Comment guérir le "mal néerlandais" en Russie?

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MOSCOU, 28 juin (par Nina Koulikova, commentatrice économique de RIA Novosti).

Le Service fédéral des Statistiques d'Etat (Rosstat) a publié ces jours-ci les nouvelles données sur le développement actuel de l'économie en Russie. Apparemment, le développement économique de la Russie se ralentit: au cours des cinq premiers mois de 2005, la croissance économique a constitué 5,3 % (contre 7,3 % pour la même période de 2004). En principe, cela s'inscrit dans les pronostics du ministère du Développement économique pour 2005. Cependant, les données du Rosstat sur la réduction des taux de croissance industrielle qui ont baissé en mai de 6,4 % par rapport à avril ont été une surprise désagréable et ont ravivé les débats sur le "mal néerlandais" en Russie.

Pour la première fois, ce mal a été décrit en se fondant sur l'expérience des Pays-Bas, mais il a frappé de nombreux autres Etats. Il s'agit de la situation bien connue de tout économiste où, dans le contexte du développement rapide du secteur des matières premières qui reçoit des superbénéfices provenant de l'exportation, on observe la stagnation des secteurs de transformation, car toutes les ressources financières et autres vont dans les secteurs plus rentables.

Cette maladie est dangereuse, car, en raison de la quantité immense de pétrodollars dans l'économie, les devises étrangères commencent à se déprécier et les prix des produits importés baissent. La monnaie nationale monte et, en fin de compte, les producteurs nationaux perdent les avantages dans la concurrence.

Tous les indices du "mal néerlandais" sont aujourd'hui en présence en Russie. Le secteur des matières premières prédomine dans l'économie. Les matières premières et les produits semi-fabriqués, dont la plus-value est faible, prédominent dans les exportations. La plupart des secteurs de l'industrie de transformation fournissent les produits qui ne peuvent pas supporter la concurrence sur les marchés mondiaux. Le cours du rouble russe monte par rapport au dollar. D'après les données de la Banque centrale, le cours réel efficace du rouble s'est renforcé en 2004 de 4,9 %, pour l'essentiel, grâce à l'élévation des prix des matières énergétiques. Par conséquent, selon les données du Rosstat, la croissance industrielle en Russie a constitué 3,6 % entre janvier et mai 2005, contre 6,9 % pendant la même période de l'année dernière. La croissance s'est arrêtée aussi bien dans l'extraction que dans l'industrie de transformation.

Les problèmes se multiplient pour une autre raison: l'accroissement stable de la masse monétaire contribue à l'inflation que le gouvernement s'efforce de maintenir sous le contrôle en versant dans le Fonds de stabilisation les recettes "supplémentaires" du secteur des matières premières. Selon les estimations, à la fin de 2008, le Fonds de stabilisation russe doit dépasser 2 mille milliards de roubles.

Ces quelques dernières années, la Russie a essayé de neutraliser le "mal néerlandais" au moyen des injections monétaires massives destinées à endiguer le renforcement du rouble. Mais, selon les analystes de l'agence Standard & Poors, cette politique cesse aujourd'hui de se justifier. Ils estiment que la Russie pourrait, au contraire, profiter de la politique de renforcement du cours réel du rouble qui, en sapant la compétitivité des productions vieillies, stimulerait leur restructuration.

Cependant, la politique appliquée à l'égard des cours des monnaies n'a jamais été très efficace dans la lutte contre le "mal néerlandais". De l'avis d'Oleg Viouguine, directeur du Service fédéral des marchés financiers, le Fonds de stabilisation susmentionné peut être un moyen de lutte contre le "mal néerlandais" en Russie. "Le Fonds de stabilisation est le mécanisme qui doit assurer les conditions normales de la concurrence pour les actions des compagnies russes", a-t-il dit.

Cependant, selon Andrei Illarionov, conseiller économique du président russe, il ne faut pas dépenser l'argent du Fonds de stabilisation à l'intérieur du pays. Il estime que le moyen de guérir le "mal néerlandais" est de privatiser les secteurs pétrolier et gazier et de lever les restrictions pour le capital étranger dans le secteur énergétique.

Quoi qu'il en soit, il est évident que les possibilités de l'essor de l'économie russe grâce à la conjoncture économique extérieure se sont épuisées. De l'avis des autorités, l'accroissement de la demande intérieure et l'extension de l'activité dans le domaine des investissements doivent être les facteurs principaux de l'essor économique. En principe, les ressources nécessaires existent pour cela. Selon Mikhail Mochiachvili, président du conseil des directeurs du Groupe financier unifié, le Fonds de stabilisation et les excédents dont disposent les compagnies privées peuvent donner jusqu'à 500 milliards de dollars en tant que source d'investissements intérieurs. Cependant, le mécanisme d'investissement ne fonctionne pratiquement pas en Russie, car il n'y a pas d'instruments et de cadre législatif précis de l'investissement.

L'expérience mondiale permettant de sortir de cette situation prouve qu'il n'existe qu'un seul moyen de guérir le "mal néerlandais": diversifier l'économie. Les autorités s'en rendent compte et, selon le vice-premier ministre russe Alexandre Joukov, accordent actuellement une grande attention au développement des constructions mécaniques, y compris énergétiques, des télécommunications et d'autres productions.

Cependant, pour l'instant, les autorités se préoccupent trop des indices économiques cruciaux: le PIB et l'inflation. Cette attention accordée aux indices purement formels ne peut pas ne pas se répercuter sur la qualité de la croissance: jusque-là, la croissance était possible grâce au pétrole cher, alors que les mesures de diversification de l'économie laissaient à désirer. Sans prendre les mesures énergiques de diversification, la récession qui, espérons-le, n'a été qu'une pause temporaire au mois de mai, risque de se transformer en tendance et en stagnation.

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