Asie centrale: une politique de bazar oriental

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Sur une vieille caricature datant de l'époque du Grand Jeu, l'Afghanistan serré entre l'ours et le lion - l'Empire de Russie et l'Empire britannique - crie: "Sauvez-moi de mes amis".

Sur une vieille caricature datant de l'époque du Grand Jeu, l'Afghanistan serré entre l'ours et le lion - l'Empire de Russie et l'Empire britannique - crie: "Sauvez-moi de mes amis".

Les Etats actuels d'Asie centrale compressés entre les intérêts de la Russie, des Etats-Unis, de l'Union européenne et de la Chine mènent leur propre jeu, dont le sens est de ne perdre en aucune circonstance l'un de ses amis. En effet, les grands Etats sont garants de leur souveraineté, une source de survie et de modernisation, sans parler du fait que c'est la rivalité entre les grands acteurs qui offre un champ de manœuvre aux pays de la région.

Mais ce jeu a une condition sine qua non: ne pas se laisser prendre dans le filet de l'un d'eux. Un marchand adroit aspirant à recevoir le plus d'argent possible pour sa marchandise ne la vendra pas en gros à un seul acheteur s'il y a beaucoup d'autres. Les intérêts des acheteurs et des vendeurs s'entrelacent et ce phénomène complexe s'appelle « politique tous azimuts ». Cette multiplicité des vecteurs est très spécifique. A y regarder de plus près, la diplomatie du Kazakhstan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan, Etats plus indépendants du point de vue économique, diffère fortement du comportement de leurs voisins plus faibles. Les premiers tentent de louvoyer entre les superpuissances. Les deuxièmes, pour survivre et renflouer leur budget, promettent leur bienveillance à tous, en encourageant le flirt des grands pays et en attisant l'esprit de rivalité.

Dans ce contexte, obtenir la loyauté totale des alliés, ce à quoi aspire Moscou, est une chose inaccessible. Malgré toutes les démarches de la diplomatie nationale, les visées tous azimuts des partenaires sapent le rôle de la Russie comme pays en charge des affaires de la région. La politique reposant sur les principes du bazar oriental abonde en sujets scandaleux accompagnés d'une forte dose d'émotions négatives. Les dirigeants kirghizes se plaignent des médias et de la télévision russes qui se sont permis de "tenter de discréditer les personnalités officielles et de présenter les événements de manière tendancieuse". En visite à Bichkek (la capitale du Kirghizstan), Nikolaï Bordiouja, secrétaire général de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), a assuré que la Russie ne menait aucune lutte sournoise contre le Kirghizstan. Cependant, les parties impliquées savent parfaitement où gît le lièvre. Le premier secrétaire de l'ambassade de Russie à Bichkek, Vitali Skrinnik, avait déjà parlé en février dans une interview à l'agence Eurasianet de l"emploi inapproprié de l'argent alloué par la Russie".

Ces propos du diplomate russe – et qui plus est, dans les médias étrangers – sont un événement hors du commun. Le but de cette déclaration consistait probablement à prévenir les dirigeants kirghizes que Moscou avait été irrité par le fait que 150 millions de dollars d'aide désintéressée et 300 millions de dollars de crédit avantageux accordés par la Russie s’étaient retrouvés dans des fonds suspects.

Le signal n’a été entendu qu’après quelques temps lorsqu’il est devenu clair que le crédit de 1,7 milliard de dollars ne sera pas accordé et qu’un scandale international impliquant l'homme d'affaires américain d’origine kirghize Eugene Gourevitch chargé de gérer l'argent russe, soupçonné par le tribunal de Rome d'avoir blanchi l'argent de la mafia italienne, n’est pas venu bien à propos.

Mais puisque la Russie ne peut pas choisir d’alliés dans la région, elle devra dans tous les cas édifier un système de sécurité avec le Kirghizstan et le Tadjikistan, un autre maillon faible, en créant des bases militaires communes dans ces pays. Le fardeau de la puissance régionale qu’elle porte prévoit aussi de maintenir la sécurité dans cette partie de l'Eurasie, sinon, d'autres s'en chargeront. Dans ce cas, l'aménagement des frontières bien protégées avec l'Asie centrale nécessitera plusieurs milliards de dollars. Sans parler de la nécessité de démanteler tout le système d'objectifs stratégiques visant à assurer l'intégration avec les pays voisins.

D'ailleurs, c'est aussi désavantageux pour ces derniers. Le départ de la Russie les privera de contrepoids dans les relations avec l'Occident et la Chine. Dans cette situation, la question peut se poser ainsi: Moscou, apprendra-t-il à employer efficacement de nouveaux moyens de coopérer avec tous les partenaires?

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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