L'après-Arafat: le chaos ou la stabilisation?

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MOSCOU, 5 novembre (Par Marianna Belenkaïa, commentatrice politique de RIA Novosti). La Palestine, c'est Arafat. Il en a été ainsi pendant quarante ans et il en sera peut-être ainsi pendant très longtemps encore. La grave maladie du leader palestinien, Yasser Arafat, a suscité un débat sur la question de savoir comment la situation allait évoluer dans l'Autorité palestinienne et ce qui attendait cette dernière, le chaos ou la stabilisation, si les choses allaient avancer dans le règlement palestino-israélien? La situation est ambiguë, beaucoup trop de facteurs ont un impact sur elle. Naturellement, tous les experts du Proche-Orient sont unanimes à dire que les Palestiniens ne disposent pas d'une figure comparable à Yasser Arafat.

Le fait que Yasser Arafat soit un grand homme politique est admis tant par ses compagnons de lutte que par ses ennemis. Le président du Congrès juif de Russie et président de l'Institut d'étude d'Israël et du Proche-Orient, Evguéni Satanovski, un homme que l'on ne saurait suspecter de sympathie à l'égard de Yasser Arafat, avait un jour déclaré à RIA Novosti que "le raïs est un homme exceptionnel étonnant, une grande personnalité arabe, un remarquable leader du peuple palestinien, un homme qui a façonné celui-ci et créé la Palestine". A cela il convient d'ajouter qu'il a été le premier politique palestinien à reconnaître officiellement le droit d'Israël à l'existence. Ces dernières années, les experts internationaux et la communauté politique s'étaient scindés en deux camps. Les uns estimaient que Yasser Arafat constituait le principal obstacle pour la paix dans la région tandis que les autres voyaient en lui le seul Palestinien à même de l'instaurer. Les uns et les autres ont raison.

Au mois de décembre 2003, un diplomate russe avait déclaré à l'auteur de ces lignes que tant que Yasser Arafat et le premier ministre israélien, Ariel Sharon, seront au pouvoir il est peu probable que les pourparlers palestino-israéliens puissent progresser. Au demeurant, à la différence d'Israël et des Etats-Unis, la Russie ne pouvait pas ne pas reconnaître la légitimité de Yasser Arafat, son rôle déterminant dans le règlement du conflit palestino-israélien. Moscou est conscient que le facteur Arafat, l'influence exercée par celui-ci sur les simples Palestiniens vont jouer un rôle décisif en Palestine non seulement tant que le raïs restera en vie, mais longtemps encore après sa disparition.

On ne peut qu'être d'accord avec les propos du leader du mouvement israélien pour la paix, Uri Avnery, selon lesquels Arafat est la seule personne possédant l'autorité morale requise pour signer un accord de paix avec Israël et, ce qui importe le plus, contraindre ses compatriotes à accepter cette paix. Seulement on demandera alors pourquoi il ne l'a pas fait ces derniers temps. Cependant, aucun autre politique palestinien ne possède suffisamment de légitimité et de soutien populaire pour parvenir à de quelconques ententes avec Israël (la chose est possible) et aussi à les mettre en oeuvre. Il faudra du temps pour trouver parmi les Palestiniens des dirigeants de l'envergure de Yasser Arafat. Mais quels seront-ils? La docteure en histoire Irina Zviaguelskaïa appréhende qu'un nouvel "Arafat" ne se résigne jamais à signer un quelconque traité de paix. D'ailleurs, le règlement de paix est un processus multipartite et ici beaucoup de choses ne dépendent pas des seuls Palestiniens.

En tout cas au cours de la période à venir les Palestiniens penseront à autre chose qu'aux négociations de paix. En parler avant qu'un pouvoir légitime et solide ne soit mis en place dans l'Autorité n'aurait aucun sens. Le raïs n'a pas de successeur politique, mais il laisse derrière lui quelque chose de plus important, à savoir l'Administration nationale palestinienne. L'existence même de cette structure permet d'espérer qu'il n'y aura pas de chaos, quoique certains désordres soient possibles. En tout cas, les principales forces politiques palestiniennes ont déclaré qu'elles souhaitaient un maintien de la stabilité sur le territoire de l'Autorité.

Si l'on en croit le site aljazeera.net, des représentants du mouvement islamique HAMAS ont déclaré qu'ils n'entendaient pas saper les positions du FATH, le parti de Yasser Arafat, dans la société palestinienne. Ce qui s'explique du fait que le HAMAS, comme les autres forces politiques, n'ont à ce jour pas de leader autour duquel la majorité des Palestiniens pourrait se regrouper, et que pour cette raison il leur faut du temps. Au demeurant, le FATH, qui n'est pas du tout une organisation monolithe et dont les dirigeants ont des points de vue pas toujours identiques, pourrait sans Arafat voir son prestige décroître sans intervention extérieure.

Selon une étude réalisée à la fin du mois de juin dernier par l'organisation palestinienne Jerusalem media and communication center, le FATH bénéficierait de la confiance de 26,4 pour cent des Palestiniens et le HAMAS de 21,7 pour cent. C'est là un écart peu important, surtout compte tenu que la cote de popularité du FATH est à peu de choses près celle d'Arafat. 23,6 pour cent de la population lui faisaient confiance. Après le raïs, la personnalité la plus estimée est l'ancien chef du FATH en Cisjordanie, Marwan Barghouti (6,3 pour cent). Toutefois il purge actuellement une peine dans une prison israélienne. L'ancien premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas (Abou Mazen), que l'on voit remplacer Yasser Arafat, n'a recueilli que 1 pour cent de votes favorables. Un autre compagnon de lutte d'Arafat, Saïb Arikat, a fait légèrement mieux avec 1,3 pour cent. Quant à Ahmed Qurei, l'actuel premier ministre, il ne figure pas dans le sondage. Lui et les autres leaders du FATH ont probablement obtenu moins de 1 pour cent des voix. La cote de popularité des représentants du HAMAS est très basse elle aussi, se situant aux alentours de 1-3 pour cent. En l'absence de leader unique, une direction collective, au moins tant que des élections n'auront pas eu lieu dans l'Autorité, semblerait la meilleure solution pour les Palestiniens. C'est vrai qu'ici les obstacles ne manqueraient pas. Les principaux acteurs sauront-ils freiner leurs ambitions dans la lutte pour le pouvoir et ne pas s'entredéchirer quand il s'agira d'accéder aux finances de l'Autorité? Et puis il sera très malaisé de concerter des positions aussi diverses que les voies de développement séculière et islamique et de parvenir à un compromis avec les Israéliens, surtout quand Israël, les Etats-Unis et les pays arabes s'immiscent en permanence dans les affaires intérieures. Pour ce qui est de la Russie, elle se bornera comme toujours à la recherche d'un compromis entre les parties. L'Union européenne elle aussi adoptera une position analogue.

Pour le moment, le maintien de la stabilité est profitable à tous. Mais la situation reste explosive. Les Palestiniens et les Israéliens devront encore faire face à des situations de crise du pouvoir et à de nouveaux désordres et rechercher de nouveaux compromis. C'est ce qui a été déterminé par Yasser Arafat et son vis-à-vis israélien.

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