L'AVENIR DU REGIME DE NON-PROLIFERATION

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MOSCOU, 22 septembre (par Marianna Belenkaia, RIA-Novosti).

La deuxième Conférence sur la non-prolifération s'est tenue à Moscou les 19 et 20 septembre. Environ 300 experts éminents en matière de non-prolifération et de contrôle des armements représentant 36 pays ont participé à cette conférence organisée conjointement par deux organisations non gouvernementales: le Centre Carnegie de Moscou et le Centre d'études politiques.

Dans son discours d'inauguration, le directeur du Centre Carnegie de Moscou Andrew Kachins a déclaré: "Ces derniers temps, le régime de non-prolifération est de plus en plus souvent critiqué. Les rencontres à l'instar de cette conférence sont un terrain idéal où les représentants de la communauté internationale peuvent échanger leurs idées et essayer de trouver de nouvelles solutions aux problèmes communs".

Les participants à la conférence ont examiné des problèmes comme la menace du terrorisme avec emploi des armes nucléaires, chimiques et biologiques, la course aux armements et la coopération spatiale. Les questions relatives à l'avenir du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ont été mises en relief au cours de la discussion.

La nouvelle Conférence-tour d'horizon aura lieu en 2005 pour examiner les effets du TNP. L'avenir de ce traité est de plus en plus remis en doute. Cela est dû, en premier lieu, au retrait de la Corée du Nord de ce dernier, ainsi qu'au refus obstiné de l'Iran de signer les accords additionnels au traité qui permettent de rendre le mécanisme de suivi plus efficace.

Trois pays détenteurs d'armes nucléaires qui n'ont pas signé le TNP inquiètent particulièrement la communauté mondiale: l'Inde, le Pakistan et Israël. Il est à remarquer que ces pays ne peuvent rejoindre le TNP qu'après avoir renoncé à leur arsenal nucléaire. Comme l'a expliqué à la Conférence de Moscou Mohammad Shaker, président du Conseil égyptien de politique extérieure, le TNP ne mentionne que 5 Etats nucléaires: les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine. Il est impossible de changer cette clause du Traité, car d'autres Etats pourraient poser la question légitime suivante: puisque le Traité a été modifié en raison de la position de l'Inde, du Pakistan et d'Israël, pourquoi ne pourrait-il pas être corrigé une nouvelle fois? Or, l'Inde et le Pakistan n'ont pas l'intention de renoncer aujourd'hui à leur potentiel nucléaire. Quant à Israël, il ne se considère pas comme un Etat nucléaire.

Les participants à la Conférence de Moscou ont fait remarquer que la création de zones dénucléarisées régionales aussi bien en Asie du Sud qu'au Proche-Orient, sur la base des traités régionaux, serait une issue à la situation qui s'est créée. Mais, pour cela, il est nécessaire d'examiner la situation dans telle ou telle région, sans considérer la non-prolifération comme un noeud de problèmes à part.

Dr Mohammad Shaker a rappelé que le projet de création de zones dénucléarisées au Proche-Orient existait depuis longtemps, mais que sa mise en oeuvre nécessitait que l'Iran et Israël le rejoignent. Malheureusement, a-t-il ajouté, "tant que la paix est absente au Proche-Orient, il est difficile de se représenter que tous les pays arabes soient assis à une même table avec l'Iran et Israël".

Néanmoins, la Conférence de Moscou a montré que les représentants de l'Iran, de l'Egypte et d'Israël peuvent se réunir autour d'une même table. Il est vrai, il ne s'agit pas d'un consensus entre eux.

Ainsi, au cours de la séance plénière sur les problèmes relatifs aux armes de destruction massive au Proche-Orient, Ali Soltani, Directeur général adjoint du ministère des Affaires étrangères d'Iran pour les affaires internationales, a assuré que son pays élaborait son programme nucléaire uniquement à des fins pacifiques sans être tenté de dénoncer le TNP. Il a accusé Israël d'accroître son potentiel nucléaire, ce qui conduit au déséquilibre des forces dans la région.

Yair Evron, professeur à l'Université de Tel-Aviv, a fait remarquer, pour sa part, que les hommes politiques israéliens ne s'étaient jamais servis du facteur nucléaire comme d'un instrument de pression politique. Même dans les périodes les plus dramatiques de l'histoire comme la guerre d'octobre 1973, les chefs militaires du pays n'ont même pas fait allusion au fait qu'Israël possédait des armes nucléaires pour changer le rapport des forces dans la région. D'ailleurs, selon le professeur, les Etats-Unis ne permettront jamais à Israël d'employer les technologies nucléaires d'une manière irresponsable ou même d'y faire allusion.

Dr Yair Evron a ajouté: qu'Israël détienne des armes nucléaires, ou qu'il n'en ait pas, cela n'influe nullement sur la déstabilisation dans la région et n'a aucune importance pour la dynamique du conflit arabo-israélien.

A son avis, à la différence d'Israël, l'Iran tend à accroître son arsenal nucléaire, et il n'est pas exclu qu'il l'utilise comme instrument de pression politique. Si l'Iran devient détenteur d'armes nucléaires, estime le professeur israélien, d'autres pays arabes, notamment l'Arabie Saoudite, voudront également se doter d'armes nucléaires, ce qui conduira à la course aux armements dans la région.

Le professeur Fawzi Hussein Hammad, président de la Commission égyptienne pour l'énergie atomique, a également évoqué l'inadmissibilité de la course aux armements. La communauté mondiale "comprend l'inquiétude d'Israël pour sa sécurité, mais ce sont, pour beaucoup, les actions d'Israël qui incitent l'Iran et, dans le passé l'Irak, à détenir des armes de destruction massive, a-t-il fait remarquer.

Dr Fawzi Hussein Hammad a invité les pays proche-orientaux à rompre le cercle vicieux des conflits armés qui ruinent l'économie de la région et contribuent à l'extension du terrorisme.

Dans son rapport, celui-ci a exposé en détail les principes de la création d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Proche-Orient. Il a rappelé que l'Egypte et l'Iran avaient émis, à l'Assemblée générale de l'ONU de 1974, l'idée de créer cette zone et que le traité sur la création d'une zone exempte de ces armes en Afrique du Nord avait été signé en 1996. Le professeur a invité à redemarrer le Groupe de contrôle des armements et de sécurité régionale créé dans le cadre du processus de Madrid de règlement proche-oriental. Mais, de même que ses collègues, il a reconnu l'impossibilité d'y parvenir tant que la paix n'est pas garantie dans la région.

Autrement dit, la communauté internationale n'arrive pas encore à rompre le cercle vicieux où les Etats aspirent à détenir des armes de destruction massive pour assurer leur sécurité, mais, en même temps, la paix et la sécurité dans telle ou telle région ne peuvent être assurées tant que tous les Etats ne renonceront pas à ces armes. Cela concerne le Proche-Orient, la péninsule de Corée et l'Asie du Sud. Cependant, les participants à la Conférence de Moscou sont unanimes à estimer que, si le TNP n'avait pas été signé, le nombre de détenteurs d'armes nucléaires aurait été bien plus important. Ainsi, les efforts de la communauté internationale ne sont pas vains.

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