Islam Karimov, vingt ans au pouvoir

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Il y a vingt ans, le 24 mars 1990, Islam Karimov devenait président de l’Ouzbékistan, élu à ce poste lors d’une session du Soviet suprême de l’ex-République fédérée de l’URSS.

Il y a vingt ans, le 24 mars 1990, Islam Karimov devenait président de l’Ouzbékistan, élu à ce poste lors d’une session du Soviet suprême de l’ex-République fédérée de l’URSS.

A strictement parler, le poste suprême a changé de nom. Karimov était alors premier secrétaire du Comité central du Parti communiste d’Ouzbekistan, il a tout simplement suivi le modèle de Mikhaïl Gorbatchev à l’échelle de l’URSS.

Le destin politique d’Islam Karimov s’est, lui, avéré bien meilleur. Il dirige jusqu’à présent l’Ouzbékistan devenu indépendant à l’automne 1991. Durant cette période, trois fois il a remporté les élections présidentielles avec un score imposant, deux fois organisé des référendums, d’abord en vue de proroger son mandat, ensuite de le prolonger de cinq à sept ans.

Bien que la Constitution de l'Ouzbékistan interdise au président de cumuler plus de deux mandats consécutifs, Islam Karimov restera probablement à la tête de la République aussi longtemps qu'il le voudra et il pourra toujours légitimer son pouvoir par un nouveau référendum. La majorité écrasante des électeurs approuve et soutient toutes les initiatives de leur chef de l'Etat.

Ce système de pouvoir peut être qualifié d’autoritaire. Il ne comporte rien d’inhabituel pour l’Asie centrale et, d’ailleurs, pour pratiquement tous les États musulmans. Le modèle de démocratie ouest-européen ou nord-américain ne s’y enracine pas. Quant aux élections vraiment libres, aussi paradoxal que ce soit, elles y sont tout simplement dangereuses car elles pourraient permettre à des islamistes radicaux d’arriver au pouvoir, comme ce fut le cas en Algérie en 1991, après quoi il fallut annuler les résultats des élections et recourir, en fait, à un putsch, entièrement approuvé par l’Occident. Les leaders du « monde libre » se permettent parfois de fermer les yeux quand sont bafoués les idéaux de la démocratie.

Les islamistes radicaux existent également en Ouzbékistan et Islam Karimov lutte opiniâtrement contre eux depuis vingt ans. La situation a connu des aggravations, des attentats ont même eu lieu, mais le président Karimov a exclu sur son territoire tout déclenchement de guerre civile selon le scénario tadjik, bien qu’une telle menace ait existé. Le fait est que les frontières de l’Ouzbékistan avaient été tracées artificiellement à l’époque soviétique. Par exemple, le territoire de l’ancien émirat de Boukhara est peuplé principalement de Tadjiks. Les événements orageux survenus dans la république voisine où leurs compatriotes menaient une lutte intestine depuis cinq ans ne pouvaient pas manquer d’influer sur eux. Or le mérite d’avoir empêché cette lutte de se propager sur le territoire ouzbek revient à Islam Karimov.

Le président contrôle fermement la situation, ce qui lui a valu le respect de la communauté internationale. La politique étrangère d’Islam Karimov peut être définie par un seul mot: le louvoiement. Il cherche constamment un équilibre des intérêts entre la Russie, la Chine et l’Occident. Il est à remarquer que l’Ouzbékistan, de même que d’autres républiques d’Asie centrale, n’a jamais eu l’intention de se séparer de l’URSS. Par exemple, le 17 mars 1991, lors du référendum sur le maintien de l’Union Soviétique, la majorité écrasante des électeurs de la république a voté "pour", mais après les fameux événements de Belovejskaïa Pouchtcha (Biélorussie), l’Union Soviétique cessa d’exister et l’Ouzbékistan fut, en fait, poussé à accéder à l’indépendance.

Depuis, Islam Karimov est contraint de louvoyer constamment. Etant membre de la Communauté des États indépendants (CEI), il a tantôt adhéré au Traité de sécurité collective, tantôt s’en est retiré. En raison des conflits armés et de la situation explosive au Tadjikistan et en Afghanistan, pays voisins, Islam Karimov a recherché un soutien auprès de protecteurs plus forts, tout en profitant des contradictions existant entre eux.

Ainsi s’est-il assuré une indépendance relative vis-à-vis de Moscou en s’alliant avec Washington. Karimov a énergiquement soutenu l’opération américaine lancée contre l’Afghanistan et a même permis aux États-Unis d’ouvrir leur base militaire sur le territoire de l’Ouzbékistan. Il est vrai qu’ensuite, craignant l’irruption éventuelle de talibans en provenance d’Afghanistan et une expansion de la révolution islamique, il s’est rapproché de nouveau de Moscou et, en juin 2001, l’Ouzbékistan a adhéré à un groupe informel connu sous le nom des «Cinq de Shanghai » (Chine, Russie, Kazakhstan Kirghizstan et Tadjikistan) dénommé ensuite Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Il y a quatre ans, l’Ouzbékistan a intégré l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).

Mais rien ne garantit que Karimov ne fasse marche arrière s’il décide que c’est plus avantageux pour lui. C’est un homme politique pragmatique qui s’inspire non pas de la nostalgie de l’URSS démantelée, mais des intérêts nationaux de sa république. De plus, il veut garder le pouvoir. Le président ouzbek s’acquitte bien de cette tâche depuis vingt ans et rien n’indique qu’il puisse desserrer tout à coup sa poigne et lâcher les leviers de commande.

Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur.

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