jérusalem.

Une diplomatie vaccinale opaque?

Cette stratégie d’utilisation des vaccins par Benyamin Netanyahou a pourtant fait l’objet de nombreuses critiques aussi bien en Israël qu’à l’étranger.

En effet, plusieurs personnalités politiques de premier plan ont pointé du doigt une gestion mauvaise et opaque de ces surplus de vaccins par Tel-Aviv. Benny Gantz, ministre de la Défense, a par exemple déploré sur son compte Twitter l’utilisation politique des vaccins opérée par Netanyahou:

​Benny Gantz: Le fait que Netanyahou échange les vaccins de citoyens israéliens qui ont été payés sans compte sur leurs impôts montre qu’il pense qu’il dirige un royaume et non un État. Une telle démarche nécessite une discussion et une approbation. Seul un besoin urgent de sécurité, politique ou médical peut justifier une telle démarche et Netanyahou doit la présenter au public ou au moins l’approuver dans les forums concernés.

Des mises en cause à mettre de surcroît dans la perspective des élections législatives qui vont se tenir en Israël le 23 mars.

Sur la scène internationale également, le gouvernement de Netanyahou a fait l’objet d’une vague de critiques. Jérusalem est accusé de faire un usage diplomatique de vaccins qui pourraient servir à la population palestinienne, totalement tributaire d’Israël et de l’extérieur pour assurer son approvisionnement en vaccins.

L’Autorité palestinienne a reçu 20.000 vaccins russes Spoutnik V

Des accusations que réfute Israël: il rappelle d’abord qu’il a fourni 5.000 doses de ses vaccins à l’Autorité palestinienne pour protéger son personnel soignant et prévoit de vacciner 100.000 Palestiniens travaillant régulièrement en Israël. Ensuite, Jérusalem renvoie ses critiques au droit international et aux accords d’Oslo, en vertu desquels la santé demeure de la responsabilité de l’Autorité palestinienne. De fait, cette dernière «reçoit des subventions pour cela», rappelle Frédéric Encel.

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Une prérogative à laquelle l’Autorité palestinienne ne déroge pas. Le ministère palestinien de la Santé, qui opère depuis la Cisjordanie, a déclaré avoir conclu en janvier des accords avec quatre sociétés qui fourniront suffisamment de vaccins pour 70% de sa population.

Ce processus commence à prendre forme: 20.000 vaccins russes Spoutnik V ont été livrés cette semaine à Gaza depuis les Émirats arabes unis. La lenteur a incité les autorités palestiniennes à accuser Israël de retarder ces livraisons.

​«Israël ne remplit pas ses obligations envers les Palestiniens en tant que puissance occupante», expliquait ce 22 février le ministre palestinien des Affaires étrangères. «Les autorités israéliennes ne permettent pas aux Palestiniens de bénéficier du vaccin contre le Covid-19, notamment en raison du blocus de la bande de Gaza

«Cela en dit long sur un régime qu’il soit prêt à envoyer des vaccins à l’autre bout du monde, potentiellement pour une contrepartie, et à ne pas offrir le vaccin aux millions de Palestiniens qui vivent sous l’occupation israélienne», a déclaré Salem Barahmeh, directeur général de l’Institut palestinien de diplomatie publique, un groupe de pression basé à Ramallah.

Dans la zone C de Cisjordanie, sous contrôle exclusivement israélien, et donc sous responsabilité sanitaire israélienne, «la plupart» des 180.000 Palestiniens qui y vivent n’ont pas encore été vaccinés à ce jour, note la géopolitologue Alexandra Allio De Corato sur son compte Twitter.

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