L'industrie aéronautique russe fait peau neuve

S'abonner
Le 28 octobre, les dirigeants de l'industrie aéronautique russe ont tenu une table ronde consacrée à la création du Holding aéronautique unifié. Le directeur du Département du complexe militaro-industriel du ministère de l'Industrie et de l'Energie, Youri Koptiev, a déclaré que dans les deux ou trois ans à venir l'industrie aéronautique russe subirait des transformations révolutionnaires.

Le 28 octobre, les dirigeants de l'industrie aéronautique russe ont tenu une table ronde consacrée à la création du Holding aéronautique unifié. Le directeur du Département du complexe militaro-industriel du ministère de l'Industrie et de l'Energie, Youri Koptiev, a déclaré que dans les deux ou trois ans à venir l'industrie aéronautique russe subirait des transformations révolutionnaires.

Le nombre d'entreprises "productrices", c'est-à-dire celles qui sortent les produits aéronautiques, sera réduit de moitié, passant de 16 à 8. La nomenclature des aéronefs elle aussi sera revue à la baisse. Cependant, on sait déjà que de la vingtaine d'avions et d'hélicoptères civils et militaires qui existent actuellement dans des versions diverses il n'en restera plus que moins de dix.

Tous ces projets figurent dans la Conception du Holding aéronautique unifié, publiée sur le site du ministère de l'Industrie et de l'Energie. Le document vise à consolider les actifs de l'industrie aéronautique et à concentrer les efforts de l'Etat sur une gestion opérante de la branche.

Cette dernière est nécessaire pour assurer la sécurité militaire du pays et le bon fonctionnement de l'infrastructure du transport aérien. Elle est considérée comme un des éléments essentiels de l'intégralité de la Russie, comme un garant de sa compétitivité sur le marché mondial et du passage à une croissance économique ne reposant pas sur les matières premières.

Un regard attentif sur l'industrie aéronautique russe révèle plusieurs problèmes. Si en Union soviétique ce secteur employait un million et demi de personnes, en Russie ces effectifs ont été ramenés à 520.000. La branche représente 45 pour cent de la production fournie par le complexe militaro-industriel, une production évaluée à 6-6,5 milliards de dollars. Par ailleurs, les 400.000 personnes travaillant dans l'industrie aéronautique del'Europe sortent une production d'une valeur de 60 milliards d'euros. Boeing américain emploie 180.000 spécialistes qui créent une production d'une valeur de 32 milliards de dollars. Pour que l'industrie aéronautique russe puisse les concurrencer, il faut accroître sensiblement la productivité du travail et multiplier au moins par 2,5 le volume de la production.

Il est évident aussi que l'industrie aéronautique russe a besoin d'un important appui financier du gouvernement, à l'exemple de Boeing aux Etats-Unis, d'Airbus en Europe, de Bombardier au Canada et d'Embrair au Brésil. Dans ces pays c'est l'Etat, le plus important actionnaire de toutes ces sociétés universellement connues, qui supporte jusqu'à 33 pour cent des dépenses concernant l'étude et la fabrication des produits finis.

Au demeurant, au lieu des 1.500-1.700 milliards de dollars nécessaires, le budget public pour 2005 n'accorde que 100 millions de dollars d'aide à l'industrie aéronautique, auxquels il faut ajouter les 200 millions de dollars qu'il alloue pour l'achat et le leasing d'avions commerciaux étrangers d'occasion en service depuis 10-12 ans. Quant à l'industrie aéronautique russe, elle ne sort annuellement que neuf jets alors que pour renouveler le parc aérien il faudrait fabriquer au bas mot 120 appareils. Et cela, sans compter les besoins des pays de la CEI qui pour le moment achètent essentiellement des avions russes.

Les choses ne peuvent plus continuer ainsi, estiment les dirigeants de la branche, autrement la Russie perdrait son industrie aéronautique comme l'Allemagne et le Japon ont perdu la leur après la Seconde Guerre mondiale. Seulement nous la perdrons non pas à cause de défaites militaires, mais uniquement en raison d'un gaspillage et d'une incurie incompréhensibles.

"Si la Conception du Holding aéronautique unifié proposée par la direction de l'industrie aéronautique est réalisée, alors en 2012, sans augmenter la production d'avions de combat, la Russie pourrait produire de 120 à 150 avions commerciaux par an et couvrir 10% du marché mondial de l'aviation civile, ce qui lui permettrait de sortir du piqué actuel et de devenir le numéro trois de l'aviation mondiale.

Comment la Corporation aéronautique unifiée (OAK) se présentera-t-elle? Premièrement, ce sera une société anonyme de type ouvert à capital public, privé et même étranger, a annoncé Youri Koptiev. Toutefois, le gouvernement russe conservera le contrôle de 70 pour cent des actions. Feront partie de l'OAK l'aviation militaire (ici l'Etat détiendra la totalité des actions et toutes les marques illustres seront conservées - "Sukhoï", "MiG", "Tupolev", "Yak"), l'aviation civile et l'aviation de transport (l'Etat y possédera le bloc de contrôle). Dans les deux dernières il ne restera plus que quatre projets (Tu-204, Tu-214, Tu-334 et Il-96 plus le moyen courrier MS-21 et l'avion régional RRJ). Enfin, il y a encore l'aviation légère (elle pourrait être entièrement privée) et la production d'hélicoptères. Ici on verra probablement prendre corps deux sociétés autonomes, à savoir "Mil" et "Kamov". En ce qui concerne "Mil", un arrêté gouvernemental est prêt, celui de "Kamov" est en cours d'élaboration.

D'autre part, il n'est pas exclu que certains partenaires que la Russie compte dans les pays de la CEI (Communauté des Etats indépendants) puissent intégrer la Corporation aéronautique unifiée. Il s'agit surtout de l'entreprise aéronautique de Tachkent, qui sort l'avion-cargo Il-76MF, ainsi que plusieurs unités de production ukrainiennes imbriquées dans l'industrie aéronautique russe. Par contre, les firmes produisant des moteurs, de l'avionique, des armes et d'autres accessoires d'aviation ne feront pas partie de l'OAK. Ni d'ailleurs les entreprises spécialisées dans la fabrication de matériaux et de produits chimiques spéciaux qui resteront autonomes bien que soumises à une certaine intégration et consolidation internes.

On sait déjà que la Russie ne possédera plus que trois centres de production de moteurs d'avion. L'un d'eux sera constitué autour du groupement science-production "Satourn", où l'on travaille actuellement sur un moteur pour un chasseur de cinquième génération. Il aura pour partenaire l'usine "Permskie motory" qui, en collaboration avec la société française "Snecma", met au point un moteur pour les avions régionaux "Sukhoï". Le deuxième regroupera les motoristes travaillant pour le compte de la Corporation aéronautique russe "MiG". Il s'agit de l'usine Klimov, de l'usine Tchernychov et de plusieurs autres entreprises. Le troisième centre sera constitué autour du groupement science-production "Saliout". Il n'est pas exclu que des fabricants d'accessoires fassent partie du holding de motoristes, mais cette question est encore à l'étude.

Une chose est certaine, c'est que les munitions d'aviation ne seront fournies que par une seule firme, à savoir la corporation "Taktitcheskoie raketnoie vooroujenie" ("Armement balistique tactique"), qui a accueilli tous les concepteurs et fabricants de missiles et de bombes d'aviation ainsi que d'autres armes de haute précision des types "air-air" et "air-surface". Quant à l'avionique, elle sera fournie par deux corporations: "Tekhnokompleks" de la ville de Ramenski et "Aviakosmitcheskoie oboroudovanie" ("Equipement aérospatial").

Selon Youri Koptiev, la réunion et l'optimisation de la corporation se feront avec soin et par étapes, compte tenu de facteurs très importants. Notamment du fait que de nombreuses entreprises aéronautiques forment des noyaux urbains et que leur fermeture totale et leur recyclage sont physiquement impossibles. Cependant, il reste la possibilité de les spécialiser dans la fabrication de certains éléments composant l'avion: voilure, empennage, etc. Dans le même temps, il faut faire face à une grave pénurie de spécialistes qualifiés, jeunes surtout, qui ont pendant longtemps déserté le secteur aéronautique en raison de salaires peu motivants et de l'absence de protection sociale. Il y a aussi des problèmes en ce qui concerne la conception de nouveaux matériaux, la chimie spéciale (ces derniers temps plus de 200 technologies ont été perdues dans ce domaine) et d'autres axes du savoir-faire.

Pour le ministère de l'Industrie et de l'Energie, la renaissance de l'industrie aéronautique nationale est un objectif prioritaire pour le renforcement de la capacité défensive de la Russie, le développement des hautes technologies et le retour de notre pays parmi les Etats les plus industrialisés du monde. Si l'on ne parvient pas à atteindre ce but, la Russie pourrait très rapidement être distancée à jamais par le progrès économique et technique mondial.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала