APEC 2003 : la Russie locomotive de la croissance?

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par Dmitri KOSSYREV, RIA-Novosti

Au 11e forum de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, qui se tiendra à Bangkok du 17 au 23 octobre, les délégués russes, et en premier lieu le président Vladimir Poutine, devraient se sentir beaucoup plus à l'aise qu'au cours des rencontres précédentes. Lorsque la Russie a été admise à l'APEC, en 1998, elle était en proie à une grave crise économique et politique. D'autre part, l'APEC est une organisation complexe et alourdie par une multitude de programmes fonctionnant parallèlement à longueur d'années, rebutant facilement tout membre nouveau. Rien d'étonnant donc à l'embarras de nombreux Russes néophytes.

Aujourd'hui, l'économie russe bat des records de croissance : 5,2% en 1994, 6% environ en 2003 et, selon les prévisions du ministère russe du Développement économique, encore 6% en 2005 et autant en 2006. Les estimations du Fonds monétaire international sont même plus optimistes. Désormais, la Russie suscite un intérêt accru de la part des investisseurs, y compris en Asie-Pacifique, où elle pourrait même jouer le rôle de locomotive de la croissance.

Existant depuis à peine six ans en 1998, le secteur privé s'est développé depuis. Et il se préoccupe désormais de sa propre stratégie internationale pour l'avenir, donnant à l'Etat russe le moyen d'aider ses milieux d'affaires non plus à tâtons mais en toute connaissance de cause. L'APEC est en fait un mécanisme appelé à assurer l'intégration des projets des milieux d'affaires dans les stratégies d'Etat, afin de mettre en place une communauté économique unique en Asie-Pacifique. Pas forcément identique à l'Union européenne mais très semblable.

Il ne faut pas oublier que les forums de l'APEC permettent de nombreuses assemblées parallèles. C'est d'abord le Sommet d'affaires, conférence et club en même temps pour les chefs de plusieurs centaines de grandes sociétés de la région. Ce sommet offre également sa tribune aux leaders de la plupart des 21 pays membres, des Etats-Unis au Brunei. Vladimir Poutine présentera au Sommet d'affaires un discours sur les principales menaces à la sécurité du développement durable.

C'est ensuite le Forum sur l'investissement, exposition de projets d'avenir pour l'économie régionale. Cette année, la Russie y sera largement représentée. C'est aussi le Conseil d'affaires (trois personnes par pays) qui se réunit pour formuler les recommandations de la communauté économique à l'intention des leaders des pays membres. C'est la Session ministérielle où les ministres de l'Economie et des Affaires étrangères élaborent les résolutions finales du forum pour les leaders des pays membres. Et enfin, c'est le Sommet des leaders qui réunira les présidents de la Russie et des Etats-Unis, des premiers ministres du Japon et de l'Australie, des chefs des autres Etats.

La devise du présent forum, "le monde de la diversité, partenariat pour l'avenir", évoque les différences parmi les 21 pays membres de l'APEC, où se trouvent des géants comme les Etats-Unis ou la Chine, des nains comme Hong Kong ou Singapour, des pays industrialisés et des pays en besoin d'aide. Le principal attrait de l'APEC consiste en la possibilité d'intégrer tous ces différents pays et territoires dans un système régional unique. Pour la Russie, ce mot d'ordre et cette approche, typique pour l'APEC, sont très attrayants.

Par exemple, seuls deux pays membres de l'APEC - la Russie et le Vietnam - ne sont pas membres de l'Organisation mondiale du commerce. Autant dire que, compte tenu de la demande d'adhésion de la Russie à l'OMC, l'APEC devrait lui être très utile. Premièrement, la Russie attend d'obtenir à nouveau, en Thaïlande comme il y a un an à Los Cabos, le soutien des membres de l'APEC à son admission à l'OMC. L'année dernière, ce soutien a été formulé sous la forme d'une déclaration des chefs d'Etat, principal document du sommet. Cette fois encore, Moscou (et Hanoï aussi, évidemment) comptent sur le même appui.

Deuxièmement, l'APEC est, dans une certaine mesure, capable de jouer le rôle d'une OMC "locale", "modèle réduit", rôle qu'elle joue déjà depuis plus d'un an. L'OMC vise à égaliser les règles commerciales pour tout le monde. Ce "pour-tout-le-monde" complique le déroulement de chaque nouveau round des négociations. Or l'APEC a la même vocation, mais à l'échelle régionale, elle établit des règles de commerce pour tous les pays de la région.

Et de façon générale, l'APEC est l'unique forum où la Russie puisse participer avec d'autres pays à l'élaboration de règles commerciales, économiques et financières communes. Ce qu'elle ne peut faire ni dans l'Union européenne, ni dans l'OMC où elle traîne encore dans l'antichambre, alors qu'elle est membre à part entière de l'APEC.

Dans son intervention au Sommet d'affaires de 1999, lorsqu'il était premier ministre, Vladimir Poutine a exposé les priorités de la Russie en Asie-Pacifique dans les domaines suivants: corridors de transport allant d'Asie en Europe via la Russie, livraisons de matières énergétiques russes aux pays d'Asie, projets de haute technologie, notamment dans l'aérospatiale. Aujourd'hui, ces priorités restent de rigueur et beaucoup d'autres sont venues s'y ajouter.

Par exemple les métaux non-ferreux. Entre la rencontre de Los Cabos (l'année dernière au Mexique) et celle de Bangkok, la proposition de lancer un dialogue sur les métaux non-ferreux dans le cadre de l'APEC a reçu un soutien énergique du gouvernement russe. La Russie se prononce contre les différents cartels qui imposent leurs prix et contre l'apparition d'associations de pays producteurs de métaux non ferreux. L'APEC réunit des producteurs et consommateurs importants de tels métaux. Ceux-ci ont besoin d'apprendre à examiner toutes les questions controversées, à créer des conditions nécessaires à la coopération et au fonctionnement du marché, à échanger leur expérience et leur information. L'APEC joue ce rôle depuis des années, et l'initiative russe répond entièrement à l'esprit, au style et aux objectifs de cette organisation.

Il s'avère d'ailleurs que la Russie est en mesure de proposer ses propres technologies et ressources pour la réalisation des programmes de lutte contre le terrorisme de l'APEC (accent sur le contrôle des flux financiers et sur la sécurité de la navigation commerciale et du transport de containers). Moscou participe plus largement à la régulation financière de la région. La pneumonie atypique (SRAS) a été, elle aussi, interprétée comme un défi économique. L'APEC a rapidement adopté des méthodes régionales uniques de contrôle des flux de passagers et a mis en place un système d'échange d'information en temps réel. Et, à nouveau, la Russie a été parmi les initiateurs et les financiers les plus actifs de ces programmes.

Mais l'essentiel concerne l'intégration graduelle des milieux d'affaires russes dans le club des plus grandes entreprises du Pacifique, où chacun connaît tout le monde et où tous travaillent les uns avec les autres. Selon des évaluations rendues publiques à la veille du forum, une trentaine d'hommes d'affaires russes seront présents au sommet de Bangkok. Ce n'est pas peu. D'une façon générale, le club d'affaires russe auprès de l'APEC regroupe plus de 80 sociétés, qui se réunissent d'habitude au siège du ministère des Affaires étrangères. La majorité des plus grosses banques russes en font partie. Elles tournent toutes leur regard vers l'Est, disposées à s'installer dans la région en vue d'une coopération durable. - MOSCOU, 15 octobre

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