40 ans de mystère autour de la mort de Gagarine

© RIA Novosti . Yuri Abramochkin / Accéder à la base multimédiaIouri Gagarine
Iouri Gagarine - Sputnik Afrique
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Il y a 40 ans, le 27 mars 1968, le premier astronaute de la planète Iouri Gagarine, qui se préparait pour un vol dans le cadre du programme lunaire soviétique, et son instructeur Vladimir Sereguine, ne sont pas rentrés d'un vol d'entraînement aux commandes de leur MiG-15UTI. Dans quelles circonstances ces deux Héros de l'Union soviétique ont-ils disparu?

Il y a exactement 40 ans, le 27 mars 1968, le premier astronaute de la planète Iouri Gagarine, qui se préparait pour un vol dans le cadre du programme lunaire soviétique, et son instructeur Vladimir Sereguine, vétéran de la Grande Guerre patriotique avec à son actif plus de 200 missions à bord d'avions d'assaut Il-2 Sturmovik, ne sont pas rentrés d'un vol d'entraînement aux commandes de leur MiG-15UTI. Cependant, toutes les années écoulées depuis ce matin de mars n'ont pas permis de résoudre la question principale: dans quelles circonstances ces deux Héros de l'Union soviétique ont-ils disparu?

...Il ne reste que les bouleaux coupés net près du village de Novosselovo, un trou profond où l'on a érigé un mémorial, deux urnes funéraires dans le mur du Kremlin... et de nombreuses conjectures et suppositions: le mauvais état physique/psychologique de l'un (ou de l'autre), un impact avec un objet volant (avion, ballon-sonde), ou même un acte terroriste. Toutes ces hypothèses ont été énoncées, même un assassinat prémédité pour cause de jalousie politique! L'astronaute Vladimir Chatalov qui s'apprêtait à effectuer un vol le même jour, après Iouri Gagarine, m'a exposé la version suivante: perte de conscience d'un des deux pilotes, dont le corps s'affale sur les leviers de commande, et impossibilité (ou refus) pour l'autre d'abandonner son camarade, et l'appareil...

De nombreux experts, entre autres, le cosmonaute Alexeï Leonov, professeur de l'Académie aéronautique militaire Joukovski, le pilote d'essai Stepan Mikoïan, les spécialistes en aéronautique Edouard Chercher, Alexandre Plentsov, Anatoli Abramov et Igor Kouznetsov ont exposé différentes versions de la catastrophe.

L'une des raisons principales d'une telle multitude de versions est certainement l'absence de conclusions concrètes de la Commission d'Etat chargée de l'enquête sur les causes de l'accident. Il est vrai, certains faits ont été établis, mais les membres et experts de la commission se souviennent qu'aucune conclusion précise n'avait été tirée. Les documents concernant cette affaire avaient été classifiés, ce qui revient à dire "l'enquête est terminée", ou encore, "tout en haut, on sait mieux".

Il se peut que le sceau du secret s'explique justement par l'absence de conclusions précises. On invoquait "un brusque revirement... dans le but d'éviter une collision avec un ballon-sonde", ou bien "une tentative d'éloigner l'avion de la lisière supérieure des nuages", les angles critiques du vol et les conditions météorologiques défavorables. En fait, il n'y avait rien à expliquer au peuple. Dmitri Oustinov (homme politique soviétique) donna un mois et demi à la commission pour trouver une variante définitive. C'était en août 1968. Après l'entrée des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie, les autorités avaient d'autres soucis.

Dans les conditions de l'impossibilité de percer l'énigme avec le niveau des connaissances de 1968, trois éléments empêchaient d'établir précisément le déroulement et les causes de la catastrophe, estime Igor Kouznetsov qui a travaillé longtemps à l'Institut de recherche des forces aériennes. Premièrement, l'absence d'informations sur le secteur final de la trajectoire, notamment après la fin de la liaison radio. Deuxièmement, l'accord sur la version selon laquelle les pilotes avaient réussi plus ou moins à redresser l'avion. Troisièmement, il n'y a pas eu d'analyse systématique, et plusieurs faits établis n'ont pas été pris en considération (par exemple, les renseignements de la DCA sur un virage "non prévu").

L'influent hebdomadaire Nezavissimoïe voiennoïe obozrenie (Revue militaire indépendante) a récemment émis un autre avis, dans un article dont un des auteurs n'est autre qu'Alexeï Mironov, qui avait participé à l'enquête de 1968 et qui dirigeait alors l'Institut des vols d'essai de Joukovski. L'article se distingue par un fait significatif: ses auteurs confirment que la Commission d'Etat n'avait pas défini en 1968 les causes des vrilles de l'avion et de l'abandon prématuré du plan de mission par l'équipage. Quant à la hiérarchie des personnes responsables des dérogations et violations aux différentes lois et règles, ils mentionnent de hauts chefs militaires de l'époque. D'ailleurs, c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles les documents de la commission ont été classifiés.

Mais le titre de l'article en question, "Voici pourquoi est mort Gagarine", sonne un peu trop comme une vérité en dernière instance. Le fait est que la vérité n'avait justement pas été révélée, et que l'instance (le comité central du PCUS) avait caché les différentes variantes et suppositions. Ce n'est pas par hasard que Guerman Titov, doublure et camarade de Iouri Gagarine, avait proposé d'organiser une nouvelle enquête. A propos, le général Valeri Korzoun, chef d'état-major du Centre de formation des cosmonautes, Héros de la Russie, m'a confié: "C'est nécessaire pour la clarté et pour le prestige d'une puissance aérospatiale, ainsi qu'afin d'éviter de nouveaux accidents aériens, car, si l'on établit la(les) cause(s), on peut éviter d'autres tragédies".

Pourquoi donc le sceau du secret n'a-t-il toujours pas été levé sur ces documents de 1968?

L'idée d'effectuer une nouvelle enquête a été soutenue il y a deux ans par les participants à une rencontre au Musée polytechnique dans un Message adressé au président russe. Igor Kouznetsov s'est entretenu, à la demande de Vladimir Bouroutine, alors conseiller du président, avec les dirigeants de certains instituts de recherche et départements. Il a obtenu leur accord préalable et a pu préciser la somme nécessaire pour effectuer les études d'ensemble et pour modéliser la situation: environ 20 millions de roubles (près de 540.000 euros), somme inférieure au coût de deux moteurs d'avion ou de quelques citernes de pétrole.

Mais... le moulin des liens de subordination entre les fonctionnaires et de la "solidarité" départementale a fait voler en éclats cette initiative, qui a été jugée "inutile". Igor Kouznetsov résume dans son livre "Enquête... 40 ans après": La position passive de l'Etat et son accord tacite créent des conditions pour "le tout-permis et l'irresponsabilité permettant d'écrire et de dire n'importe quoi au sujet de la catastrophe".

Le pouvoir n'a-t-il pas les moyens et, surtout, la volonté pour mettre un point final à cette tragédie d'il y a 40 ans et couper court aux élucubrations et à la propagation de versions imaginaires infondées? En effet, les progrès de la science contemporaine, les nouvelles méthodes et technologies à notre disposition peuvent et doivent réhabiliter et confirmer le professionnalisme des deux Héros de l'Union soviétique décédés, et barrer la voie aux insinuations et à la calomnie.

Le dernier point, et le principal, a été exprimé par les pilotes militaires de première classe Alexandre Plentsov et Anatoli Abramov: "des milliers de vies de pilotes et de passagers auraient pu être sauvées, et des centaines d'avions préservés, si les bonnes conclusions avaient été faites dans le cadre d'une enquête objective sur les causes de la tragédie du 27 mars 1968".

Par conséquent, la nécessité d'une telle enquête concerne tous ceux qui sont en vie aujourd'hui...

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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