La privatisation de l'espace cosmique a déjà commencé

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MOSCOU, 18 novembre (par Andréi Kisliakov, commentateur politique de RIA Novosti).

L'année qui se termine inaugure, selon toute évidence, un nouveau chapitre dans le développement de la cosmonautique mondiale. De l'axe strictement public, l'exploration de l'espace a tendance à se déplacer vers celui de la libre entreprise. Ainsi, les vols "récréatifs" en orbite circumterrestre vont sans doute très bientôt devenir une réalité quotidienne. Et ce n'est pas l'Etat qui jouera le rôle de tour-opérateur, mais les compagnies privées. D'ailleurs, elles sont déjà prêtes à financer le développement de l'infrastructure au sol.

Pour la Russie, le financement privé de la cosmonautique nationale est un bien à la fois au plan général et au plan particulier.

Comme le montrent les sondages d'opinion, 83% des Russes soutiennent la cosmonautique et la considère comme un sujet de fierté. D'un autre côté, la carence chronique du financement de la branche par l'Etat durant les dernières années a entraîné, en dépit de l'accroissement considérable du budget de l'espace aujourd'hui, la suspension, voire le gel de nombreux programmes scientifiques.

Ce n'est donc pas un hasard si le directeur de Roskosmos, Anatoli Perminov, a évoqué, au début du mois de novembre, les perspectives de la cosmonautique privée en Russie lors de sa visite de travail au Groupement de recherche-production en mécanique appliquée de Jeleznogorsk situé à proximité de Krasnoïarsk, en Sibérie Orientale. Ce groupement est l'entreprise fer de lance de la Russie en matière de développement et de fabrication d'appareils spatiaux de recherche et de télécommunications.

Selon Anatoli Perminov, "il existe dans notre pays des gens qui sont disposés à investir dans la domestication de l'espace. Ce qui constitue un précédent dans l'histoire de la cosmonautique russe. Une compagnie sise dans l'Oural a déclaré son intention de placer plus de 10 millions de dollars dans le développement de ce "nouveau départ dans l'espace". Et Roskosmos est en train d'étudier ce projet".

Mais l'axe le plus prometteur pour les investissements privés est le tourisme de l'espace, et en particulier, les vols suborbitaux.

L'idée de faire de l'argent grâce aux vols orbitaux ne date pas d'aujourd'hui. La Russie avait proposé à l'époque d'utiliser le complexe orbital Mir dans des buts touristiques. Mais en fin de compte, on a décidé d'arrêter l'exploitation de la station. En ce qui concerne la possibilité de voyages à destination de la Station Spatiale Internationale (ISS), pour le moment deux expéditions seulement ont pu être organisées. En 2001 et en 2002. Le troisième touriste potentiel, le millionnaire américain Gregory Olsen, physicien de profession, a été trahi par sa santé à l'étape des entraînements au Centre de formation des cosmonautes de la banlieue de Moscou (Cité des étoiles).

Par ailleurs, les partenaires américains du programme de l'ISS sont dans l'ensemble opposés à l'idée d'organiser des voyages touristiques vers la station orbitale. Ils perçoivent les avantages lucratifs incontestables de ce type d'activité, mais à condition qu'elle se limite aux vols suborbitaux. Le 29 septembre, le vaisseau spatial SpaceShipOne, appartenant à la compagnie privée Scale Composites, effectuait son premier vol privé. Le second a eu lieu le 4 octobre.

La direction du programme spatial russe estime indispensable de développer parallèlement les deux axes du tourisme de l'espace: les vols suborbitaux durant quelques heures et les séjours d'une semaine à bord de l'ISS.

Si bien que la compagnie américaine Scale Composites a trouvé un sérieux concurrent en la personne de la société russe Suborbital Corporation. Cette compagnie est étroitement liée au bureau d'études Miasichtchev, et la compagnie américaine Space Adventures, qui, soit dit à propos, gère l'envoi des touristes vers l'ISS, se charge de la partie financement. Le vaisseau suborbital russe a été baptisé "Cosmopolis XXI", et il ressemble énormément, sur le plan conceptuel, à SpaceShipOne, à cette différence près qu'extérieurement l'engin russe est nettement moins exotique que son concurrent américain.

En 2002, le prototype a été présenté au salon de l'aéronautique de Joukovski. Le vaisseau est lancé à partir de l'avion porteur M-55 "Géophysique", développé par le bureau d'études Miasichtchev. L'appareil est capable d'emporter l'engin à une altitude de 17 000 mètres, et le vaisseau poursuit alors son vol grâce à ses propulseurs de fusée. La navette atterrit sur un aérodrome classique, en planant.

Cependant, Anatoli Perminov évalue avec réserve les perspectives du tourisme suborbital. Commentant l'opinion de certains experts russes qui pensent que les vols suborbitaux effectués par les Etats-Unis sont susceptibles de priver la Russie des recettes provenant des expéditions touristiques vers l'ISS, le directeur de Roskosmos a noté qu'on travaille actuellement beaucoup sur la publicité donnée au programme, alors qu'en réalité les candidats ne sont guère nombreux, et pas seulement pour des raisons financières. Il se trouve que, techniquement, les projets de vols n'ont pas été finalisés - pour cela il faut du temps". Selon Anatoli Perminov, une expédition pourtant plus complexe vers l'ISS présente moins de risques qu'un vol suborbital, tout en revenant bien plus cher.

De toute façon, le financement privé des programmes spatiaux s'inscrit organiquement dans la tendance du développement de l'économie de la Russie sur la base de la libre entreprise et de la réglementation opérée par l'Etat.

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