La Russie ne veut pas être un pays "sous-nucléarisé"

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Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti
Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti

Un nouveau paradoxe russe: bien que grande puissance nucléaire, la Russie est néanmoins qualifiée par les spécialistes de pays "sous-nucléarisé". La part de l'électronucléaire dans les réseaux nationaux est en moyenne de 17,6%. Et ce dans un pays qui dès 1954 avait créé la première centrale nucléaire, celle d'Obninsk, et qui 30 ans plus tard en alignait déjà dix.

La marche triomphale de "l'atome pacifique" soviétique a été brusquement stoppée par la tragédie de Tchernobyl. La société ne s'est toujours pas extirpée entièrement de la radiophobie dans laquelle elle avait plongé. Néanmoins, pendant que le pays se remettait du choc et stoppait son programme de développement de l'électronucléaire, les Français, par exemple, sans se laisser complexer par ce qui s'était produit, tiraient les leçons de la catastrophe de Tchernobyl et continuaient d'avancer. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi la France détient aujourd'hui le leadership en matière de fabrication de courant nucléaire qui désormais représente 80% de sa production nationale d'énergie électrique.

La Russie entend bien rattraper le temps perdu et cette aspiration s'inscrit tout naturellement dans la renaissance du nucléaire mondial. Le gouvernement vient d'adopter dans les grandes lignes le Schéma général d'implantation des sites électronucléaires jusqu'à 2020, autrement appelé "feuille de route". Il s'agit en quelque sorte de la matérialisation du plan d'action qui initialement avait été énoncé dans le Programme fédéral finalisé de développement de l'électronucléaire, adopté l'année dernière. Son idée maîtresse est d'accroître au maximum la part du nucléaire dans la production globale d'électricité dans le pays.

Si la feuille de route est respectée, un réacteur nucléaire sera mis en service chaque année à partir de 2009, deux à partir de 2012 et plus par la suite jusqu'en 2020, tant que la puissance totale installée des centrales nucléaires qui est aujourd'hui de 23 GW n'aura pas été multipliée par 2,3, voire 2,5 fois. Ce plan sera réalisé sur la base de la technologie des réacteurs de la série VVER-1000 (réacteur à pile refroidie et ralentie par eau de 1000 MW de puissance), qui auront été perfectionnés au maximum.

Cependant Rosatom (Agence russe de l'énergie atomique) estime une diversification nécessaire: le pays a aussi besoin de réacteurs de moyenne et petite puissances.

"Les méthodologies impliquées dans la feuille de route sont justes en principe, estime le directeur adjoint du Centre de médecine radiologique de l'Académie des sciences de Russie, Viktor Ivanov. Cependant, il faut ajouter au programme une "analyse du risque" de façon à étayer scientifiquement la répartition géographique des centrales nucléaires et aussi à tranquilliser les gens encore sceptiques vis-à-vis de l'énergie atomique".

Pourquoi donc la Russie si riche en ressources naturelles, qui n'aurait aucune raison de redouter une instabilité énergétique, centre son attention sur le développement de l'électronucléaire? Premièrement, parce que dans une perspective visible l'humanité n'aura pas d'alternative à cette source d'énergie. Deuxièmement, le développement de l'électronucléaire peut optimiser la structure assez irrationnelle de l'approvisionnement du pays en produits énergétiques. 60% des centrales thermiques fonctionnent au gaz et le remplacement de ce combustible au profit de l'exportation et aussi des générations à venir est tout simplement une nécessité vitale.

"Au cours des cinquante prochaines années le problème du pétrole et du gaz se posera en des termes toujours plus aigus. On ne saurait miser sur des produits énergétiques qui finiront par s'épuiser et dont la demande sera très élevée sur le marché mondial", estime le professeur Rafael Aroutiounian, directeur adjoint de l'Institut du développement sécuritaire de l'énergie atomique relevant de l'Académie des sciences de Russie. Il souligne que l'électronucléaire est un potentiel à même de résoudre le problème de la pénurie d'énergie à moyen et à long terme?

Le chercheur pense qu'en portant à 20-25% la part de l'électronucléaire, la Russie ne fera que se hisser au niveau des pays "sous-nucléarisés". Cependant, cet objectif doit être considéré comme un minimum. Dans 50 ans la Russie devra obligatoirement posséder un puissant électronucléaire pour pouvoir subvenir à ses besoins énergétiques.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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