Le génocide arménien de 1915: passions autour de la reconnaissance

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Les événements autour de la résolution du parlement suédois qui a reconnu que le génocide du peuple arménien de 1915 était un fait historique font boule de neige et sont défavorables aux rapports arméno-turcs.

Les événements autour de la résolution du parlement suédois qui a reconnu que le génocide du peuple arménien de 1915 était un fait historique font boule de neige et sont défavorables aux rapports arméno-turcs.

L'un des plus ambitieux projets de pacification – la réconciliation entre l'Arménie et la Turquie – est en péril. En cas de réalisation de ce projet, la frontière arméno-turque pourrait faire partie du système de transit passant par la Transcaucasie et la Turquie et contribuer au règlement des problèmes de nombreux pays de la région et, en premier lieu, de l'Arménie elle-même, dont la situation rappelle un état de blocus. Cette perspective de réconciliation et de développement est remise en question.

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, n'a pas seulement rappelé son ambassadeur de Stockholm, mais il a aussi déclaré que son ambassadeur aux Etats-Unis, récemment rappelé pour une raison analogue, ne reviendrait dans la capitale américaine que lorsque Washington adoptera sa position sur les événements de 1915. Une déclaration n'inspirant pas l'optimisme est également parvenue hier d'Erevan: le président Serge Sargsian a déclaré que l'Arménie pourrait retirer sa signature du protocole arméno-turc de 2009 sur le rétablissement des relations diplomatiques. Argumentant sa décision, Serge Sargsian n'a mentionné le génocide qu'en passant, en focalisant son attention sur le problème du Karabakh. Il est néanmoins clair que la réaction d'Ankara offensé par la résolution du parlement suédois et la tempête d'indignation dans la presse turcophone fourniront à l'Arménie un argument de plus en faveur de l'"ajournement du réchauffement".

En quoi consiste le litige historique? En 1915, lorsque la Russie et la Turquie avaient combattu l'une contre l'autre dans le Caucase pendant la Première Guerre mondiale, les dirigeants turcs accusèrent les Arméniens résidant à proximité de la zone d'hostilités de complicité avec l'armée russe. Il fut décidé de "déporter temporairement" la minorité arménienne. Les Arméniens ayant survécus à cette "déportation" la qualifièrent de génocide, car plus d’1,5 million de leurs compatriotes furent tués. La Turquie qualifie cela de conflit civil.

En Union Soviétique où vivaient de nombreux témoins de cet événement, le génocide des Arméniens n'a pas été nié, il trouvait un reflet, bien qu'estompé par les autorités, mais tout de même intelligible, dans des livres, des films et des études historiques. Voila un cas où l'URSS avait dit la vérité. Ses motifs sont une question à part. Il est douteux qu'on puisse l'attribuer aux souvenirs sentimentaux des exploits accomplis par l'armée russe pendant la Première Guerre mondiale. Comme on le sait, chez nous, on n'a toujours pas érigé de monument aux millions de Russes tombés dans cette guerre. Le facteur turc y était très important: bien que les relations entre la Turquie républicaine et l'URSS n'aient pas été mauvaises depuis le début des années 1920, la Turquie adhéra à l'OTAN après la Seconde Guerre mondiale. Le crime de l'empire ottoman appartenant au passé aurait pu être facilement rappelé en cas de détérioration des rapports avec les dirigeants de la République de Turquie "bourgeoise". Il ne faut pas méconnaître non plus les efforts des intellectuels arméniens qui, même dans le cadre du régime totalitaire, ne permettaient pas que la tragédie de leur peuple soit oubliée.

Quant aux Etats-Unis et aux pays de l'OTAN, ils tâchaient de ne pas mettre l'accent sur les événements de 1915 afin de ne pas perdre un allié très sûr: la Turquie qui se renforçait peu à peu. En fin de compte, le processus de règlement de comptes avec le passé avait traîné des décennies pour parvenir jusqu'à nos jours, lorsque la Turquie s'est transformée, d'Etat faible et instable du début du siècle dernier, en pays puissant pouvant contraindre même les Etats-Unis à tenir compte de ses intérêts. (Pour preuve, le refus de laisser passer les troupes américaines en Irak et les raids lancés contre les rebelles kurdes dans les Etats voisins). Ressentant sa nécessité aussi bien pour l'Est que pour l'Ouest, Ankara a occupé une position rigide en menaçant de sanctions toutes les nouvelles reconnaissances du massacre d'il y a 95 ans.

Et voici que les parlementaires américains et suédois ont décidé de rétablir la justice: au moment de l'amélioration des relations arméno-turques. Il faut y ajouter un autre scandale en Suède où un peintre âgé de 63 ans a décidé de dessiner une nouvelle caricature du prophète Mahomet, au nom de la liberté de la presse. Si tous ces gens pensent vraiment qu'ils servent la cause de la liberté et de la paix, il faut leur rappeler un proverbe: "Un imbécile servile est plus dangereux qu’un ennemi".

 

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

 

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