Le partenariat Russie-UE, existe-t-il?

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MOSCOU, 12 novembre - RIA Novosti (par Nina Koulikova, commentatrice économique de RIA-Novosti). Le sommet Russie - Union européenne reporté a suscité une large discussion sur les raisons de son ajournement. L'état des rapports de partenariat entre la Russie et l'UE a été analysé au cours de cette discussion. Certains estiment que toute une série d'objectifs posés n'ont pas été atteints et que le partenariat stratégique entre les deux parties n'existe probablement qu'en tant que perspective favorable.

De nombreux problèmes sont en suspens entre la Russie et l'UE . Bruxelles manifeste traditionnellement son inquiétude sur la façon dont sont respectées les libertés civiques en Russie. Moscou est inquiet du problème du transit des cargaisons dans la région de Kaliningrad, de la situation de la population russophone dans les pays baltes et de la détérioration, à la suite de l'élargissement de l'UE, de l'ensemble du régime des visas avec les pays d'Europe centrale et de l'Est. L'activité respective développée par les deux parties dans l'espace de la CEI (Communauté des Etats Indépendants) ne leur convient pas non plus.

La déclaration conjointe faite par la Russie et l'UE au printemps dernier à Luxembourg souligne la nécessité de conclure un accord avec l'Union européenne sur le transit douanier qui pourrait régler, entre autres, le problème du transit des cargaisons dans la région de Kaliningrad. Cependant, les pourparlers à ce sujet n'ont pas lieu.

En ce qui concerne les droits de la population russophone des pays baltes, la Russie a maintes fois déclaré que la situation des non-citoyens russophones de deux Etats baltes - l'Estonie et la Lettonie - n'est pas conforme aux normes européennes. D'ailleurs, la notion du "non-citoyen" n'existe pas dans les documents juridiques de Schengen. L'Union européenne réplique en disant que la défense des droits de l'homme sera toujours à l'ordre du jour de l'UE, mais elle propose de régler ce problème concret au niveau bilatéral et ne prend aucun engagement à l'égard de la situation de la population russophone dans les pays baltes.

Quant aux procédures d'octroi des visas, trois accords ont été récemment conclus en vue de simplifier le régime des visas avec l'Allemagne, la France et l'Italie, dont le premier est déjà ratifié par les deux chambres du parlement russe. Ces accords prévoient la simplification des procédures d'octroi des visas à certaines catégories de citoyens, en réduisant les délais d'examen de la demande de visa et en allongeant la validité des visas. Les taxes consulaires sont partiellement annulées. Cependant, ce sont plutôt des succès enregistrés au niveau bilatéral, car l'attitude envers les accords susmentionnés n'est pas identique dans l'ensemble de l'Union européenne.

L'absence de l'accord sur la réadmission qui doit être signé avant la fin de l'année est une pierre d'achoppement. Son absence n'a rien d'étonnant, car la frontière entre la Russie et le Kazakhstan est toujours ouverte et représente, en fait, la frontière avec toute l'Asie centrale. De plus, l'infrastructure n'existe pas, en fait, en Russie pour réadmettre les immigrés illégaux.

Pour ce qui est de la conception de "quatre espaces communs" adoptée y a un an et demi à Saint-Pétersbourg, les mécanismes de sa mise en oeuvre n'existent pas encore. Le travail sur les "feuilles de route" se poursuit, mais il devait s'achever pour le sommet de novembre. Au cours de la mise au point des "cartes", l'Union européenne a émis l'avis qu'il y avait des lacunes dans trois d'entre elles (sauf la carte économique) et a proposé de reporter leur approbation au prochain sommet. Bref, une question se pose: l'Union européenne, y est-elle intéressée?

Les personnalités officielles expliquent l'absence de progrès réel dans les rapports entre la Russie et l'Union européenne par l'impossibilité d'adopter rapidement des décisions aussi importantes. Mais, bien que les rapports entre la Russie et l'UE se soient certainement améliorés depuis 2000, on a l'impression que la mise en oeuvre de certaines ententes est freinée et que les déclarations sur le partenariat stratégique entre les deux parties sont loin de la réalité.

L'Union européenne a toujours déclaré officiellement que la Russie était un partenaire stratégique qui développe avec l'Europe des rapports exceptionnels. Cependant, il a inclus la Russie dans le programme "Nouveau voisinage" ("New Neighbourhood") qui prévoit un plan unique de développement des rapports avec les Etats voisins de l'UE des 25. Cela a suscité le mécontentement de la Russie. Selon Serguei Iastrjembski, assistant du président russe, les relations entre la Russie et l'UE sont plus vastes que ce programme.

La situation est compliquée, car la Russie et l'UE ne comprennent pas nettement la logique des actions du partenaire et ses contradictions intérieures. La diversité des systèmes politiques et économiques des partenaires devient également de plus en plus évidente. Les normes de la démocratie et du marché qui s'instaurent en Russie ne sont pas approuvées en Occident. La Russie édifie un type particulier d'économie qui diffère de ce qui existe en Europe occidentale. Un équilibre dynamique entre l'Etat et le big business s'est établi en Russie, ce qui est le résultat du processus de privatisation et de la politique appliquée par les dirigeants actuels du pays.

La Russie est mécontente du fait que l'Union européenne exige qu'elle adopte les normes et les règles européennes, bien que la Russie n'ait pas l'intention d'adhérer à l'UE où elle n'est pas attendue et que ses principaux problèmes ne puissent être réglés dans le cadre de l'UE.

D'autre part, la Russie ne comprend probablement pas le mécanisme complexe d'adoption des décisions dans l'UE qui en fait un interlocuteur bien plus difficile que n'importe quel Etat pris séparément. Ces derniers temps, Moscou aspirait plus souvent à développer le dialogue bilatéral avec les pays membres de l'UE (l'Allemagne, la France, l'Italie) qu'avec Bruxelles. La Russie doit apprendre à travailler avec les structures supranationales de l'UE qui jouent un rôle très important dans le développement de l'intégration européenne.

La pause actuelle dans les rapports entre la Russie et l'UE peut s'expliquer également par le fait que l'Union européenne a déjà atteint une partie de ses objectifs. La Russie a signé le protocole sur l'extension de l'Accord de partenariat et de coopération aux 10 nouveaux membres de l'UE, les pourparlers sur l'adhésion de la Russie à l'OMC se sont achevés, la Russie a ratifié le protocole de Kyoto. De plus, l'élargissement qui a eu lieu en mai dernier est un défi sérieux pour l'UE qui est en train de régler actuellement ses problèmes intérieurs. Evidemment, l'intérêt de la communauté européenne à développer les rapports politiques et économiques avec la Russie a quelque peu diminué. Cela s'explique par l'absence de programmes de développement stratégique à long terme.

Quoi qu'il en soit, il est évident que la Russie et l'UE ont besoin l'une de l'autre. L'UE est le plus grand partenaire économique de la Russie, c'est pourquoi le renforcement des rapports avec l'UE est très important pour l'Etat russe. La Russie assure environ 75 % des besoins de l'UE en ressources énergétiques. La part des pays de l'Union européenne dans l'exportation russe de matières énergétiques, principal produit d'exportation de la Russie, est aujourd'hui d'environ 90 %. Cela étant, les parties doivent oeuvrer inlassablement en vue d'établir des rapports multiformes à long terme. Les deux parties doivent comprendre ce qui les unit effectivement et quelles sont les sphères de leur intégration. Et il serait mieux de se fixer des objectifs réalistes.

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