L'initiative de Poutine sur les technologies nucléaires et le problème iranien

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Par Piotr Gontcharov, commentateur de RIA Novosti

Le 25 janvier, intervenant devant le Conseil interétatique de la Communauté économique eurasiatique, réuni à Saint-Pétersbourg, le président russe Vladimir Poutine s'est prononcé pour la création d'un "prototype d'infrastructure globale" qui permettrait de garantir à toutes les parties intéressées, un accès égal à l'énergie atomique, "le régime de non-prolifération étant strictement respecté".

L'élément clé de cette infrastructure doit être, selon le président russe, un système de centres internationaux spécialisés dans la prestation de services en matière de cycle du combustible nucléaire comprenant l'enrichissement d'uranium sous le contrôle de l'AIEA "sur la base d'un accès non discriminatoire".

Parlant du fonctionnement de ces centres internationaux "accessibles sans discrimination", Vladimir Poutine est subitement revenu sur le problème le plus délicat et le plus sensible de la coopération dans le domaine du développement de l'énergie atomique avec les pays qui ne possèdent pas encore leur propre nucléaire civil: le respect du régime déclaré par le document fondamental intitulé "Traité de non-prolifération des armes nucléaires" (TNP).

Le régime de non-prolifération est un problème effectivement très délicat car il est pratiquement impossible de respecter à la fois "l'esprit et la lettre" du document.

D'une part, le TNP oblige les pays possédant des technologies nucléaires avancées d'apporter aux autres pays signataires leur assistance dans le développement du nucléaire civil, mais d'autre part il oblige les uns et les autres à ne pas dépasser les limites du régime de non-prolifération. Comment concilier les deux si le processus de développement de l'énergie atomique s'approche inévitablement de la limite au-delà de laquelle la création de l'arme nucléaire sans l'aide des Etats possédant les technologies avancées ne dépend que de la volonté politique ?

L'exemple le plus connu est celui de la Corée du Nord : elle crée légalement, dans le respect du TNP, des technologies nucléaires civiles pour dénoncer ensuite le traité et annoncer la possession de l'arme nucléaire.

Le mécanisme le plus opérant servant à mettre en évidence cette volonté politique pour éviter une réédition du scénario nord-coréen est aujourd'hui le fameux "axe du mal" de Washington qui comporte, entre autres, l'Iran.

Dans le contexte de l'initiative russe, le cas de l'Iran est classique. Il est soupçonné de suivre la voie indiquée par la Corée du Nord, et ce pour la seule raison qu'il défend son droit, stipulé pourtant par le TNP, de développer ses propres technologies d'enrichissement d'uranium, tandis que du point de vue économique il est plus avantageux d'acheter de l'uranium enrichi aux pays producteurs.

L'Iran, pour sa part, insiste sur son droit de développer ses propres technologies de conversion de l'uranium et fournit un argument d'une logique désarmante : qui peut garantir que le pays fournisseur d'uranium enrichi ne décidera pas un jour de profiter de la situation dépendante du pays consommateur pour réaliser ses propres objectifs? Par exemple des objectifs politiques comme le renversement du régime en place?

En d'autres termes, la situation est telle qu'elle permet à chacune des parties de défendre sa position : à l'une qui se prévaut de l'esprit, à l'autre qui s'accroche à la lettre du Traité de non-prolifération. C'est une impasse : tant que vous n'êtes pas pris en flagrant délit, vous n'êtes pas en infraction, mais si vous êtes pris hors TNP, vous n'encourez pas de sanctions.

De l'avis de l'expert russe Alexéi Arbatov, l'initiative russe énoncée par le président Vladimir Poutine est bonne parce que, au cas où elle serait réalisée, le "système de centres internationaux fournisseurs de services en matière de cycle du combustible nucléaire, dont l'enrichissement d'uranium sous le contrôle de l'AIEA, exclut la possibilité de spéculation aussi bien pour les pays consommateurs que pour les pays producteurs.

La Russie a l'intention de profiter de sa présidence du G8 pour proposer cette approche aux pays membres, à tous ses partenaires dans l'utilisation pacifique de l'énergie atomique. Cette initiative vient à propos car le Conseil des gouverneurs de l'AIEA tiendra les 2 et 3 février une session extraordinaire sur le problème nucléaire iranien.

Ce n'est un secret pour personne que le principal argument de la Russie dans la discussion avec l'Occident et les Etats-Unis qui prônent des mesures drastiques à l'encontre de l'Iran sera précisément l'accord de ce dernier pour participer au projet russe de coentreprise d'enrichissement d'uranium sur le territoire de la Russie. L'Iran, il faut le reconnaître, a réagi mollement à cette proposition qu'il a qualifiée cependant de "positive" tout en assortissant son éventuelle participation d'une série de conditions dont l'une se ramène à l'internationalisation du projet avec la participation de pays tiers.

Comme s'il prévoyait une telle tournure des événements lors des discussions inévitables à la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, Vladimir Poutine a déclaré que "la Russie a déjà formulé une telle initiative et est disposée à créer un centre international sur son territoire".

Nul doute, des technologies avancées seront nécessaires pour créer des réacteurs de nouvelle génération et de nouveaux cycles de combustible. Ce sont là des problèmes qui ne peuvent être résolus que dans le contexte d'une large coopération internationale, selon le leader russe.

Pourquoi ne pas essayer? On n'a pas le choix. Peut-être l'initiative russe constituera-t-elle un précédent en prouvant qu'il est possible de respecter à la fois la lettre et l'esprit du Traité de non-prolifération, y compris dans le règlement du problème iranien.

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