Revue de la presse russe du 6 décembre

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MOSCOU, RIA Novosti

Nezavissimaïa gazeta

La Loi sur le contrôle des ONG reportée sous la pression inédite de l'Occident

La pression exercée sur la Russie en raison du projet d'amendements renforçant le contrôle public sur les organisations non gouvernementales et sans but lucratif ne supporte pas la comparaison avec ce que Moscou a subi à l'époque des poursuites judiciaires contre l'empire pétrolier de Khodorkovski.

Jeudi dernier, le sous-secrétaire d'Etat américain Burns a eu, au cours d'un entretien au siège du ministère russe des Affaires étrangères (dont le thème officiel était la lutte contre le terrorisme), une âpre discussion sur le contrôle par l'Etat des organisations non gouvernementales et non commerciales. Selon les sources diplomatiques, les interlocuteurs de Burns ont en fait reconnu que le projet de loi était peut-être encore plus confus que dans les dictatures latino-américaines les plus rétrogrades.

Le même jour on a appris que les positions de la Russie au sein du G8 étaient subitement devenues fragiles, au risque de mettre en cause son appartenance au club des pays les plus riches du monde.

Mais les événements de lundi ont été la goutte qui a fait déborder le vase. La menace de l'annulation du sommet des ministres des Finances du G8 a démontré avec évidence que la pression sur Moscou a atteint son point culminant. La Russie n'a pas connu de riposte aussi dure depuis 2000 et même depuis bien avant.

Cette pression sans précédent a produit son effet : Vladimir Poutine a annoncé en public la nécessité d'apporter des amendements sérieux au projet de loi.

Dans la plupart des cas la grande politique est synonyme de grosses sommes d'argent. La situation dans laquelle s'est retrouvé le projet de loi en "équivalent argent" vaut deux milliers de Youkos : l'activité de deux mille organisations en Russie sera menacée en cas d'adoption de la loi sur les ONG, par exemple de l'Agence américaine du développement international (qui a participé à des privatisations en Russie), aux fondations Carnegie, Ford, Volskwagen, Rockefeller, à l'Institut "Société Ouverte". Ces organisations prestigieuses et bien d'autres opèrent avec des capitaux fabuleux.

On comprend pourquoi même la réaction, significative jusqu'à ces derniers temps, de la communauté occidentale à l'affaire Youkos ne supporte aucune comparaison avec la situation actuelle. Tout compte fait, les poursuites judiciaires contre Youkos, au sens financier du mot, ne concernaient que certains des actionnaires du groupe pétrolier.

Kommersant

La première organisation altermondialiste officielle va voir le jour en Russie

A Moscou a été annoncée la création d'un mouvement social intitulé "Front anti-oligarchique de Russie" (FRAO) dont les organisateurs ont l'intention d'en faire la première organisation altermondialiste officielle dans le pays. Ils se veulent plus radicaux que leurs collègues européens : l'organisation se fixe pour objectif principal de combattre les multinationales et de les détruire complètement.

Le FRAO est créé sur la base de l'association de la gauche radicale "Front de gauche de Russie" (regroupe une trentaine de mouvements). Ses leaders, Boris Kagarlitski et Alexéi Nejivoï, affirment pouvoir mobiliser contre les multinationales en Russie dix mille personnes au minimum.

Les activistes russes auront pour conseillers des représentants des plus grandes organisations altermondialistes internationales : Globalize Resistance, Corported Watch et l'Alliance anti-multinationales du Nord-Ouest. Les dirigeants du FRAO ne nient pas qu'ils ont des divergences idéologiques avec leurs collègues occidentaux. "Nous avons des objectifs stratégiques différents", a déclaré l'attaché de presse du FRAO, Semen Javoronkov.

"Notre but n'est pas d'obliger ces sociétés à travailler en Russie de façon convenable mais de les punir. Et de les détruire si possible", a expliqué Alexéi Néjivoï.

La première cible des altermondialistes russes est déjà annoncée : la compagnie pétrolière TNK-BP et son partenaire Alfa-Group de Mikhaïl Fridman. "De la guerre contre une société nous passerons à la guerre contre toutes les multinationales en général", a promis Boris Kagarlitski.

Les experts restent sceptiques. "Les idées de l'altermondialisme peuvent être exploitées en Russie comme un supplément aux idées traditionnelles de la gauche". Mais ce n'est pas pour aujourd'hui. En attendant, elles intéressent les gens qui n'ont pas de poids politique", a déclaré le politologue Stanislav Belkovski. Le président du conseil d'administration de l'Institut des problèmes de la mondialisation, Mikhaïl Déliaguine, considère que le principal problème est l'"oligarchie de force" et non pas les multinationales. "S'attaquer aux multinationales c'est détourner les forces de la lutte principale", a déclaré l'expert. Le leader du Parti national-bolchevik, Edouard Limonov, affirme avec certitude que "les idées de l'altermondialisme ne passeront pas en Russie, le niveau de conscience du peuple est encore trop bas".

Vremia novosteï

Rodina n'est pas une opposition de poche - un expert

Les politologues russes ont commenté les résultats des élections à la Douma (assemblée municipale) de Moscou et leurs conséquences politiques éventuelles.

Stanislav Belkovski, directeur de l'Institut de stratégie nationale: Je ne partage pas du tout l'opinion selon laquelle ces élections auraient été en quelque sorte une primaire avant les législatives. Iedinaïa Rossia (Russie unie) a réussi un bon score uniquement grâce au maire Youri Loujkov, en tant que force politique elle n'existe pas à Moscou. En outre, Rodina (Patrie) a été mise sur la touche et ce sont des forces de ce type qui prédomineront aux prochaines élections. La mise à l'écart de Rodina est dans une grande mesure à l'origine du succès sans précédent obtenu à Moscou par le KPRF (Parti communiste de la Fédération de Russie). L'absence de Rodina s'est traduite pour lui par un gain estimé à 6-7% des voix.

Il est incontestable que le fait d'avoir été évincé du scrutin sera profitable à Rodina. Trois ou quatre mandats à la Douma municipale ne lui auraient strictement rien apporté, mais maintenant Rodina s'est insérée dans une niche réelle, ce parti n'est plus une opposition de poche. Cela conforte son ambition de remporter un succès au niveau fédéral et même un succès personnel de Dmitri Rogozine.

Alexandre Konovalov, président de l'Institut des évaluations stratégiques: Rodina devient un problème sérieux. C'est que cette formation a été créée par le Kremlin en tant que détachement de francs-tireurs pour damer le pion au KPRF, qui devait faire sauter l'état-major ennemi et tomber en héros. Mais au lieu de cela Rodina est rentrée bannière déployée après avoir sérieusement étoffé ses rangs. Or, le Kremlin n'entend pas lui attribuer une place quelconque dans les structures du pouvoir.

Alexeï Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques: Il s'est avéré que les électeurs de Rodina ne perçoivent pas cette formation comme une force charismatique. Pour ce qui est de Rogozine, on vote en sa faveur non pas avec le coeur, mais avec la raison. Ce vote prévoit plusieurs solutions de rechange. Au cours de cette campagne le KPRF s'est révélé lui aussi une solution de rechange de Rodina. Maintenant à la Douma de Moscou le KPRF sera dans l'opposition à Russie unie, mais pendant les élections les communistes étaient des adversaires bien plus commodes que Rodina, parce qu'avec celle-ci il y a des relations historiques.

Biznes

Lukoïl cherche à mettre un terme aux livraisons superflues de brut russe en Europe

Le président de Lukoïl, la plus grande compagnie pétrolière russe, Vaguit Alekperov, préconise l'arrêt des livraisons "trop bon marché" de brut russe en Europe. Une baisse des exportations est effectivement inévitable, cependant la différence des prix entre le pétrole russe et celui extrait en Europe du Nord ne disparaîtra pas pour autant.

L'écart entre l'Urals et le Brent d'Europe du Nord est actuellement de 7 dollars alors qu'auparavant il n'était que de 50-70 cents, se lamente le patron de Lukoïl. "Pour liquider cette injustice nous allons faire en sorte que l'Europe cesse de recevoir trop de pétrole russe, a menacé Vaguit Alekperov. Le débit des nouveaux pipelines acheminant les pétroles russe, kazakh et azerbaïdjanais en Europe sera inversé vers la Chine.

En évoquant la sous-évaluation du brut russe par les consommateurs européens, Vaguit Alekperov a repris l'idée de Vladimir Poutine émise au cours de la réunion tenue le 15 août par le gouvernement. Partant, il n'est pas étonnant que les analystes aient conféré une connotation politique aux propos du président de Lukoïl.

"Une réduction des exportations de pétrole russe serait dépourvue de tout fondement réel", relève Igor Vassiliev, analyste de la société de placement Financial Bridge. Le pétrole russe n'est pas une valeur cotée en bourse, explique-t-il. Pour l'essentiel il est livré dans le cadre de contrats à long terme, qui ne prévoient pas une diminution unilatérale du volume des livraisons. C'est vrai qu'après la construction du système pipelinier Sibérie orientale-Océan Pacifique les exportations de brut russe vers l'Europe seront probablement réduites parce que les possibilités d'accroître l'extraction ne sont pas illimitées. D'autre part, la Russie ambitionne d'exporter de l'or noir aux Etats-Unis.

Par conséquent, une réduction dans l'avenir des livraisons de pétrole en Europe est pratiquement inévitable. Cependant, il n'y aura certainement pas de nivellement des prix de l'Urals et du Brent. De l'avis unanime des spécialistes, l'écart stable (5-7%) existant entre les prix correspond à une réduction justifiée par la qualité inférieure du brut russe. Il est fort probable que les consommateurs préféreront se tourner vers d'autres fournisseurs dont la matière première ne nécessitera pas une purification supplémentaire plutôt que de payer plus cher le pétrole russe sulfureux.

Vedomosti

Gazprom veut verrouiller l'accès aux gros gisements pour les compagnies privées

Gazprom propose de classer stratégiques tous les gisements de gaz naturel dont les réserves dépassent 300 milliards de mètres cubes. Si le géant gazier qui contrôle actuellement plus de la moitié des réserves russes voit approuver sa proposition, l'État risque de se priver d'investissements substantiels dans le secteur, avertissent les experts.

La nouvelle version de la Loi sur le sous-sol dressée par le ministère des Ressources naturelles doit durcir les modalités d'accès aux gisements pour les étrangers et les investisseurs privés. Aux appels d'offres concernant les grands gisements ne participeront que les compagnies détenues à au moins 51% par des actionnaires russes, et seules les compagnies à 100% publiques pourront exploiter les gisements stratégiques dont les réserves dépassent 1.000 milliards de mètres cubes de gaz ou 150 millions de tonnes de pétrole.

Cependant, Gazprom qualifie les critères ministériels de trop libéraux et parle de gisements stratégiques au-delà de 300 milliards de mètres cubes. "Cela doit également concerner tous les gisements nouvellement découverts, a expliqué le membre du directoire de Gazprom, Vassili Podiouk, lors d'une audition lundi à la Douma. Si l'exploitant découvre un gisement dont les réserves dépassent 300 milliards de mètres cubes de gaz, ce gisement doit être inscrit dans le registre fédéral des gisements, alors que l'État doit dédommager les pertes de l'entreprise en question".

"Les producteurs de gaz indépendants ont déjà obtenu assez de licences sur les grands gisements, et ils ne savent plus où écouler leur gaz, s'est-il plaint. Mais les gazoducs de Gazprom sont trop étroits, alors que les compagnies privées ne se hâtent pas de construire leur propre réseau".

"Les producteurs indépendants seront abandonnés sur le bas-côté de la route, a pour sa part estimé un fonctionnaire proche du conseil d'administration de Gazprom. Le monopole n'a pas à fixer les critères des gisements stratégiques. Le projet de Loi sur le sous-sol doit être conforme aux intérêts nationaux, et non pas traduire les intérêts de Gazprom".

"En participant au partage, Gazprom pourrait "écrémer" le sous-sol sans dépenser beaucoup, sinon le monopole devrait lutter pour les gisements avec les compagnies privées qui sont prêtes à offrir beaucoup plus d'argent", a estimé l'analyste de la compagnie d'investissement Troika Dialog, Valéri Nesterov.

Novyé Izvestia

La promotion de la riziculture russe se traduit par une hausse des prix

La taxe provisoire à l'importation de riz fixée à 70 euros la tonne pourrait devenir permanente à partir du 10 janvier prochain. Les experts constatent à l'unanimité que cette mesure encouragerait les producteurs russes, même si elle a déjà fortement relevé les prix de cette graminée.

Le cabinet russe a introduit au printemps dernier, pour une durée de neuf mois, une taxe fixe à l'importation de riz qui a remplacé la taxe variable. Celle-ci s'élevait à 10% de la valeur en douane mais ne pouvait pas être inférieure à 3 euros la tonne, ce qui donnait en moyenne 30 euros la tonne. Mais les riziculteurs russes se plaignaient que la valeur en douane soit minimisée et accusaient les importateurs de casser les prix, et le cabinet a fini par établir provisoirement une taxe fixe à hauteur de 70 euros.

Au printemps, les importations de riz ont commencé à décroître. "Si l'an dernier les importations s'élevaient à 455.000 tonnes, la Russie a importé 370.000 tonnes de riz sur les onze premiers mois de l'année en cours, et le volume annuel des importations doit se situer donc entre 380.000 et 390.000 tonnes", explique l'analyste Irina Glazounova, de l'Institut de la conjoncture du marché agraire (IKAR). Toujours selon l'IKAR, la part du riz russe dans la structure de la consommation est passée de 30% à 40%.

Cependant, la mise en place de conditions favorables pour les riziculteurs russes frappera non seulement les importateurs, mais aussi les consommateurs. Avant l'introduction de la taxe, le riz importé se vendait 15% moins cher que le riz russe. Après l'introduction de la taxe, les prix se sont équilibrés.

Mais si les producteurs russes peuvent rattraper leurs confrères étrangers dans le volume, ils ne le pourront jamais sur le plan de la qualité, constatent les spécialistes. À leur avis, il est impossible de cultiver dans le territoire de Krasnodar (sud) le même riz qu'en Chine ou encore au Vietnam, d'autant plus que le riz à grains long n'existe pas en Russie.

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