L'allié unique

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Par Alexei Makarkine, directeur général adjoint du Centre de technologies politiques, RIA Novosti.

La Russie et la Biélorussie traversent une période de rapprochement qui s'explique par une réalité objective: la Russie n'a pas d'autre allié en Europe.

Il n'y a pas longtemps, on pouvait parler de manœuvres entre la Biélorussie et l'Ukraine, "couper le robinet" en riposte à l'entêtement d'Alexandre Loukachenko et lui trouver (ne serait-ce qu'en théorie) des alternatives avant les nouvelles élections. A ce moment-là, l'importance de la Biélorussie pour la Russie était moindre: le partenaire principal, le plus prometteur dans cette région, était alors Kiev, et non pas Minsk.

A présent, la priorité inconditionnelle du pouvoir "orange" est l'intégration européenne totale, y compris dans sa composante militaire atlantique. Bien plus, la décision a été prise au cours de la visite de Viktor Iouchtchenko aux Etats-Unis d'étudier la possibilité d'associer l'Ukraine au système américain de défense antimissile. Bien qu'il s'agisse d'une déclaration plus politique que d'un projet réel, cette nouvelle ne pouvait guère susciter l'enthousiasme à Moscou, c'est le moins qu'on puisse dire.

L'extension de la coopération entre la Russie et la Biélorussie dans le domaine de la DCA annoncée au cours de la récente rencontre entre Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko était une réponse aux plans atlantiques de Kiev. Il s'agit de toute évidence de l'achèvement du processus de création du système unifié de DCA. A la différence du système de DCA de la CEI (Communauté des Etats Indépendants) qui existe depuis longtemps, la variante russo-biélorusse prévoit un commandement commun.

"La création du système unifié de DCA amorcera le passage de la coopération à la subordination directe", a déclaré l'année dernière le ministre biélorusse de la Défense Leonid Maltsev. Le système de DCA unifié sera dirigé à partir d'un poste de commandement unique. Le commandant sera désigné par le Conseil supérieur d'Etat de l'Union Russie-Biélorussie.

Les exercices réguliers de la DCA des deux pays ont lieu régulièrement alors que la formation du système de DCA unifié n'est pas achevée. Ainsi, en août dernier, les Biélorusses ont participé à des exercices sur le polygone d'Achoulouk, dans la région d'Astrakhan. De nouvelles manœuvres de grande envergure viennent d'avoir lieu. De plus la Russie fournira en 2005 à la Biélorussie plusieurs systèmes de DCA S-300. Selon Aïtetch Bijev, commandant en chef adjoint des forces aériennes russes, les systèmes S-300 envoyés en Biélorussie seront immédiatement opérationnels et auront pour mission de protéger l'espace aérien commun des deux pays.

Rappelons qu'il a été question, pour la première fois, du système de DCA unifié en 1996, lorsque les ministres de la Défense des deux pays ont signé le protocole sur l'élaboration des principes de sa création et de son fonctionnement. La décision sur la création du système unifié a été signée à la réunion commune des ministères de la Défense de Russie et de Biélorussie en octobre 1999. Les modalités d'utilisation commune de l'infrastructure militaire ont été définies. Mais ce processus n'a pas été finalisé.

On affirme que la raison principale résidait dans la différence entre les législations des deux pays, mais il est évident que depuis le temps, les amendements nécessaires auraient pu être apportés. Il s'agissait peut-être d'un excès de prudence de part de la Biélorussie qui ne voulait pas accélérer le rapprochement entre les deux Etats, craignant de perdre son indépendance dans la prise des décisions (il en est de même pour l'introduction de la monnaie unique avec Moscou pour centre d'émission, ce qui fait l'objet de discussions depuis plus d'un an).

A présent, la situation est différente. Bien que les autorités biélorusses soulignent sans cesse qu'une "révolution de couleur" est impossible dans leur pays, elles se rendent absolument compte que l'effet domino est bien réel. D'autant plus en prévision de l'élection présidentielle de l'année prochaine qui sera probablement exploitée par l'opposition en vue de lancer des actions massives en suivant l'exemple ukrainien. Les révolutions "de couleur" ont un trait distinctif commun: elles coïncident avec les élections.

Or, pour l'Occident, Alexandre Loukachenko est encore moins acceptable que Leonid Koutchma, c'est pourquoi il n'y a pas d'alternative raisonnable au rapprochement maximal avec la Russie, notamment dans le domaine militaire.

La politique intérieure rigide des autorités biélorusses et le référendum de l'année dernière qui a annulé la limitation du nombre des mandats présidentiels sont perçus tranquillement en Russie. Il n'est donc pas étonnant que le projet de création du système de DCA unifié soit apparemment sur le point d'aboutir.

En même temps, il est évident que le changement de pouvoir en Biélorussie sur le modèle ukrainien peut entraîner non seulement le renoncement au système de DCA unifié, mais aussi un changement fondamental d'orientation dans la politique extérieure biélorusse. La bannière sous laquelle les hommes nouveaux, de gauche ou de droite, arriveront au pouvoir, ne joue pas un rôle prépondérant. Rappelons que les communistes moldaves ont participé aux élections de 2001 sous des mots d'ordre pro-russes et s'alignent maintenant carrément sur l'Europe unie. D'où l'intérêt des autorités russes à maintenir le statu quo en Biélorussie, en s'inspirant des priorités aussi bien géopolitiques que militaro-stratégiques.

 

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