Elections présidentielles en Ukraine: Viktor Youchtchenko vient en tête au premier tour

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MOSCOU, 11 novembre - RIA Novosti. (Commentateur de RIA-Novosti, Arseni Oganessian). Après une pause plus qu'éloquente de dix jours, la Commission électorale centrale (CEC) de l'Ukraine a enfin rendu publics les résultats officiels du premier tour de la présidentielle dans le pays. Ainsi, le candidat de l'opposition - Viktor Youchtchenko - a recueilli 39,87% des voix (11 125 395 votes exprimés), alors que l'actuel Premier ministre de l'Ukraine - Viktor Yanoukovitch - n'en a reçu que 39,32% (10 969 579).

Cette âpre concurrence n'a évidemment pas manqué de provoquer une nouvelle vague de passions autour de l'Ukraine.

Les rivalités géopolitiques globales entre les deux pôles de l'époque de la "guerre froide" s'y sont pratiquement rétrécies aujourd'hui jusqu'au cadre d'une simple concurrence régionale. Nul n'ignore, effectivement, que c'est le sort même de l'espace post-soviétique qui est en jeu à présent, espace qui est, selon les maintes déclarations de la direction russe, une sphère d'intérêts vitaux pour la Russie.

Somme toute, la coopération de la Fédération de Russie avec ses partenaires au sein de la Communauté des Etats indépendants (CEI), et plus précisément avec l'Ukraine, est certes fonction des raisons, tant politiques qu'économiques et ce, qu'il s'agisse d'étroites relations d'alliés dans le cadre de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) ou de la coproduction industrielle. Qui plus est, le projet de formation de l'Espace économique unique (EEU) sans la participation de l'Ukraine n'a pratiquement pas de raison d'être. A signaler que l'Occident met très énergiquement en garde Kiev contre une telle participation. On comprend bien, par conséquent, que la Russie ne peut tout simplement pas rester un observateur impartial face à l'actuelle présidentielle en Ukraine.

Moscou a effectivement misé sur Viktor Yanoukovitch. Quoi qu'il en soit, la direction russe a fait preuve de perspicacité tout à fait évidente, en se déclarant notamment prête à accepter n'importe quel choix du peuple ukrainien.

Pour ce qui est de l'Occident, il n'y est pas resté, lui non plus, indifférent, en misant ouvertement dans ce grand jeu sur le candidat de l'opposition - Viktor Youchtchenko. Tout en épaulant énergiquement et sans réserve ce dernier, l'Occident ne cesse pourtant de soumettre la Russie à une critique extrêmement virulente pour ce même comportement. Comme l'a fait remarquer le président du Comité pour la Communauté des Etats indépendants (CEI) et les liens avec les compatriotes de la Douma d'Etat (Chambre basse du Parlement russe), Andreï Kokochine, "l'ampleur de l'ingérence occidentale dans les processus en cours en Ukraine et tout particulièrement en tout ce qui concerne les relations russo-ukrainiennes est bel et bien surprenante".

D'après Andreï Kokochine, les fonds dépensés par l'Occident pour conditionner l'opinion ukrainienne sont parfaitement incomparables aux efforts que la Russie est en train de déployer dans ce même sens. Si l'on prend, par exemple, ces déplacements de spécialistes russes en technologies politiques et d'hommes politiques russes en Ukraine depuis ces six derniers mois, on ne manquera pas de constater qu'ils sont substantiellement en retard d'après leur envergure sur les efforts déployés par l'Occident, qu'il s'agisse des Etats-Unis ou de certains pays d'Europe de l'Ouest, quand des émissaires occidentaux viennent tout simplement en Ukraine pour apprendre aux Ukrainiens à vivre, a noté le président du Comité pour la CEI et les liens avec les compatriotes de la Chambre basse du Parlement russe.

John Laflend du Conseil de tutelle du Groupe d'Helsinki pour les droits de l'homme se montre encore plus critique sur ce point. Il dit notamment que la presse anglophone fait le commerce des contes sur une prétendue lutte entre le démocrate courageux et persécuté, Viktor Youchtchenko, d'une part, et l'actuel Premier ministre ukrainien, autoritaire et nostalgique de tout ce qui est soviétique, Viktor Yanoukovitch, de l'autre. Dans le même temps, on passe spécialement sous silence tous les faits qui se trouvent en contradiction flagrante avec ces contes parfaitement didactiques à dormir debout, note le membre du Conseil de tutelle du Groupe d'Helsinki pour les droits de l'homme.

Or, la Russie ne nie pas du tout son aspiration à l'intégration la plus étroite possible avec l'Ukraine, que ce soit sur le plan politique, militaire ou économique. Par ailleurs, la réussite du projet d'intégration russo-ukrainien ne manquerait certes pas d'accroître notablement le poids économique et géopolitique des deux Etats.

D'autre par, l'Occident perçoit, lui aussi, dans l'Ukraine un très important partenaire géopolitique. George Soros a, par exemple, déclaré que, sans l'Ukraine, il est tout simplement impossible de mettre sur place un système de sécurité valable en Europe. C'est que l'entrée de l'Ukraine dans le système de sécurité euro-atlantique va créer une sorte de tampon entre la Russie et l'Occident et ce, sur toute l'étendue de la Baltique à la mer Noire, tout en assurant un débouché direct sur la région du Caucase. En outre, une valeur militaro-stratégique tout à fait particulière revient incontestablement à la presqu'île de Crimée qui reste l'une des plus importantes têtes de pont navales depuis l'époque de la guerre de Crimée de 1853-1856.

"Il serait un anachronisme inexplicable si l'espace de la Communauté des Etats indépendants se transformait, un jour, en zone des rivalités et de la lutte pour des "sphères d'influence"", écrivait, le printemps dernier, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Néanmoins, on pourrait sans doute y remplacer aujourd'hui le conditionnel par l'indicatif.

Ainsi, tout porte à croire que le 21 novembre prochain, jour du scrutin au second tour de la présidentielle en Ukraine, le peuple ukrainien ne votera certes pas pour les candidats à la présidence, en tant que tels. Non. Les Ukrainiens vont voter pour deux projets fondamentalement différents de développement futur du pays. Et toute tentative d'attiser le mécontentement général au sein de la société ukrainienne ne pourrait que faire exploser la situation et créer un nouveau foyer d'instabilité en plein centre de l'Europe. Ni l'Occident ni l'Est n'y tiennent manifestement et ce, en dépit de toute la signification des actuelles élections présidentielles en Ukraine.

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